#PrixAutomne24 - La récompense littéraire au jury entièrement féminin, a révélé ses lauréats 2024. Une cérémonie riche en émotions, entre un appel à la fin des bombardements en Palestine, une dénonciation de l'antisémitisme qui monte dans notre hexagone, ou un refus de toutes pressions extérieures... Et un lauréat finalement surprise, Miguel Bonnefoy : non pas qu'on douterait de sa plume, mais il avait déjà remporté le Grand Prix de L'Académie Française.
Le 05/11/2024 à 18:44 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
05/11/2024 à 18:44
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La lutte fut serrée entre les jurés pour savoir qui de Miguel Bonnefoy ou d'Emma Becker il fallait distinguer. 5 voix contre 4 finalement, en plusieurs tours, pour deux beaux textes, mais l'un peut-être trop clivant... « Le roman d'Emma Becker a choqué certains, il faut le dire, moi pas vraiment pour tout vous dire », partage avec nous la jurée Josyane Savigneau : « Cette année, aucun texte ne s'est imposé comme l'année dernière avec Neige Sinno et son Triste Tigre, où certaines étaient prêtes à se battre à mort pour qu'elle soit la lauréate. Cette année, c'était plus ouvert. »
Pour rappel, Emma Becker raconte, avec toute l'honnêteté et la crudité qu'on lui connaît, sa relation passionnelle avec l'auteur Nicolas d'Estiennes-d'Orves, et comment elle a dû jongler entre son mari, ses enfants, son amant, et même sa belle-mère...
Mais le donner cette année à Miguel Bonnefoy, ça ne ferait pas doublon avec celui de l'Académie ? « Ces deux récompenses littéraires se complètent, alors même si on a discuté sur cet aspect bien sûr, on a décidé que ce n'était pas un argument suffisant pour ne pas distinguer cet auteur », nous répond Christine Jordis.
Pour le lauréat, ces deux récompenses littéraires ne se chevauchent pas : « Remporter le Prix Femina, n'est pas remporter celui de l'Académie Française. Pour le premier, c'est être salué par des femmes écrivaines que je lis et que je respecte. » Un Miguel Bonnefoy « sur un petit nuage d'encre et de papier », on l'aura compris, mais qui souhaite le dire haut et fort : « Un prix n'est pas une fin en soi ; je n'écris pas pour les récompenses, mais parce que c'est la seule chose que je sais faire. Il reste encore un long chemin à parcourir, beaucoup à apprendre et à assimiler. Ce ne sont pas des paroles en l'air, mais je le pense du fond de mon cœur. J'ai 38 ans, et encore beaucoup à arpenter, raconter, vivre, ressentir, comprendre. »
Malgré tout, comment faire mieux maintenant ? « Pourquoi pas écrire en espagnol un jour, ma langue maternelle, mon autre idiosyncrasie. » En effet, rappelons cet autre exploit, à la suite des Vladimir Nabokov, Romain Gary, Emil Cioran et autres Jorge Semprun : exceller dans une langue étrangère Remporter le Grand Prix de l'Académie Française, lui le Vénézuélien d'origine, ce n'est pas banal. Dans son discours, il a salué cette ouverture du jury du Femina à d'autres héritages : « Dans un monde où le xénophobie et le racisme prospèrent, c'est essentiel », affirme-t-il.
Le Vénézuela du côté de la mère, et le Chili du côté du père, comme celle qui a remporté le Prix Femina du Roman étranger, Alia Trabucco Zerán, récompensée pour son ouvrage Propre, publié chez Robert Laffont, dans une traduction de l’espagnol par Anne Plantagenet.
La jeune écrivaine tisse un récit psychologique à travers les yeux d'Estela García, une domestique au cœur du luxe et des tragédies d'une famille aisée chilienne. Un texte sur les dynamiques de pouvoir, de classe, et les contours souvent flous de l'amour familial.
Une autrice engagée, qui a tenu à exprimer son soutien aux Palestiniens, sous le feu de l'armée israélienne depuis l'Attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas : « Face à l'horreur en Palestine, je ne peux pas me taire, continuons d'élever la voix pour que s'arrête le massacre », a-t-elle notamment partagé. Avec cette lauréate, le jury a souhaité récompenser une plume acérée et nouvelle, mais pour ce faire, n'a pas distingué l'Irlandais Colm Toibin.
Qu'est ce qui empêche de lui remettre un prix spécial alors, pour l'ensemble de son oeuvre ? Rien, la preuve, ça a été fait. L'Irlandais était également présent à la cérémonie, avec sa traductrice historique pour le français, Anna Gibson. L'occasion pour l'écrivain de rappeler l'importance des Irlandais dans la fondation et le développement du Parti Démocrate américain, jusqu'à Joe Biden, alors que les élections approchent dangereusement...
Comme une sorte de contrepoint au cri du coeur d'Alia Trabucco Zerán, Paul Audi, lauréat du Prix Femina catégorie Essai pour Tenir tête (Actes Sud), a évoqué l'explosion de l'antisémitisme en France, depuis les événements du 7 octobre.
Christine Jordis salue un texte équilibré, entre ceux qui luttent contre l'antisémitisme, et ceux qui s'érigent contre la mort de civils innocents, notamment palestiniens. Pour ce faire, le philosophe explore la résonance du conflit israélo-palestinien sur les consciences à travers les échanges épistolaires de deux amis français. « J'ai pensé que s'élever contre la recrudescence de l'antisémitisme, en tant que non-juif, était important. Que cette parole devait être portée par ceux qui n'en sont pas les victimes », confie-t-il. Une participante de la cérémonie constate néanmoins, entre les deux lauréats qui se sont exprimés sur ce sujet inflammable : « Rien au sujet d'Israël. »
Dernier cas à soulever, qui a peut-être fait couler le plus d'encres et de pixels pour cette édition 2024 du Prix Femina : la présence de Caroline Fourest jusque dans la liste des finalistes, catégorie Essai. Dans son discours introductif, Christine Jordis a tenu à saluer « le courageux livre de Caroline Fourest ». Auprès d'ActuaLitté, elle développe : « Son ouvrage, Le Vertige MeToo (Grasset), porte un point de vue modéré, et bien que des erreurs factuelles aient été relevées, la publication d'une tribune la veille pour nous intimider reste inacceptable. »
La tribune en question a été publiée le 4 novembre dans les colonnes du Nouvel Obs, et exprime le mécontentement des signataires quant à cette nomination, critiquant notamment des « manquements à l’exactitude » et l' « ignorance complète des travaux sur les violences sexuelles et sexistes », de la part de l'autrice. Parmi les signataires, on peut citer Judith Godrèche, Anouk Grinberg, Hélène Devynck ou Mona Chollet. Elles considèrent que promouvoir cet essai serait un pas en arrière dans la lutte contre les violences sexuelles.
À LIRE - Miguel Bonnefoy, Prix Femina 2024
En réponse, Josyane Savigneau, rappelle : « En 2021, le Femina avait sélectionné Le Mirage #metoo de Sabine Prokhoris (Cherche-Midi), autrement plus polémique. La différence, c'est qu'elle n'était pas médiatique comme Caroline Fourest, n'attirant pas la même malveillance. »
Finalement, Caroline Fourest n'a pas remporté le Prix Femina catégorie Essai, mais Christine Jordis est formelle : surtout pas à cause de cette tribune.
Crédits photo : ActuaLitté (CC BY-SA 2.0)
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Par Hocine Bouhadjera
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10 Commentaires
Falco
06/11/2024 à 07:59
Bonjour,
Si le « déclassement » de l’ouvrage de Caroline Fourest est si évident et justifié uniquement par son contenu littéraire pourquoi, oui pourquoi s’acharner à le justifier ? Le résultat aurait-il été le même s’il avait été publié dans le groupe de M. Gallimard au lieu de celui de la galaxie de M. Bolloré ? Je ne le crois pas !
Merci
Aurelien Terrassier
06/11/2024 à 10:13
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Cynique
06/11/2024 à 10:59
Miguel Bonnefoy est un excellent auteur et un garçon très sympathique. Le doublon avec le Brand Prix du Roman de l'Académie ne s'imposait pas et un(e) autre auteure aurait pu bénéficier de cette exposition.
Pour ce qui concerne le Fémina étranger comment ne pas y voir un hommage posthume à la regrettée Sophie Charnavel?
Après le Goncourt de l'année dernière on va finir par se demander si pour avoir un prix majeur il ne faut pas mourir jeune d'un cancer, car honnêtement autant le Goncourt 2023 était incontestable autant le Fémina étranger de cette année n'est de loin pas le meilleur livre étranger de la rentrée...
Enfin si cela panse( un peu) les plaies de l'équipe Robert Laffont c'est une bonne chose...
Ah oui, mourir d'un cancer et s'appeler Sophie, très important!
Je serais Sophie de Closets je ferais des examens très très poussés !
Lise
06/11/2024 à 11:58
"Auprès d'ActuaLitté, elle développe : « Son ouvrage, Le Vertige MeToo (Grasset), porte un point de vue modéré, et bien que des erreurs factuelles aient été relevées, la publication d'une tribune la veille pour nous intimider reste inacceptable. »"
Drôle de formulation. J'ai lu cette tribune, elle est écrite par des personnes qui se sont estimées diffamées par C. Fourest et qui ont pointé les passages qu'elles estimaient faux, arguments à l'appui.
Je ne sais pas si ça finira en procès ou pas, mais parler d'intimidation pour une simple tribune en réponse, alors que C. Fourest s'est vue dérouler partout le tapis rouge dans les médias pour promouvoir son livre, c'est un peu gonflé.
Aurelien Terrassier
06/11/2024 à 13:46
Lise entièrement d'accord avec vous!
Gilles
06/11/2024 à 14:52
L'une des personnes s'estimant diffamée a porté plainte...
Aurelien Terrassier
07/11/2024 à 13:12
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Aurelien Terrassier
06/11/2024 à 13:44
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Aurelien Terrassier
08/11/2024 à 14:40
Pour trouver que " Vertige Meetoo" a un point de vue modéré, Miguel Bonnefoy doit avoir un manque de conscience au sujet dans la contre les VSS ou tout simplement cautionne les propos nauséabonds de Caroline Fourest qui plaît beaucoup aux masculinistes malheureusement aussi.
Falco
08/11/2024 à 17:49
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