Avril Benard plonge le lecteur dans une atmosphère à la fois sombre et intime, explorant les méandres de la perte à la résilience. Le récit se concentre sur un petit groupe de personnages, tous confrontés à des tragédies personnelles majeures. Chacun lutte pour trouver un sens à l'existence après un effondrement, qu'il soit émotionnel, matériel ou spirituel.
L'histoire se déroule dans une ville non identifiée, plongée dans un conflit soudain. Les civils, surpris par l’arrivée des soldats, n’ont qu’une heure pour faire leurs bagages et quitter leur maison. Ce roman choral suit plusieurs personnages dont Manon et sa fille Jeanne, Paul, Marek, Shoresh et Guy, chacun confronté à l’angoisse de l’abandon de leur vie quotidienne.
La trame de l'histoire avance par des ellipses, jouant sur les non-dits, un choix qui renforce l'intensité des moments-clés mais peut aussi frustrer certains lecteurs en quête d'une intrigue plus linéaire.
Le récit est marqué par une tension constante entre l’urgence de partir et la difficulté de choisir ce qu’il faut emmener. Les souvenirs, symbolisés par des objets du quotidien, deviennent des ancres émotionnelles que les personnages tentent de préserver. Manon choisit la casquette de son mari décédé pour la transmettre à sa fille, tandis que d’autres personnages, comme Shoresh, un jeune sourd kurde, s’attachent à des reliques familiales comme un bout de tissu imprégné de l'odeur de son grand-père.
Le style est empreint de sobriété, refusant toute flamboyance pour privilégier une écriture épurée, presque ascétique. La syntaxe, souvent brève, accentue cette sensation de dépouillement, tandis que le vocabulaire, choisi avec soin, reste accessible sans tomber dans une trop grande simplicité.
À travers des chapitres courts et incisifs, elle capture l’intimité de ces moments de crise. Elle dépeint avec justesse les dilemmes moraux, la peur de l’inconnu et l’impact psychologique d’une guerre qui force chacun à réévaluer ses priorités et son attachement à son passé. La guerre elle-même reste vague dans le récit — ce ne sont pas les causes qui importent, mais l’expérience humaine de la perte et de l’exil. Ce roman est une méditation sur la précarité de la vie moderne, où tout peut basculer à tout moment.
L'écriture, dépouillée de lyrisme excessif, parvient néanmoins à toucher profondément par sa précision et son humanité. À ceux qui ont tout perdu est un roman sur l’essence des choses et la manière dont, dans les moments d'urgence, nos choix révèlent qui nous sommes vraiment.
Avec une préface de Sylvie Germain.
Publiée le
13/10/2024 à 14:00
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