La Chapelle constitue, depuis 1993, le centre libertaire « d’expérimentation sociale, politique et culturelle » de Toulouse. Il accueille spectacles, assemblées populaires, résidences artistiques, conférences, luttes, et même une librairie, Le Kiosk, depuis 2019. Près de 30 ans plus tard, les bénévoles entendent racheter le lieu, après la fin de travaux de mise aux normes. Pour ce faire, ils en appellent, depuis octobre, à ceux qui souhaitent soutenir cette initiative.
Le 02/12/2024 à 17:35 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
02/12/2024 à 17:35
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La Chapelle, comme son nom l'indique, était autrefois un lieu de culte catholique, alors Chapelle Sainte-Jeanne d’Arc. Délaissé durant les années 1980, période durant laquelle elle est tombée à l'abandon, l'édifice a été investi par l’association Planète en danger, fondée à la suite de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Installé à deux pas du Conseil départemental, il devient un lieu de rassemblement de militants, alors que le quartier de Compans-Caffarelli avançait dans sa gentrification.
Avec le temps, elle s'est transformée en un véritable espace alternatif, rassemblant militants, bénévoles et artistes. Pas de droit ni titre en revanche, « illégalement, mais légitimement » : « Le lieu était à l'abandon, et des travaux ont rapidement été réalisés, comme solidifier le toit. Tout ce qui était nécessaire pour en faire un lieu d'activité vivant », partage avec ActuaLitté Sébastien Chabert, bénévole à la Chapelle depuis 2005.
En 1995, l'association Atelier Idéal a été formée pour gérer le lieu. Un nom inspiré par un ancien professeur et poète tchèque de Toulouse, qui avait vécu ses derniers jours en déshérence sociale, et était décédé à La Chapelle. Après sa mort, ses cahiers et manuscrits ont été retrouvés sur place, avec une mention à cet « Atelier Idéal ».
Les activités du lieu se sont petit à petit diversifiées, entre concerts et lieu de rencontres. Quand l'association La Dérive Jubilatoire organise des débats et conférences, l’Atelier Idéal tient des apéritifs et des événements culturels.
Depuis 2019, La Chapelle héberge une librairie, Le Kiosk, installée dans une cabane faite de terre et de paille dans le jardin, qui peut accueillir une vingtaine de personnes. Elle propose des livres d'occasion et de différentes maisons, sur un modèle de vente directe pour soutenir l'édition indépendante. Les libraires, tous bénévoles, organisent fréquemment des présentations d'ouvrages et de revues, en présence des auteurs.
Le point culminant est la fête annuelle du Kiosk, qui rassemble la communauté avant l'été. Tous les bénéfices sont réinvestis dans l'achat de nouveaux livres, l'impression de brochures, et l'organisation d'événements culturels et politiques. Deux permanences sont tenues chaque semaine, les lundis et jeudis soirs.
Parmi les grands événements culturels et littéraires, on peut citer les marathons de lecture. Par exemple, en 2005, avec une performance de 48 heures autour du Don Quichotte de Cervantès : « Ces événements attirent autant des curieux que des artistes plus connus, avec des intermèdes musicaux et des moments pour manger et dormir, s'étendant du vendredi soir au dimanche soir », décrit Sébastien Chabert.
En 2013, lors des 20 ans du lieu, l'équipe a organisé une lecture intégrale des Misérables de Victor Hugo, un événement de 72 heures cette fois. L'occasion de traiter de thématiques comme la prison et la prostitution, avec la présence d'associations engagées dans ces sujets, et des prises de parole militantes.
La Chapelle se veut avant tout un « lieu d'expérimentation, ouvert à toutes les initiatives stimulantes », résume Sébastien Chabert. Un bar a également été aménagé permettant de se poser et manger à moindre coût. En hiver, le lieu sert de résidence à des compagnies de théâtre, et tout au long de l'année, il reste un point central pour la préparation de mouvements sociaux. Une AMAP (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne) assure par ailleurs une distribution de légumes tous les lundis soirs.
Le collectif La Chapelle aspire désormais à devenir légalement propriétaire des lieux. Sébastien Chabert raconte : « Pendant longtemps, l'acquisition du bâtiment paraissait inatteignable. L'archevêché, à qui l'édifice avait été légué sous condition de maintenir sa vocation cultuelle, envisageait uniquement de laisser le bâtiment s'écrouler, pour ensuite vendre ce très précieux terrain, car situé au centre de Toulouse. »
Face à cette perspective, ceux qui avaient investi le lieu ont mené des batailles pour le conserver. La mairie, socialiste à l'époque, a finalement usé de son droit de préemption pour l'acquérir en 2009, arguant l'intérêt général. À cette époque, c'est Nicole Belloubet, future ministre, qui était l'adjointe à la culture, sous la mandature de Pierre Cohen.
En 2014, c'est le LR Jean-Luc Moudenc qui s'empare de la mairie de Toulouse. Les membres de la Chapelle craignent alors un changement de position du côté des pouvoirs publics même si Sébastien Chabert tient à le rappeler : « Nous sommes avant tout un groupe de réflexion libertaire, affilié à aucun parti politique. »
Finalement, des discussions ont été enclenchées, qui ont abouti en 2018 à la signature d'un bail emphytéotique de 40 ans avec la mairie de Toulouse, qui restait alors propriétaire du lieu : Le loyer est fixé à 500 € par an, « avec les contraintes d’un propriétaire ». Une promesse de vente de 100.000 € a également été négociée, pour les 200 mètres carrés de terrain.
Mais, avant de pouvoir acheter le bien, il a fallu réaliser les travaux obligatoires à la mise en norme du lieu, le tout sans subventions ni financements extérieurs.
Pour ce faire, une première campagne de dons a été lancée en 2017. Le collectif a obtenu plusieurs milliers d'euros de matériaux comme des charpentes, des palettes de tuiles, de briques et d'autres fournitures de construction grâce à la générosité d'associations et de professionnels amis du lieu. La toiture a également été entièrement refaite, ainsi que l'installation électrique, les alarmes incendie, la modification des portes et des cloisons, et l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Il ne reste plus que l'aménagement des extérieurs, incluant l'allée et les toilettes, à finaliser.
L'équipe de la Chapelle sollicite à nouveau le soutien pour ce projet, via une campagne de financement participatif sur HelloAsso. Sur un objectif de 150.000 €, 121.125 € a déjà été récolté, grâce à 935 contributeurs, et il reste deux semaines pour y participer. Puisque les 120.000 € ont déjà été atteints, La Chapelle sera rachetée.
Les 150.000 € permettront également de couvrir les frais d’acte notarié et les frais de commissaire aux comptes, de 20.000 €, et, en cas de succès, d'investir dans de nouveaux équipements, par exemple remplacer les actuels éclairages analogiques par des lumières LED, plus économiques et efficaces, le renouvellement des enduits des murs, ou encore la rénovation de la petite maison attenante.
« Nous nous projetons au-delà du bail emphytéotique, au-delà de notre seul collectif… et nous faisons le vœu que ce lieu si cher à tous et toutes devienne la propriété de tous et toutes via le système de la propriété d'usage », explique Sébastien Chabert.
L'objectif est de protéger définitivement La Chapelle contre la spéculation immobilière. Les membres du collectif partagent : « Il ne s'agit pas simplement d'acquérir la propriété, mais de garantir que le lieu ne puisse jamais être revendu ou converti en une salle de spectacle dépourvue de vocation politique. Nous nous inspirons de modèles de lieux autogérés tels que le CLIP ou ANTIDOTE, qui ont adopté ce principe de propriété collective d'usage. »
L'association La Chapelle sera constituée des trois associations qui utilisent régulièrement le lieu, l'Atelier Idéal, le Kiosk, et la Dérive Jubilatoire, ainsi qu'une quatrième association regroupant les membres de soutien, qui jouera un rôle de médiation et de contre-pouvoir, prévenant toute vente ou altération du projet initial. Les statuts de l'association La Chapelle, une fois finalisés, seront disponibles sur leur site.
La Chapelle porte un modèle d'autogestion horizontale de l'association, qui ne dispose pas de président. Chaque membre a le droit de parole et partage la responsabilité au sein du conseil d'administration.
Crédits photo : La Chapelle
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
1 Commentaire
Nico
03/12/2024 à 06:53
Quelle joie de voir ce genre de lieux exister et résister avec bienveillance grâce a la solidarité de quelques personnes. L espoir de voir des lieux de vies alternatif comme celui là est revigorant. Je vais de suite faire un don.
Merci actualitte pour tout vos articles qui continue a faire exister cette possibilité de lutter contre le réductionnisme et le simplisme des idéologies nauséabonde qui monte un peu partout en France et en Europe. La diversité et la pluralité des modes d existence et de d expression peuvent encore s exercer je l espère pour longtemps.