À l’occasion de la très belle exposition Caillebotte. Peindre les hommes, qui se tient jusqu’au 19 janvier 2025 au Musée d’Orsay, trois livres présentant l’artiste ont retenu notre attention afin de mieux comprendre cet homme qui fut indéniablement le plus discret et le plus méconnu des impressionnistes.
Le 05/11/2024 à 12:05 par Audrey Le Roy
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Publié le :
05/11/2024 à 12:05
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Gustave Caillebotte est issu d’une famille riche et, à la mort de ses parents, ses frères et lui se retrouvent à la tête d’une petite fortune. Certains en profiteraient pour couler des jours heureux à ne rien faire, mais ce n’est certainement pas le cas de Gustave Caillebotte, qui a une sainte horreur de l’oisiveté.
Très vite, il s’intéresse à la peinture et ses premières toiles sont souvent inspirées par le calme de la maison de campagne de son enfance. Mais s’il aime peindre la nature, il va rapidement s’intéresser à la ville : sa vie, ses détails, ses ouvriers, ses évolutions, ses bourgeois et leurs intérieurs.
Penser à Caillebotte comme à un peintre du courant impressionniste n’a pas toujours été évident pour tous ceux qui observaient ses toiles. En effet, « ancien élève des Beaux-Arts, Gustave Caillebotte peint des œuvres réalistes et son style est plus classique que celui des impressionnistes. Cependant, le jeune artiste aime leur compagnie et leur complicité est immédiate. » (1 - Gustave Caillebotte, Élisabeth de Lambilly et Stéphanie Chardeau-Botteri, GrandPalaisRmnÉditions, Paris, 2024).
C’est en 1875, lorsque son tableau Les Raboteurs de parquet est refusé par le Salon officiel, qu’il décide de rejoindre ce groupe et d’exposer avec eux dès 1876. Contrairement à ses camarades, il ne manque pas d’argent, et il s’investit corps et âme pour aider ses nouveaux amis. Pour la troisième exposition des impressionnistes en 1877, « il a payé les locaux, envoyé les invitations, rédigé les annonces, accroché les toiles. Et c’est un succès ! » (1).
Et si les toiles ont du mal à se vendre, Caillebotte en achète lui-même, devenant ainsi collectionneur. Ce sont d’ailleurs ses achats qui feront que « longtemps, l’affaire Caillebotte [dont nous reparlerons], l’œil du collectionneur et la prodigalité du mécène éclipseront la réputation de l’artiste. » (2 — Caillebotte. Peindre les hommes, Catalogue d’exposition, Collectif, Hazan éditeur et le Musée d’Orsay, Paris, 2024).
Il n’y a pas que ses amis qui peinent à vendre leurs toiles ; Gustave lui-même doit lutter. « La prédilection de Caillebotte pour les figures masculines étonne, détonne même. » (2).
Il faut dire qu’il ne s’occupe pas des codes ; il peint ce qu’il voit et ce qu’il aime. Ainsi, son frère aime faire du piano, et cela ne pose aucun problème à l’artiste de le peindre en train de jouer, pourquoi cela le devrait-il ? Même si en général, on y voit plutôt des femmes. De même, qui ne connaît pas les fameuses femmes aux tubs de Degas ?
Si le fait de peindre une femme en train de faire sa toilette a pu déranger, ce n’était pas de la voir nue le problème, mais quand Caillebotte décide de peindre un homme nu sortant du bain, cela choque terriblement : « il faut dire que les spectateurs de l’époque n’ont pas l’habitude de voir le corps d’un homme nu qui ne soit pas celui, idéalisé et héroïsé, d’un dieu grec ou d’un héros antique. » (3 — Gustave Caillebotte. Peindre les hommes, Paul Perrin, Carnet d’expo, Découvertes Gallimard et le Musée d’Orsay, Paris, 2024).
Et si ce regard décomplexé de l’artiste sur le corps des hommes a pu questionner, et probablement questionne encore, c’est le peintre lui-même qui met les points sur les « i » et les barres sur les « t » quand il écrit à Pissarro en 1881 : « Nous devons continuer et continuer uniquement dans un sens artistique, le seul en définitive qui soit intéressant pour nous. » (3).
Par ailleurs, il est loin d’être le seul à s’être intéressé aux corps des hommes ; il suffit de voir Scène d’été de Bazille, les Baigneurs au repos de Cézanne ou encore La Toilette de Luce. Mais il est vrai que Caillebotte l’aura fait avec plus de constance. Peut-être est-il plus facile de se moquer des convenances quand on ne manque pas d’argent pour vivre.
De fait, n’étant pas obligé de vendre ses toiles pour manger, Caillebotte a eu tout le loisir d’avoir d’autres passions. Il est ce qu’on pourrait appeler un marin d’eau douce, un excelle, il est en effet un des meilleurs régatiers de France. « Enthousiaste, Gustave veut naviguer toujours plus vite. Il a l’idée géniale de remplacer les voiles de coton par des voiles en soie, élégantes et tellement plus légères ! » (1). Il est aussi passionné par l’horticulture, surtout les orchidées, et essaie de développer de nouvelles espèces. Il est également élu conseiller municipal de Gennevilliers en 1888, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort en 1894.
C’est en s’occupant de son jardin qu’il prendra froid et décédera, mais Caillebotte n’avait pas fini pour autant de faire parler de lui. Tout au long de sa vie, il avait, comme nous l’avons écrit plus haut, acheté des œuvres, une grosse soixantaine, elles sont signées Monet, Pissarro, Renoir, Sisley, Cézanne, Degas, Millet ou encore Gavarni. Cette impressionnante collection, il va la léguer à l’État à la condition que les toiles acquises soient exposées au musée du Luxembourg puis au Louvre.
Ce qui va devenir « l’affaire Caillebotte » durera deux ans, puis, après maintes tractations, l’État choisit finalement un ensemble d’œuvres, les autres étant rendues aux héritiers.
« Ce sont finalement trente et une peintures, sept pastels et deux dessins qui sont acceptés par l’administration » (3), dont les fameux Raboteurs de parquet de Caillebotte, sur l’insistance de Renoir.
Gustave Caillebotte aura réussi à imposer les impressionnistes dans les musées tout en se faisant quasiment oublier.
C’est en 1994, à l’occasion des cent ans de sa mort, que le musée d’Orsay organisera la première grande exposition rétrospective : « celui qui depuis toujours avait été considéré comme un collectionneur pionnier était désormais aussi reconnu comme l’un des plus grands peintres français de son siècle » (2), et il était plus que temps !
Illustration : La Partie de bateau, ou Le Canotier au chapeau haut-de-forme, peinture à l'huile sur toile de Gustave Caillebotte, 1878.
Par Audrey Le Roy
Contact : aleroy94@gmail.com
Paru le 02/10/2024
255 pages
Hazan
45,00 €
Paru le 03/10/2024
64 pages
Editions Gallimard
11,50 €
Paru le 02/10/2024
48 pages
RMN
13,50 €
1 Commentaire
Chardeau-Botteri
05/11/2024 à 19:05
Je vous conseille le Livre « Caillebotte, l’impressionniste inconnu» (fayard), écrit grâce aux archives familiales, pour tout connaître sur l’artiste 😉