#FranceItalie – Depuis 2007, la fiction italienne traduite en France a connu une forte croissance, soutenue par un intérêt accru des éditeurs pour la littérature étrangère et le rôle essentiel des traducteurs. Mais le marché de l’autre côté des Alpes a évolué, et les éditeurs français privilégient désormais les titres commerciaux ou primés en Italie. Enquête sur les liens entre les structures éditoriales des deux pays, dont deux premières parties sont déjà publiées sur ActuaLitté.
Le 08/10/2024 à 13:23 par Federica Malinverno
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08/10/2024 à 13:23
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Dans le panorama global des acteurs éditoriaux, formé d’éditeurs historiques et généralistes comme Albin Michel, Gallimard, Grasset, Actes Sud, pour n'en citer que quelques-uns, ainsi que des maisons plus spécialisées comme Liana Levi, plusieurs maisons plus récentes se distinguent dans la publication de la fiction italienne : Gallmeister, Cambourakis, Les Argonautes, Le Bruit du Monde, Dalva.
Ainsi, quand les acteurs historiques réduisent la voilure, de petites structures jouent les têtes chercheuses. « Avant il y avait quelques spécialistes, maintenant toutes les maisons d’édition publient des auteurs et des autrices italiens », explique Vincent Raynaud. Lise Caillat précise toutefois que « le cercle s’est un peu élargi et il y a une sorte de nivellement : plus d’éditeurs publient de l’italien, mais ceux qui en sortaient beaucoup aujourd’hui en font moins ».
Le paysage, d’après Lise Chapuis, reste par conséquent « riche et varié ». En France, les éditeurs publient de plus en plus de genres éditoriaux italiens, comme le fumetto (Zerocalcare, auteur vedette de romans graphiques) et la romance. Une vraie « diversification », estime Vincent Raynaud.
Mais quels types d’ouvrages italiens circulent en France ? Y a-t-il une image de la littérature italienne qui soit dominante chez les éditeurs ou auprès du lectorat ? Comme le note Lise Chapuis, « les Français visitent beaucoup en Italie, et la littérature accompagne leurs voyages ». Depuis, plusieurs professionnels du livre constatent l’attrait des lecteurs français pour les histoires « exotiques ».
D’après Nathalie Bauer, « de même que la Sicile du Guépard a enchanté des générations, la représentation du Naples d’Elena Ferrante et, dans un autre registre, Roberto Saviano, fascinent apparemment les lecteurs ».
Toutefois, considère Lise Caillat, le public ainsi que les éditeurs français recherchent de moins en moins une Italie de « carte postale », décrite à travers des clichés et des stéréotypes comme le Sud, l’art de vivre à l’italienne, la dolce vita… « Il y a quelque temps, on me disait : “Ce livre n’est pas assez italien.” Mais aujourd’hui nous savons qu’un auteur comme Marco Missiroli attire l’attention sur des thèmes qui nous parlent au-delà du décors dans lequel l’action se déroule. On ne passera pas à côté de Tout avoir (Calmann-Lévy, 2024, trad. Liliane Guillard) ou encore Chaque fidelité (2019, trad. Nathalie Castagné) ni Mes impudeurs (Rivages, 2016, trad. Sophie Royere). En somme, nous nous montrons plus ouverts et curieux. »
Dominique Vittoz évoque des voix singulières « qu’on pourrait affranchir de leur contexte national » également traduites en France. Lise Chapuis cite, par exemple, des auteurs comme Antonio Moresco et des autrices comme Nadia Terranova et Claudia Durastanti.
Certes, le paysage apparaît assez différencié et varié, mais s’y observent des tendances majeures, notamment le succès des sagas familiales. Ce genre est perçu par Dominique Vittoz comme « une marque typiquement italienne : leur littérature a cette veine, elle l'a depuis longtemps et elle continue de la proposer ». On songera ainsi à la tétralogie de l’Amie prodigieuse, mais aussi à l’histoire des Florio de Stefania Auci (Les lions de Sicile, Albin Michel, 2021, trad. Renaud Temperini, près de 120.000 ventes tous formats confondus).
Lise Caillat évoque aussi « une autre tendance importante et historique : les histoires de gamins, d’adolescents, les portraits d’une certaine jeunesse italienne dans le sillage de Pasolini, Elsa Morante, Calvino. » Elle mentionne également des auteurs plus récents tels que Niccolò Ammaniti (Je n’ai pas peur, trad. Myriem Bouzaher, Robert Laffont, 2012), Erri De Luca (Montedidio, trad. Danièle Valin, Gallimard, 2002), Baricco (City, trad. Françoise Brun, Folio, 2002 ou Emmaüs, trad. Lise Caillat, Gallimard, 2012), sans oublier les « nouvelles voix » comme Mirko Sabatino, Alessio Forgione, Dario Levantino ou Giosué Calaciura.
La production et les styles demeurent variés : les destins de femmes, l’exotisme du Sud de l’Italie, la jeunesse et les romans de formations, les histoires de famille, mais aussi celles tirées de faits divers (Nicola Lagioia, La ville des vivants, Flammarion, 2022, trad. Laura Brignon) ou de l’histoire italienne (racontée dans les romans d’Antonio Scurati ou de Viola Ardone) sont très appréciées, concordent plusieurs professionnels.
Par ailleurs, Lise Caillat constate une « attraction pour une Italie différente et autre, pour des objets littéraires singuliers (comme Chemins de fer du Mexique), ainsi que pour les repêchages », notamment des Modern classics (Alba De Cespedes, publiée par Gallimard). Les éditeurs se concentrent aussi sur les retraductions ou nouvelles traductions d’auteurs (comme celles de Italo Calvino, Natalia Ginzburg, Pier Vittorio Tondelli) ou la valorisation de leur fonds éditorial et des auteurs du XX siècle (comme Federigo Tozzi).
« Il paraît plus compliqué à bon nombre d’éditeurs de promouvoir un auteur mort qu’un auteur en vie ; or, le succès de L’Art de la joie de Goliarda Sapienza, publié en 2005 (traduction de Nathalie Castagné, Vivianne Hamy), soit neuf ans après la mort de l’auteure, prouve le contraire », remarque Nathalie Bauer.
Des articles complémentaires sont publiés sur ActuaLitté : 1/5, 2/5, 4/5, et 5/5
Crédits image : © L'Iconoclaste – Vincent Raynaud / Lise caillat
DOSSIER - Traduire la fiction : les liens entre France et Italie
Par Federica Malinverno
Contact : federicamalinverno01@gmail.com
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