C’est dans l’épicentre de la tech, à San Francisco, dans la vallée la plus chère du monde, qu’Alain Damasio, originellement auteur de science-fiction, puise les idées de cet essai ô combien essentiel. Il nous livre sept chroniques sur l’emprise des technologies dans nos vies. Avec une écriture juste, travaillée et intellectuelle, il nous propose un texte technocritique, poussé dans les plus grands retranchements.
Le bandeau du livre nous fait déjà regretter la matérialité du monde, et la couleur orange interpelle ; nous allons d’emblée dans une lecture puissante et influente. Il est difficile de résumer un tel travail d’observation et de retransmission de ce qui nous attend dans le monde connecté que l’on a façonné.
Au cœur du livre, il est question de la relation triptyque entre le corps humain, son esprit et la machine. L’homme (se) délaisse, s’oublie, faisant fi de toutes ses capacités, au profit d’une technologie « transhumaniste ». Tout ici, du siège d’Apple à Cupertino (le Ring de 1600 m de diamètre), aux voitures autonomes, en passant par le métavers et autres réalités augmentées, nous incite à réfléchir sur notre perte totale d’autonomie et de liberté.
L’IA devient la norme de l’interlocution, le réel et le virtuel n’ont plus de barrières : elles se créent néanmoins entre soi et soi, entre soi et les autres. Le vivre ensemble n’est plus, toute présence de l’autre est annihilée : tout vient à nous sur simple commande. Il n’y a plus de face-à-face, mais que de l’interface. L’homme ne fait plus, il fait faire.
Alain Damasio interroge en filigrane nombre d’intellectuels, d’ingénieurs, de cadres, de consultants qui œuvrent dans la matrice de la Silicon Valley ; et il est chaque fois plus bluffé par ce qu’il apprend. Son talent : la passation de ce qu’il entend, voit, étudie et examine.
Au milieu de cette vallée redoutable, qui prône l’ouverture au monde, l’auteur observe néanmoins l’enfermement, la privation.
Si tout semble nous ouvrir les portes d’un progrès extatique, il nous met en garde sur l’aggravation de la dépendance, sur l’ablation de réalité, sur la servitude qui sévit et qui détruit. C’est un essai brillant, rare, à mettre entre les mains de tous, de toute urgence.
Par Julia Urso
Publiée le
07/11/2024 à 14:26
Paru le 12/04/2024
318 pages
Seuil
20,00 €
2 Commentaires
Aurelien Terrassier
08/11/2024 à 00:08
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Aurelien Terrassier
09/11/2024 à 20:15
J'ai lu les bonnes feuilles de ce livre dans Lire c'est un excellent livre.