La rentrée de janvier approche, et avec elle son lot de nouveautés littéraires : au programme, le retour de Vanessa Springora, après son important récit, Le Consentement, publié en janvier 2020. Cette fois, elle propose un texte « kaléidoscopique », entre fiction et analyse, récit de voyage, ou encore légendes familiales. En parallèle, Frédéric Beigbeder et Yann Moix reviennent également en librairie. Tous les trois publient leurs livres chez Grasset.
Le 17/10/2024 à 18:21 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
17/10/2024 à 18:21
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Au travers des œuvres de Kafka, Gombrowicz, Zweig et Kundera, Vanessa Springora questionne le roman et revient à ses origines, les aventures liées à son nom de famille, et la mythologie entourant les figures paternelles de son enfance.
Dans sa quête pour démêler les destins troublés de ces hommes, elle entend jeter une lumière nouvelle sur la vie de son père et sur la sienne, enrichie par ses découvertes : « Une réflexion sur le caractère implacable de la généalogie et la puissance dévastatrice du non-dit », résume l'éditeur.
Le texte part d'un moment précis. Alors qu'elle est invitée à La Grande Librairie pour présenter Le Consentement, l'autrice est subitement appelée par la police pour identifier le corps de son père, absent de sa vie depuis dix ans. Découvrant le cadavre dans l'appartement de banlieue parisienne qui appartenait autrefois à ses grands-parents, elle est confrontée à la folie manifeste de cet homme devenu pour elle un étranger, décrit comme toxique, mythomane et misanthrope.
Lors du nettoyage des lieux, elle découvre avec effroi deux photos de jeunesse de son grand-père paternel, ornées des insignes nazis. Cette trouvaille ébranle la version familiale d’un « citoyen tchèque » supposément « enrôlé de force » dans l’armée allemande après l'invasion de son pays par le Reich, puis « déserteur » caché en France, et enfin « travaillant pour les Américains » à la Libération, avant de devenir un « réfugié privilégié », en tant que « dissident du régime communiste ».
Ce choc déclenche une quête obsessionnelle pour démêler l'énigme de ce grand-père dont elle porte le nom d’emprunt, cherchant à comprendre sa véritable identité et à quelle mesure il a pu « consentir » ou collaborer à la « barbarie ». S'armant de documents familiaux et d'archives tchèques, allemandes et françaises, elle entame une recherche de deux ans, rencontrant des témoins en Moravie pour assembler le puzzle d'un parcours énigmatique, toujours incomplet.
Comment pourrait-il en être autrement dans une Tchécoslovaquie qui a vu cinq fois ses frontières, sa nationalité, et ses régimes politiques changer, prise dans l'étau des deux totalitarismes du XXe siècle ? L'histoire de ce jeune homme pris dans la tourmente de l'Histoire résonne comme le reflet de « toute la tragédie du XXe siècle ». Parution le 2 janvier 2025.
En janvier 2020, son ouvrage Le Consentement faisait l'effet d'une bombe : elle y dénonce l'emprise de l'écrivain Gabriel Matzneff, avec qui elle a eu des relations sexuelles, alors qu'elle avait 14 ans et lui 49. À la suite de cette publication, les comportements de Gabriel Matzneff, - largement exposés dans ses écrits depuis des décennies, reflet d'une époque -, sont enfin dénoncés à leur juste gravité, déclenchant un scandale majeur affectant ses soutiens dans les milieux culturels, politiques et médiatiques. Le livre s'est vendu, tous formats confondus, à près de 380.000 exemplaires, selon Edistat, et a été adapté au cinéma.
En mars 2023, elle a lancé la collection Fauteuse de trouble chez Julliard, après avoir quitté son poste de directrice de la maison, afin de se consacrer sur l’écriture.
Frédéric Beigbeder revient de son côté le 8 janvier prochain avec Un homme seul, récit qui aurait pu s'intituler Le Livre de mon Père, selon son éditeur Grasset. Il y explore la trajectoire Jean-Michel Beigbeder (1938-2023), qu’il transforme en personnage de roman, oscillant entre « Roger Martin du Gard et Ian Fleming » : « c’était un Français qui se prenait pour un Américain alors qu’il était en réalité Anglais », résume son romancier de fils.
L'auteur cherche à comprendre cet homme solitaire et énigmatique, fils d'une Américaine et d'un Béarnais, qui se décrivait lui-même comme « solipsiste ». Marqué à vie par une enfance passée dans des pensionnats militaires catholiques, d’abord à l’abbaye-école de Sorèze, puis chez les marianistes de la Villa Saint-Jean à Fribourg, il s'est endurci très tôt. À sa majorité, il quitte la France pour étudier le management à la Harvard Business School. Dans les années 1960, il introduit en France le métier de chasseur de têtes (executive search), plaçant la plupart des dirigeants du CAC 40 pendant cinq décennies.
Ou bien les débauchant, car, comme il le disait : « la guerre économique est la seule où les déserteurs sont récompensés. » Peut-être que cette prestigieuse carrière, marquée par des voyages à travers le monde et des liens avec les décideurs de l'époque, cachait en réalité un rôle d'agent pour la CIA...
Avec ce livre en forme d'hommage au père, Frédéric Beigbeder entend dresser le portrait d'une génération de jouisseurs, ces boomers qui ont forgé leur égoïsme à travers les épreuves de la Seconde Guerre mondiale. « Le confort fut leur idéologie, le luxe leur utopie, le divorce leur fatalité, l'Amérique leur horizon. Ils n'étaient pas faits pour être des pères de famille. À la fois philosophe pessimiste et playboy de la jet-set, Jean-Michel Beigbeder a épousé le XXème siècle, ses plaisirs, sa mondialisation et ses errements. »
« Son fils contemple avec sensibilité la disparition d'un homme qui symbolise aussi l'écroulement d'un monde, et profile en creux son autoportrait au miroir de ce père si fraichement disparu, dont il peut enfin faire la connaissance… », conclut l'éditeur.
Frédéric Beigbeder avait déjà exploré les origines de sa famille, les divorces de ses parents, et ses relations tendues avec son frère Charles et sa fille Chloé, dans Un roman français. Il avait remporté le Prix Renaudot 2009 pour cet ouvrage.
Son dernier ouvrage en date, Confessions d'un hétérosexuel légèrement dépassé, qui avait, à l'instar du Consentement, fait coulé beaucoup d'encres et de pixels, s'est écoulé à près de 50.000 exemplaires, tous formats confondus. Son dernier roman cette fois, Un barrage contre l'Atlantique, s'est écoulé à plus de 25.000 exemplaires.
Le 12 décembre 2023, Frédéric Beigbeder a été placé en garde à vue à Pau dans le cadre d’une enquête pour viol, après une plainte déposée en juillet 2023. La plaignante alléguait qu'un rapport sexuel consenti avait été suivi d'un autre non consenti. Le 26 juillet 2024, le procureur de Pau a classé l’affaire sans suite, faute de preuves suffisantes. L'écrivain, qui avait contesté les accusations, avait alors exprimé son soulagement par l’intermédiaire de son avocate, Me Marie Dosé.
L'auteur a par ailleurs perdu son émission littéraire sur Radio Classique, avant de choisir de la continuer, par l'entremise du podcast.
Yann Moix revient lui le 29 janvier prochain, avec « une histoire subaquatique du XXe siècle », Apnée. Il y propose une immersion à travers le siècle dernier, en alexandrins. Accompagné d’Emmanuelle, son guide semblable à la Béatrice de Dante, le narrateur retient son souffle pour une plongée dans les eaux troubles d'une histoire tumultueuse et brillante...
La Grande Guerre, 39-45, le débarquement en Normandie, l’Indochine, la guerre froide… dans cet univers liquide où tout n’est que courant, vortex, lumière et tourbillon, hommes et créatures sous-marines se mêlent et se métamorphosent.
On y croise d’illustres figures qui ont marqué leur époque- soldats, artistes, écrivains, danseurs, sportifs, acteurs, chefs d’Etat, des héros magnifiques et d'inquiétants personnages – mais aussi des poissons, cétacés, coraux, algues, fleurs qui luisent, teintent et éclairent les tréfonds.
Ballotés au gré des caprices de l’océan, le narrateur et Emmanuelle dérivent, main dans la main, au cœur de ce singulier théâtre parmi les ombres d’hier qui ont fait et défait le XXème.
- Présentation d'Apnée, par l'éditeur Grasset
Yann Moix renoue ici avec la tradition de l’épopée, où se mêlent la langue, l'histoire, les personnages, la matière et le sensoriel, redonnant vie à ceux qui nous ont précédés.
À LIRE - Un inédit de René Girard, sur le rire, paraît en février
L'auteur avait déjà publié un court texte en mai dernier, Visa, où il relate son expérience des plus intenses pour obtenir un visa pour la Corée du Nord. Il s'est vendu à 1393 exemplaires, selon Edistat.
Crédits photo : ActuaLitté (CC BY SA 2.0), Talita1 (CC BY-SA 3.0), Jindřich Nosek (CC BY-SA 4.0)
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
8 Commentaires
Michel Desruisseaux
17/10/2024 à 19:35
Moix, toujours sapé comme un vendeur de bagnoles dans une ZAC de l'Essonne ça fait plaiz bon c'est vrai qu'avec ses ventes piteuses y va pas s'affranchir chez les grands couturiers (rires dans la salle) donc le keum sort un bouquin en 2025 ? intéressant... quant à Frédo tout a été dit...
D. L
18/10/2024 à 08:19
Quels sujets rebattus !
Moi, moi, moi, le passé, le passé, encore !
Jean Douille
18/10/2024 à 10:37
Je ne la sens pas cette année 2025... pas du tout... ils veulent nous tuer chez Grasset ou bien ?
Economies
19/10/2024 à 10:23
Merci, Actualitté, voici trois livres que je ne lirais pas ! 75 boules de gagnées...
LetoileduBerger
19/10/2024 à 19:19
Bonjour,
On pourrait avoir quelques noms des soutiens de Gabriel Matzneff dans les milieux culturels, politiques et médiatiques affectés par le scandale majeur déclenché par le livre de Springora ?
Je n'ai pas souvenir que qui que se soit ait réellement été inquiété ou aurait perdu poste ou prestige.
Actualitté pense à quelqu'un en particulier ?
Un passant
19/10/2024 à 20:01
Christophe Girard.
Lou Huttin
20/10/2024 à 11:45
pas un petit bégaudeau en 2025 ? ça va manquer... il nous manque déjà... une plume si fine...
Cyril
22/10/2024 à 02:28
Vivement le 29/01/2025, hâte de lire le nouveau roman de Yann Moix 😁👍