L'année 2024, perturbée par une inflation toujours présente, l'instabilité politique et un recours plus important à l'occasion, s'annonce assez morose pour le secteur du livre. Mais certains acteurs, pris à la gorge par le manque de place en librairie et la hausse des coûts de production, tirent plus particulièrement la langue. Alors, l'indépendance passera-t-elle l'hiver ?
Le 21/11/2024 à 09:08 par Antoine Oury
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21/11/2024 à 09:08
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Quand, à la fin du mois de septembre dernier, les éditions Rouquemoute, spécialisées dans la bande dessinée, lancent un « appel à l'aide », un écho semble y répondre. En effet, en quelques mois, les alarmes de ce genre ont résonné à plusieurs reprises : en mars 2024, une autre maison d'édition des Pays de la Loire, Ici Même, affichait une situation économique délicate. En mai, The Hoochie Coochie ouvrait une caisse de soutien, pour assurer la poursuite de ses activités.
Quelques semaines plus tard, suite à une négociation malheureuse sur les droits d'un auteur, Cornélius, maison historique de la BD « alternative », en appelait à son tour à la solidarité. Le phénomène ne se limite pas à la bande dessinée : Les Moutons Électriques, éditeur bien connu des amateurs de science-fiction, se retrouvait à nouveau en difficulté financière en septembre dernier...
« C'est un phénomène qui est tout sauf isolé, il s'agirait même d'une tendance qui s'accroit, au point que nous sommes aujourd'hui à un véritable point de bascule. » Dominique Tourte, fondateur et gérant de la maison d'édition Invenit, n'emprunte pas de détour : directeur général de la Fédération des éditions indépendantes (Fedei) depuis 2021, année de la création de cette structure, il se déclare particulièrement inquiet.
La Fedei réunit aujourd'hui un peu plus de 400 maisons d'édition indépendantes, sur les 2500 que compterait le secteur, estime-t-elle. Définir l'indépendance d'une structure éditoriale peut sembler compliqué, aussi la structure se base-t-elle sur trois critères : la publication à compte d'éditeur, l'absence de contrôle direct ou indirect par l'État, une collectivité territoriale, un établissement public, un groupe éditorial ou financier, et enfin un chiffre d'affaires annuel inférieur à 10 millions €.
Elle n'a pas encore l'envergure d'un observatoire, capable de rendre compte plus précisément de l'état de l'édition indépendante. « Je ne peux parler que des propos échangés, des conversations entre nous », reconnait ainsi son directeur général. « Mais si 2023 était encore satisfaisant pour une bonne part d'entre nous, depuis début 2024, tous nos membres font état d'un certain marasme. »
Ce constat plutôt morose ne surprend guère, dans un secteur du livre où le marché se révèle, au mieux, atone. Les derniers résultats communiqués par le Syndicat national de l'édition (SNE), organisation patronale qui réunit un peu plus de 700 éditeurs, dont les grands groupes du livre, annonçaient un chiffre d'affaires en hausse de 1,1 % en 2023.
Avec 2,944 milliards € de CA, tout va bien ? Pas vraiment, puisque cette donnée, seule, dissimule, la hausse des prix des livres, qui, en trompe l’œil, gonfle aussi les résultats. Dans les faits, le nombre d'exemplaires vendus a diminué, passant de 448,5 millions en 2022 à 439,7 millions en 2023. Et sans doute moins encore en 2024, comme le prévenait le Syndicat de la librairie française dès cet été.
« Depuis l'année dernière, nous constatons une baisse du nombre de nouveautés du côté des éditeurs indépendants, liée à un manque de trésorerie. Les maisons se tournent plus volontiers vers la défense du fonds », analyse Camille Thoniel, chargée de coordination au sein du Coll.LIBRIS, le Collectif des éditeurs des éditeurs en Pays de la Loire. « Cet accompagnement des livres sur le long terme est un choix éthique et écologique pour de nombreux acteurs indépendants, ce sujet existe depuis longtemps pour eux. Mais, depuis l'année dernière, cette maitrise des parutions n'est plus forcément un choix. »
Financièrement, l'indépendance n'a jamais rimé avec aisance, pour les maisons : « Les structures éditoriales indépendantes ont toujours fait face à des difficultés, car une place importante est prise, sur le marché du livre, par les grands groupes », nous rappelle ainsi Camille Thoniel.
Cette fragilité quasi systématique a été informée, en début d'année 2024, par une étude du ministère de la Culture consacrée aux petites et moyennes maisons d'édition. Bien qu'imparfaite en raison de son périmètre difficile à définir, elle a permis d'établir un panorama de ces entreprises, dont le nombre est estimé autour de 4722 entités : peut-être pas toutes indépendantes, mais une majorité, sans aucun doute.
Les ventes des petites et moyennes maisons d'édition représentent, en valeur, 13 % des ventes totales de l'édition (soit 9 %, en volume). 344 maisons d'édition ont répondu à un questionnaire ciblé, diffusé par le ministère, sur leur rentabilité : pour un tiers d'entre elles, la rentabilité est basse, entre 0 et 5 %. Pour un quart des structures, elle est même très négative, inférieure à -20 %. 14 % seulement de ces entreprises jouissent d’une rentabilité supérieure à 10 %.
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Cette fragilité économique a été mise à rude épreuve en 2020, avec la pandémie de Covid-19 et les différents confinements qu'elle a imposés. Comme d'autres secteurs économiques, celui du livre fait le dos rond, anticipant un fort repli de l'activité et des achats. « Les questionnements et les craintes se sont multipliés, mais un accompagnement très important s'est mis en place, avec des aides économiques conséquentes », rappelle Camille Thoniel. Si bien que les structures, dans leur majorité, restent à flot.
L'année 2021 reste même dans les mémoires comme un « miracle », un cru « exceptionnel » : le Covid aura finalement participé à un retour vers les livres et à un bond de 12 % du chiffre d'affaires global de l'édition, toujours d'après les chiffres du SNE. Pour la chargée de coordination de Coll.LIBRIS, les réjouissances ont masqué la situation déjà complexe des indépendants : « Les grands groupes s'en sont bien sortis et ont tiré la couverture à eux. Dans un moment d'incertitude, des libraires se sont aussi tournés vers des valeurs sûres », estime-t-elle, en précisant que les librairies restent bien entendu des alliées des éditeurs indépendants.
Le soutien public au domaine de la culture a tenu lieu de bouclier, rappelle Dominique Tourte, mais ses effets ne sont pas des plus durables : « Beaucoup d'entreprises d’édition ont dû avoir recours au prêt garanti par l'État sur cette période. Aujourd'hui, elles se retrouvent face à un effet ciseaux : leur chiffre d'affaires diminue, les charges augmentent, et elles doivent à présent rembourser ce prêt. »
Les gérants et gérantes de petites et moyennes maisons d'édition peinent généralement à se rémunérer, comme le soulignait l'étude du ministère de la Culture en se basant sur des réponses plus largement fournies par des structures indépendantes. 30 % seulement, parmi les participants à l'étude, indiquaient tirer un revenu régulier, dont 23 % par un salaire et 7 % par les bénéfices de l'activité.
Dans ces conditions, les moyens de subsistance doivent se diversifier : « Dès 2023, des gérants nous ont indiqué qu’ils reprenaient une autre activité, comme l'animation d'ateliers d’écriture, des travaux de graphisme, ou encore des missions de surdiffusion, en tant que prestataire », nous confirme Stéphanie Lechêne, directrice adjointe de l'Agence régionale du livre des Pays de la Loire.
Les difficultés économiques conjoncturelles vont désormais de pair avec un mal bien connu de la littérature et du document, moins habituel dans le domaine de la bande dessinée : la surproduction. Dénoncé depuis plusieurs années par des organisations de libraires et d'auteurs, le phénomène se poursuit, malgré des baisses à la marge ou au moment de la rentrée littéraire.
D'après les données du Syndicat national de l'édition, 36.819 nouveautés ont été publiées en 2023, soit, grosso modo, 100 titres par jour. La diminution, par rapport la production de 2022 (38.743 titres), est réelle (- 5 %), mais le Syndicat de la librairie française, en juin dernier, appelait à une « baisse drastique », considérant que la surproduction « nuit à la diversité », parce qu'elle limite le temps que les libraires peuvent consacrer à chaque parution.
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Après plusieurs immenses succès (L'arabe du futur de Riad Sattouf ou Le Monde sans fin de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici, par exemple), la bande dessinée se retrouve elle aussi confrontée au phénomène. 6700 nouveautés ont été dénombrées en 2023 (soit une vingtaine d'albums par jour), contre 5500 en 2019, d'après les données de l’institut GfK.
« Il y a toujours plus de maisons d'édition, ce que je trouve enthousiasmant mais cela a comme corolaire l'augmentation du nombre de parutions », remarque Serge Ewenczyk, président des éditions çà et là, créées en 2005. « La bande dessinée a de ce fait connu une rapide diversification en l'espace de vingt ans, tous les thèmes sont abordés, tous les formats existent, tous les types de fabrication également. On a aussi vu une augmentation sensible du nombre d'autrices et d'éditrices, une excellente chose », note-t-il encore.
Le public amateur de bandes dessinées a suivi le même mouvement, permettant l'émergence de succès inattendu : çà et là en ont elles-mêmes profité, avec La couleur des choses de Martin Panchaud (plus de 50.000 exemplaires vendus depuis septembre 2022, chiffre Edistat). Mais la ruée vers l'or pourrait faire des victimes collatérales : « [P]resque toutes les maisons d'édition généralistes ont créé leur label de bande dessinée, cela commence à faire du monde », s'inquiète ainsi Serge Ewenczyk.
En période d'inflation et de repli de la consommation, cette profusion de l'offre s'avère même problématique, puisque l'espace en librairie est contraint, tout comme le budget des lecteurs ou, même, la disponibilité médiatique. Les premiers alliés de l'édition indépendante, les libraires, sont eux-mêmes sur la corde raide : « La rotation en librairie est très rapide, ils sont débordés », assure Philippe Marcel, éditeur de La Cafetière. « C'est impossible pour eux de tout lire, alors que les mises en place de nos titres représentent un tiers, voire un quart, de que l’on pouvait espérer à une époque », remarque-t-il.
L'éditeur historique de Fabcaro (connu pour son Zaï Zaï Zaï Zaï, chez 6 pieds sous terre, et ses romans chez Gallimard) pourrait paraitre dans une zone de sérénité éditoriale, mais il n'en est rien. Je te hais : Tu ne le sais pas encore, c’est tout, de Nadine Redlich (traduit par Philippe Marcel), paru en février 2023, est ainsi « passé à la trappe » à sa sortie, déplore l'éditeur, qui s'est lancé dans une opération de surdiffusion. Cette pratique vise à améliorer la relation directe entre un éditeur et un libraire, en communiquant au sujet d'un titre en particulier. Mais la stratégie s'essouffle : « Les libraires n'en peuvent plus, il n'y a plus de temps long, dans leur profession. »
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D'autant plus qu'à la suite de la pandémie de Covid, un autre phénomène se manifeste : « Beaucoup de sorties d'albums ont été reportées par les maisons d'édition, et cela crée des bouchons dans les parutions, même si cela n'apparaît pas forcément aux yeux du public », note Philippe Marcel.
Les pouvoirs publics ont mis en place un certain nombre d'aides économiques pérennes et récurrentes en direction du secteur, voire de l'édition indépendante. La subvention aux éditeurs pour la promotion des auteurs et des publications, versée par le Centre national du livre, vient justement financer des actions de promotion des livres et des auteurs : si elle est la bienvenue, l'efficacité de la surdiffusion se trouve remise en cause, dans une période comme celle vécue actuellement.
Les autres aides proposées par le CNL aux éditeurs — à l'édition, à la traduction, au développement numérique (services numériques et livres audio) — sont animées par une logique de titre : il s'agit alors d'accompagner « les maisons d’édition prenant des risques économiques dans le cadre d’une production éditoriale de qualité et diversifiée », selon l'établissement public. Ici aussi, le soutien est précieux pour les éditeurs indépendants, voire salutaire : « Quand le CNL aide une petite maison à produire un titre, c’est globalement une aide pour le fonctionnement », souligne Dominique Tourte.
Interrogé, le CNL nous indique que 860 aides ont été attribuées aux éditeurs en 2023 (hors revues, hors extraduction) pour un montant global de 4.648.231 €, soit une hausse de 4,5 % en volume et de 10,3 % en valeur par rapport à 2021 — le Centre y inclut les prêts à taux zéro, que les éditeurs doivent logiquement rembourser.
Les indépendants ne sont pas les seuls concernés, puisque le CNL aide toutes les maisons d'édition, sans considération pour leur taille ou leur appartenance à un groupe. En l'absence de définition précise de l'indépendance d'une maison, le Centre ne peut fournir qu'une distinction entre maisons de groupe ou non. En 2023 toujours, 21 % des aides en volume et 23 % des aides en valeur ont été alloués à des éditeurs relevant de groupes, contre 79 % des aides en volume et 77 % des aides en valeur alloués à des éditeurs hors groupes.
Les demandes d'aides, cette même année, seraient réparties de la manière suivante : 22 % des demandes d’aides ont émané d’éditeurs relevant de groupes et 78 % d’éditeurs hors groupes. Elles ont progressé de 11 % entre 2022 et 2023 et de 13 % entre 2021 et 2023, en particulier sur les aides à la promotion des auteurs et des catalogues (+57 % entre 2022 et 2023 ; + 237 % entre 2021 et 2023) et les aides au développement numérique (+195 % entre 2021 et 2023, du fait de la création de l'aide pour favoriser la diversité de l’offre de livres audio). Les aides à la publication ont connu, pour leur part, une hausse des sollicitations de 10 % entre 2022 et 2023.
À ce soutien de l'État s'ajoutent des aides régionales, qui viennent parfois se coordonner à l'action du ministère de la Culture et du CNL par l'intermédiaire de contrats de filière.
Le secteur de l'édition est indéniablement aidé, mais l'est-il de la meilleure manière ? C'est la petite question qui monte, au sein de la profession. Pour commencer, mais cette critique n'est pas nouvelle, on s'accorde à dire que les modalités de candidature du CNL ne sont pas des plus aisées. « La composition d'un dossier reste assez complexe, avec un certain nombre d'éléments demandés et également des calendriers trop contraignants », explique Philippe Marcel, des éditions La Cafetière, tout en reconnaissant que des règles sont aussi nécessaires, quand de l'argent public est en jeu.
Dominique Tourte, de la Fedei, pointe pour sa part une certaine inégalité des maisons d'édition face à la commande publique : une structure intégrée à un groupe pourra plus facilement mobiliser un poste sur les demandes d'aides, quand un éditeur indépendant devra composer avec un emploi du temps déjà très mobilisé par l'édition, les relations presse ou encore des tâches administratives liées à l'entreprise. Qui plus est, « une maison intégrée à un groupe pourra bénéficier de moyens mutualisés », et de possibilités d'équilibre plus larges qu'une maison indépendante.
Enfin, « dans une maison de groupe, es aides publiques qui ont été apportées sur tel ou tel titre termineront dans le partage des actionnaires. Ce n’est pas tout à fait normal », souligne le président de la Fedei. Qui reconnait cependant que des livres de qualité, moins consensuels sur un plan commercial, ne se feraient plus, même au sein des groupes, sans l'apport du CNL.
Équilibrer bibliodiversité et respect de la concurrence, voici le délicat défi qui semble posé au Centre national du livre. L'institution n'est d'ailleurs pas opposée aux évolutions de ses dispositifs, comme le prouve l'étude, menée actuellement, en vue d'une modification de son aide à la promotion, « plus spécifiquement dédiée aux petites et moyennes maisons d’édition – 9 aides sur 10 sont attribuées à des maisons dont le CA est inférieur à 500.000 € », nous précise-t-elle. « L’objectif sera d’apporter un soutien plus structurant sur le moyen terme », indique-t-on simplement. Pour l'instant, le montant n'est pas arrêté, puisque l’enveloppe allouée dépendra, comme toujours, des arbitrages budgétaires...
Au-delà des dispositifs et des subventions, le système en lui-même soulève des questionnements, en raison de sa logique productiviste. Au moment où la surproduction éditoriale étrangle des acteurs de la chaine du livre, cette approche parait appartenir à un autre temps. Selon Dominique Tourte, cette réorientation des aides serait en réflexion, pour aboutir « à une forme de contractualisation, sur 3 ans, qui serait moins attachée à la production qu’à soutenir un projet de développement ». Plusieurs structures régionales suivraient la même logique.
« Il faudrait consolider les savoir-faire plutôt qu'encourager sans cesse à la production : là, on finit surtout par précariser les structures », estime également Stéphanie Lechêne, de l'Agence régionale du livre des Pays de la Loire. Sur ce territoire, un contrat de filière signé entre la Direction régionale des affaires culturelles, la région et le CNL pourrait apporter des évolutions.
Si l'échelon régional constitue un partenaire de choix pour les maisons d'édition indépendantes, l'implication de chaque collectivité territoriale dépend aussi des choix politiques effectués par les élus. Et, en période d'austérité budgétaire, la culture reste rarement au rayon des priorités. « Ce qui s’annonce pour la situation économique globale de notre pays, et les sacrifices qui vont devoir être faits, ne présage rien de bon », s'inquiète Dominique Tourte. « Les mesures qui sont en train d’être votées vont faire baisser la croissance et le niveau de vie global. C'est assez fou de constater qu'il s'agit de la seule solution proposée par le gouvernement. »
Dans plusieurs régions, les économies réclamées par le gouvernement sur les dépenses publiques ont déjà débouché sur des annonces menaçantes pour la culture. Valérie Pécresse (Soyons libres, Les Républicains), présidente de la Région Île-de-France, a indiqué que l’enseignement et la culture seront largement concernés par l'austérité, tandis que Christelle Morançais (Horizons), en Pays de la Loire, a confirmé un recul des dépenses pour la culture.
« Quelle est la pérennité d’un système qui, pour exister, est à ce point dépendant de l’argent public (y compris venant de collectivités dont les compétences légales en matière de culture sont très limitées) ; et à plus forte raison quand cet argent public n’existe plus ? Un système dont on constate, en plus, qu’il est, malgré les subventions dont il bénéficie, en crise permanente ! N’est-ce pas la preuve que notre modèle culturel doit d’urgence se réinventer ? », a-t-elle indiqué sur le réseau social X.
Ces réductions budgétaires attendues pourraient avoir des conséquences importantes pour deux autres partenaires cruciaux des éditeurs indépendants. Les festivals littéraires, événements qui offrent une visibilité importante aux auteurs et aux ouvrages moins valorisés dans les médias, ou locaux, sont en effet en proie à une certaine fatigue.
Début octobre, l'arrêt de la Fête du Livre de Bron, après 39 années d'exercice, a constitué le premier symptôme d'un malaise dans la profession. Yann Nicol, le directeur du festival, expliquait dans nos colonnes que la décision d'« un contexte difficile, à tous les égards, dans le secteur culturel », confronté à « l’inflation et la hausse des coûts ».
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Les soutiens publics qui se tarissent pourraient aussi limiter les possibilités des bibliothèques publiques qui, en intégrant des ouvrages d'éditeurs indépendants à leur catalogue, apportent un soutien à la fois financier et d'exposition à cette production. La préservation des budgets d'acquisition devient alors un véritable enjeu.
Philippe Marcel souligne à ce sujet que les établissements de lecture publique peuvent valoriser la production indépendante de bien des manières : « L'effort des bibliothèques vers l'“édition alternative” est réel et varié, dans le domaine du livre, mais aussi de la musique, par exemple. Avec des fonds identifiés, des cotes spécifiques, des tables d'actualité dédiées et certaines activités, comme des rencontres, des ateliers ou des conférences qui rencontrent du succès auprès des publics. »
La traduction et la cession de droits constituent deux autres pistes de développement du catalogue et des revenus pour les éditeurs indépendants, mais nécessitent « un travail de longue haleine », rappelle Philippe Marcel. Depuis peu, l’éditeur travaille avec une agente, Milena Ascione (BooksAgent) et, en outre, grâce au soutien de l'association Fontaine O Livres, « pôle de soutien économique aux acteurs de l'édition et de l'écrit », des titres de La Cafetière sont présentés à des éditeurs étrangers lors de foires professionnelles, à Paris et à Francfort.
La vente en ligne des ouvrages, plus rémunératrice pour l'éditeur — car réalisée sans intermédiaire dans certains cas —, peut aussi constituer une piste de développement pour certaines maisons. Mais cette voie n'est pas sans embûches non plus : outre l'investissement nécessaire pour obtenir une certaine visibilité, elle suppose « un travail important de colisage et de logistique derrière, loin d'être anodin pour une petite structure », note Philippe Marcel. Et, en l'absence d'un tarif spécifique pour l'envoi de livres en France du côté de La Poste, pourtant réclamé de longue date par la profession, l'opération n'est pas si profitable pour l'éditeur.
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Enfin, le financement participatif des ouvrages (crowdfunding), s'il peut apparaitre comme un fonctionnement alternatif satisfaisant, fait courir le risque à l'éditeur d'épuiser un public assez restreint, en le sollicitant trop régulièrement. Par ailleurs, l'offre dans ce domaine s'avère de plus en plus pléthorique, au risque de disperser les montants mobilisables par les éditeurs qui y ont recours.
Politiquement, la bibliodiversité reste très valorisée, car rattachée au concept de société démocratique. Mais, dans les faits, la visibilité accordée aux éditeurs indépendants paraît mince. La saison des prix littéraires est par exemple un moment focalisé sur quelques livres et un nombre encore plus réduit de maisons d'édition, appartenant à quelques groupes (Vivendi/Hachette, CMI/Editis, Madrigall/Gallimard, Albin Michel et quelques autres), pour en faire une illustration frappante de la concentration du secteur et de l'entre-soi.
L'espace médiatique peut également se réduire, d'autant plus lorsqu'une partie non négligeable des canaux d'information et de communication appartiennent à des groupes ayant des intérêts dans l'édition. Les « synergies » mises en œuvre par Vivendi/Lagardère, CMI/Editis ou Madrigall/Gallimard, par l'intermédiaire de filiales spécifiques de ces groupes (Europe 1, CNews, Le Journal du Dimanche pour Vivendi ; Elle, Franc-Tireur ou la future Réels TV pour CMI ; Paris-Match, Le Parisien ou Les Échos pour Madrigall, via son actionnaire LVMH, propriétaire de ces titres), peuvent offrir une visibilité conséquente aux titres « maison ».
Les stratégies de ces grands groupes, à la volonté expansionniste, voire monopolistique, ont des effets concrets sur les différents domaines éditoriaux. « Il reste très peu de maisons d'édition de taille moyenne et indépendantes, depuis les rachats de Sarbacane, Cambourakis (qui faisait essentiellement de la bande dessinée à ses débuts), Bragelonne, L'Agrume. Sans parler du projet en cours de rachat de Delcourt par Editis, quand les très gros rachètent des gros... », estime ainsi Serge Ewenczyk, des Éditions çà et là. « Il est difficile de mesurer l'impact que vont avoir ces mouvements, notamment pour les maisons d'édition indépendantes, mais on peut raisonnablement anticiper un accès aux librairies plus contraint, et une plus grande difficulté à garder des auteurs et autrices qui connaissent des succès », s'inquiète-t-il.
Depuis son arrivée au ministère de la Culture, Rachida Dati ne s'est pas tellement inquiété des mouvements capitalistiques dans l'édition. Elle s'est plutôt impliquée dans d'autres chantiers, relatifs à l'accessibilité à la culture en milieu rural, à la réforme de l'audiovisuel ou à la refonte du Pass Culture. Son feu vert donné à une expérimentation de la publicité pour le livre à la télévision n'améliorera pas vraiment, a priori, l'exposition des éditeurs indépendants...
L'inquiétude ressentie par le secteur ne le tétanise pas pour autant. Via la Fedei, mais aussi le Syndicat des éditeurs alternatifs, les professionnels mutualisent et se soutiennent les uns les autres. L'outil interprofessionnel OPLibris, co-initié par la Fedei, entend ainsi apporter un soutien aux éditeurs en les accompagnant sur un certain nombre de tâches contraignantes.
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Lors des prochaines Assises de l'édition indépendante, les 19 et 20 février 2025 à Bordeaux, la situation de l'édition indépendante sera aussi au programme d'une plénière sur la précarisation générale de la chaine du livre. Pour ne pas trop sombrer dans la morosité, Dominique Tourte annonce la suite : « Nous aurons deux journées, alors, pour le dire franchement, la première sera consacrée aux emmerdes, mais la seconde, aux solutions ! »
Photographie : détail de Cactus Acide et Beurre Fondu, de Nicole Claveloux (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Par Antoine Oury
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14 Commentaires
Ant Editions
21/11/2024 à 15:37
Il y a avant tout un problème lié au pouvoir d'achat.
J'aime dire qu'il y a encore 2-3 années en arrière, quand une famille arrivait sur un salon du livre, 4 exposants arrivaient à travailler...
Désormais, cette même famille ne prend plus qu'un seul livre et ça sera sa seule dépense, liée à des contraintes budgétaires.
En parallèle, nous avons eu consécutivement :
- la hausse du papier
- la hausse des impressions (énergie)
- la flambée des tarifs postaux (qui augmentent à nouveau + la suppression du Livres et Brochures)
Le tout, dans un secteur clairement non soutenu, que ça soit politiquement, médiatiquement et commercialement (livres peu visibles en librairie ou absents, sites spécialisés en parlant rarement, etc.) et avec une logique problématique (les "aides" sont conditionnées à une logique de surproduction et de place en librairie, les conditions de retours sont clairement en défaveur de l'indépendant, etc.).
C'est quand même regrettable de parler des maisons d'édition quand elles ferment ou risquent de fermer mais de les ignorer lorsqu'elles tentent de survivre...
La réaction est souvent trop tardive.
Concernant Dati, elle est complètement focalisée sur une future candidature à Paris, la problématique de l'édition indépendante lui passe royalement au dessus (à l'heure actuelle, le ministère de la culture n'a toujours pas réagit aux sollicitations concernant la suppression du tarif Livres et Brochures).
Pierre-Henry Huysmans
21/11/2024 à 16:52
Le ministère de la culture est en vacance, la Culture n'intéresse personne dans ce gouvernement. Alors la suppression du tarif Livres et Brochures ou le scandale AGESSA pour la retraite des auteurs, on peut toujours attendre.
Falco
22/11/2024 à 07:32
Bonjour
Arrêtez de pleurnicher !
Depuis quand la culture doit être le contraire du reste du monde industriel ?
J’ai travaillé 43 ans dans tous les métiers de l’édition, beaucoup défendu les petits éditeurs via Distique par exemple ou en tant que grossiste régional, puis chez De Borée et je suis sur d’une chose, petit éditeur ou éditeur indépendant ce ne sont pas des synonymes de qualité !
Le client achète ce qu’il a envie de lire et bien souvent ce que vous appelez « éditeurs indépendants » publient ce qu’ils aiment et puis c’est au client de s’adapter… cela veut il dire que ce sont des livres de qualité ? Absolument pas !
Organisez vous plutôt que chouiner tout le temps! Certaines fonctions comme la fabrication, le pré-presse, le marketing et la communication, la diffusion, la distribution, etc peuvent être mutualisées !
Quand à votre tirade sur la Ministre de la Culture elle est inutile et sans aucun fondement ! Rappelez-nous déjà combien d’argent public est rentré dans vos caisses via les subventions ou les achats de bibliothèques « bienveillantes avec l’argent du contribuable » ?
La production française dépasse les 80 mille titres par an !!! Parmi ces 80 mille ouvrages moins de 10% sont rentables ! Moins de 3% permettent aux auteurs de retirer un revenu !
L’édition est déjà un secteur largement subventionné et soutenu ( loi Lang qui garanti le prix unique du livre ou que vous soyez en France, TVA minorée de 5,5%,, etc) … vous vous croyez sous Staline ?
Et puis qui est concerné par le tarif Livres et Brochures de La Poste celui-ci est « L’offre Livres et brochures est ouverte à tous : particuliers, entreprises, associations, pour des envois jusqu'à 2 kg.
Au-delà et jusqu’à 25 kg, des sacs spéciaux peuvent être utilisés et adressés par un expéditeur, à un même destinataire et pour une même destination. » cette offre est « Réservée à l’envoi de documents à caractère éducatif, scientifique ou culturel ne comportant aucune publicité, elle concerne : livres, brochures, recueils, annales, mémoires, thèses, bulletins, partitions de musique, cartes géographiques, manuscrits d’ouvrages ou de journaux, cours par correspondance, devoirs d’élèves et leurs corrigés, photocopies des documents précités.
Les livres et brochures doivent être rédigés exclusivement en Français ou en langue régionale.
En pratique :
L’offre Livres et brochures est disponible vers le monde entier – hors France métropolitaine, les DOM-TOM, les collectivités territoriales, les postes aux armées, Andorre et Monaco – en service économique. »
… Alors dites-nous déjà combien de colis avez-vous expédié via ce service ces 12 derniers mois ?
En faite vous voudriez ni plus ni moins un statut d’… « intermittent culturel » et vivre sur le dos du contribuable qui lui dans son travail est jugé au quotidien sous des règles d’efficacité et de profitabilité que vous refusez !
Toute activité est basée sur l’offre et la demande alors posez-vous plutôt les bonnes questions et avant de publier un énièmes livre sur la permaculture … posez-vous la question de « quel public? » « quel réseau de vente? » « quel intérêt ? »
Je refuse d’entendre vos propos méprisants sur les éditeurs qui ont constitué un catalogue et ce sont fait un public de lecteurs et qui se vendent. Ces propos relèvent de la jalousie et sont médiocres ! Petit éditeur ou « éditeur indépendant » comme vous dites, n’est pas un label de qualité, loin de là !
Merci
Ant Editions
22/11/2024 à 08:07
Cher monsieur,
Bravo pour ce message qui illustre finalement tout votre mépris pour un secteur du livre...
Vous annoncez avoir travaillé durant 43 années dans ce secteur... Vous avez donc commencé avant ma propre naissance et j'en déduis que vous êtes très certainement à la retraite... Et, il ne vous a pas échappé que le monde du livre a profondément évolué sur ces 4 décennies, avec des groupes éditoriaux de plus en plus tentaculaires et des crises nationales et internationales qui impactent principalement les structures les plus modestes.
Vous dites cependant plusieurs choses fausses :
Personnellement, le peu d'argent public entré dans mes caisses consiste à l'achat de quelques titres dans des médiathèques... qui achètent aussi des livres de chez Hachette, Média Participations et compagnie (et je doute que vous hurlez à la subvention dans ce cas, je me trompe ?).
Parfois, une intervention en milieu scolaire (qui s'épuisent comme peau de chagrin à cause de la coupe de crédits)... mais intervention qui demande du travail, de la préparation, de la présence.
Sinon... C'est tout. Pas d'aides diverses et variées, pas de subventions ni rien. Il m'arrive même de devoir payer mon propre stand sur un salon subventionné par de l'argent public qui invite des autrices/auteurs publié(e)s dans la galaxie Bolloré. Vous voyez, ce fameux argent public sert finalement aux gros et je doute que ce soit un système stalinien, vous ne croyez pas ?
Concernant le tarif Livre et Brochure, vous avez peut-être raté l'annonce de sa suppression pour l'année prochaine.
Alors, oui, personnellement, je suis très peu impacté (je sais que je vais perdre une dizaine de fidèles) mais je pense à des consœurs et confrères qui bossent principalement pour un public francophone à l'étranger et qui se demandent comment ils vont survivre avec cette annonce. C'est aussi cela la solidarité : penser aux collègues impactés par des décisions même si elles ne nous touchent pas et agir aussi avec eux et pour eux.
Et que dire de votre conclusion sur l'énième livre de "permaculture" qui est encore une preuve de mépris concernant ce secteur (cela m'effraie un peu de savoir que vous étiez dans le milieu du livre avec un tel système de pensée...)...
Peut-être que vous préférez voir un Bardella invité sur tous les plateaux du pays sans être choqué de voir une personne payée avec de l'argent public (il est élu pour mémoire) en promo permanente pour son livre, avec la complicité de toute la sphère médiatique (Bolloré se frotte les mains avec ces belles ventes).
Donc, avant de parler de "pleurnichage", je vous invite déjà à regarder qui des indépendant(e)s ou des gros groupes profitent le plus du système actuel...
Après, si vous préférez voir les indépendants couler et être remplacés uniquement par les très gros, libre à vous. Vous êtes également du genre à dire aux libraires de s'adapter ou de crever face à Amazon ?
Falco
22/11/2024 à 13:51
Bonjour
Pourquoi cette haine des gros groupes dont les pertes sont financées par les bénéfices faits par ailleurs par les groupes industriels et qui ont permis à des entreprises de continuer à vivre au moment où ses fondateurs décident de tirer leur révérence ou tout simplement d’être épaulés dans la tourmente? Que seraient devenus Herscher, Puf, Belin et l’Observatoire si la SCOR n’épongeaient pas les pertes ?
Idem bien des maisons d’EDITIS ou Hachette ne vivent que grâce aux bénéfices dégagés par la diffusion- distribution ?
Au faite connaissez vous l’histoire du billet de 50 francs qui sous Mitterand/Lang sauva la maison Gallimard ?
Tout secteur d’activité doit s’adapter et être viable sur le marché qu’il a décidé d’ouvrir .
J’ai commencé chez un grossiste parisien comme « métreur à part », c’est ainsi que l’on nommait les manutentionnaires à l’époque dans l’édition. Puis j’ai été représentant, grossiste régional indépendant à une époque où nous étions une trentaine en France avec les CRDL (Hachette), les GIE (interforum-Seuil-Flammarion), la FED(cDE-Sodis) et les Agences des Presses de la Cité ( j’avais alors 4000 petits clients sur une quinzaine de départements et je diffusais-distribuais une centaine de petits et moyen éditeurs), puis j’ai eu plusieurs librairies dont une chaîne de 150 librairies, enfin j’ai été éditeur, créé mes propres circuits de vente ( supermarché, stations service ou distributeurs automatiques de livre) tout au long de mon activité je n’ai eu qu’un leitmotiv « le livre à la porté de tous » à ce titre j’ai développé les beaux livres à moins de 100 francs à une période où le prix public des beaux livres étaient autour de 400 francs, implanté en France Taschen, développé le livre à 10francs (plus de 300 titres dont des classiques) et même une série à 1€ de 50 titres !
Alors les problèmes de fabrication, de commercialisation ou de diffusion ou le marché international je le connais très, très bien !
De mes années où je n’ai JAMAIS eu d’aide, de subvention et je n’ai jamais été inscrit au chômage malgré différents échecs je retiens que « chaque matin il faut taper dans la butte » si l’on veut avancer et qu’une entreprise sans marché elle a beau produire le plus beau produit du monde … cela ne vaut que dalle !
Quand à Amazon. Vous pouvez continuer de pleurer et de lutter contre eux mais s’ils se développent c’est que le client, qui in fine a toujours raison, y trouve son compte et dites vous que le problème n’est pas le prix car il est le même partout en France mais… le service ! Alors libraires et éditeurs posez-vous les bonnes questions.
Merci et bonne continuation
François Bon
22/11/2024 à 08:15
merci de ce panorama, Antoine, semble clair et précis, et pas de contre-exemple à signaler depuis mes propres lucarnes – aurait été intéressant d'avoir chiffre approx évolution de la vente directe depuis sites d'éditeurs (je parle littérature, connais pas BD etc), parce qu'il me semble que c'est désormais entré dans nos usages beaucoup plus que c'était le cas il y a 3 ou 4 ans – on cherche un bouquin, on va voir le site éditeur, et s'il y , et que le nb d'éditeurs proposant boutique avec paiement direct s'est multiplié aussi (dans mon bled, on est au moins 3 avec bassine hebdo à se croiser au Carré Pro de la Poste, 1 BD 1 occase et ma pomme, là aussi un virage)
Etienne Galliand
22/11/2024 à 10:40
Merci pour cet article. Il faut souligner l'importance de la mise en place d'une définition officielle de l'édition indépendante, pour que de réels dispositifs d'aides puissent lui être rattachée. Des définitions déjà très travaillées existent et font consensus ; cela ne devrait pas poser problème - d'autant plus que l'État sait faire, pour avoir créé de nombreux labels, en particulier du côté de la librairie. Donc tout cela est faisable ; pour abonder un dispositif de soutien, il faut plus s’inspirer de ce qui a été fait pour le cinéma en France, selon moi, que de mettre en place de nouvelles taxes sur les lecteurs et lectrices. On explore collectivement toutes ces questions dans "Précarité de l'édition indépendante", qui vient de sortir.
MercierNoKamier
22/11/2024 à 11:44
On vous dérange pas trop les boutiquiers ? allez sur Facebook régler vos comptes les boomers
Fab
22/11/2024 à 13:05
Quel mépris! Vous devriez avoir honte.
Falco
22/11/2024 à 13:56
La génération X, Y ou Z se réveille enfin et avant son départ en RTT fait sa petite branlette matinale!
Le boomer…connard!
Manuel S.
22/11/2024 à 14:24
Pour aborder ce sujet, il faut vraiment garder en tête les grandes données-clés :
1. Si on regarde les cinq dernières années (le très bon schéma publié), le CA global des éditeurs a augmenté, mais avec l'inflation le bon critère pour juger de la situation est le nombre d'ex. vendus. Et là aussi c'est loin d'être catastrophique.
2. Comme dit dans l'article les deux problèmes fondamentaux sont : l'inflation, qui a rendu plus chère la production des livres et la demande (les lecteurs) moins disposés à dépenser dans le livre (c'est donc un "effet de ciseau", ça coince des deux côtés) & la surproduction (le gâteau ne progresse pas beaucoup mais il y a toujours plus de personnes qui en veulent une part) qui est très loin de cesser.
Pour l'inflation, il y a le "mur du marché" : si les éditeurs augmentent trop le prix des livres, ou ne serait-ce qu'en alignant les coûts à hauteur de leur frais, ils vont perdre des clients puisque le livre est de plus perçu comme "un loisir parmi d'autres" (avec Netflix, les jeux vidéos, le cinéma, etc.), la solution ne passe donc pas trop par là, à moins d'essayer de valoriser encore plus, et sûrement collectivement le livre et ses bienfaits (réels) pour la société, les loisirs, la réflexion, etc. pour que la taille du gâteau augmente ("solution par le haut").
La surproduction est LE problème, l'éléphant dans la pièce depuis des années voire des décennies. La BD est en train de connaître encore plus ce problème connu de longue date par le reste de l'édition parce que ce segment est considéré, largement à tort, comme un eldorado par de nouveaux acteurs (indépendants ou par diversification pour les grands groupe).
Or tout le monde est d'accord pour dénoncer la surproduction mais qui agit concrètement contre ?
Prosaïquement, ça veut dire qu'à chaque maison crée, il y en aurait nécessairement une de taille équivalente qui s'éteint (c'est un peu qui se passe, si par "taille équivalente" on parle du CA généré, et pas l'appartenance ou non de la maison à un groupe).
Pour chaque livre en plus des livres en moins ? Les auteurs dénoncent (à juste titre) leur précarisation, mais qui veut publier moins ? On veut bien des livres en moins, mais celui du voisin.
Idem chez les éditeurs, qui se cachent (en partie à raison) derrière leurs charges fixes (salaires des employés) et n'assument pas une volonté de croissance continue, peu soutenable dans un marché avec de nombreux acteurs (il y a forcément des gagnants et des perdants).
En conclusion, le sujet est biaisé car les solutions, comme souvent, devraient être générées collectivement et que les intérêts sont divergents (et c'est normal qu'ils le soient) et la force publique n'a pas forcément d'intérêt à privilégier un type d'acteur (les indépendants ou les grands groupes) plus qu'un autre, dans l'intérêt collectif. Mais elle peut réguler, inciter. Et les différents acteurs faire également leur examen de conscience sur leurs pratiques (comme le dit, un peu agressivement Falco).
corsaire
24/11/2024 à 10:12
Et si on parlait de l'accès à la diffusion ?
Elisabeth
26/11/2024 à 10:21
Cette analyse très intéressante devrait être complétée par l'observation du nombre de plus en plus important de fausses maisons d'édition qui profitent de ces difficultés d'éditeurs sérieux pour attirer dans leur toile les "jeunes" auteurs. Elles se disent à compte d'édition, établissent des contrats ambigus et font indirectement et avec habileté, porter toute la charge financière de fabrication d'un livre, à ces trop nombreux auteurs, trop heureux de pouvoir être publiés, et ainsi tenir leur livre en main. Plus tard ils ne comprennent pas que leur livre soit devenu invisible car ni diffusé, ni distribué et fabriqué uniquement sur commande payée, au prétexte de l'écologie. Donc évidemment non proposé en librairie. Ces pratiques, mal connues, entrainent une incroyable surproduction, souvent de mauvaise qualité. De quoi perdre les lecteurs !
Enfin aucune maison d'édition n'existerait sans les auteurs qui subissent de plein fouet cette crise. Considérés trop souvent comme les derniers à payer, combien doivent s'armer de patience pour recevoir leurs droits !
corsaire
26/11/2024 à 11:09
Bonjour
Vous avez raison de dénoncer ces mauvaises pratiques.
Il faudrait aussi évoquer la concentration des diffuseurs, la difficulté pour un éditeur indépendant d'être diffusé correctement, la dictature de la nouveauté !
Donc à suivre...