#FranceItalie – Depuis 2007, la fiction italienne traduite en France a connu une forte croissance, soutenue par un intérêt accru des éditeurs pour la littérature étrangère et le rôle essentiel des traducteurs. Mais le marché de l’autre côté des Alpes a évolué, et les éditeurs français privilégient désormais les titres commerciaux ou primés en Italie. Enquête sur les liens entre les structures éditoriales des deux pays.
Le 08/10/2024 à 13:05 par Federica Malinverno
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Publié le :
08/10/2024 à 13:05
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D’après Lise Caillat, qui a commencé à traduire en 2005 pour Gallimard, la littérature italienne est désormais « incontournable » dans le paysage éditorial français. Et cela depuis plusieurs années. De fait, les relations culturelles entre la France et l’Italie ont toujours été profondes et intenses, et ce, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Les « classiques » italiens du XX siècle –, Calvino, Moravia, Morante, Pavese et bien d’autres –, furent ainsi traduits pour le public français. Mais la production italienne post Seconde Guerre mondiale visait à l’époque un public plutôt littéraire, voire élitiste.
Le succès international du Nom de la Rose d’Umberto Eco, publié en France chez Grasset en 1982 (trad. Jean-Noël Schifano), a marqué un grand changement : la littérature italienne est devenue plus populaire en France. Comme le rappelle Nathalie Bauer, traductrice de l’italien depuis 1990, les éditeurs français ont commencé à « acheter et faire traduire des ouvrages italiens sans se limiter à un genre précis ».
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Ainsi, une production éditoriale toujours plus riche a été commercialisée en France grâce à la « professionnalisation » des traducteurs, et au « renouvellement de la littérature italienne ». Nathalie Bauer mentionne, à ce propos, Pier Vittorio Tondelli (avec les anthologies des jeunes narrateurs Under 25, publiées entre 1986 et 1992), mais aussi le « Groupe des 13 » fondé à Bologne en 1990 par des auteurs de polars tels que Carlo Lucarelli et Marcello Fois. Au milieu des années 1990, la formation des « Cannibales » (dont Niccolò Ammaniti ou Enrico Brizzi), qui « tenait davantage d’une opération marketing », s’ajoute à ces expériences.
Conséquence : progressivement le public de la littérature italienne en France s’élargit. Selon Vincent Raynaud, qui travaille actuellement à l’ambassade de France à Rome, mais qui a continué à traduire jusqu’en 2022, les succès de Goliarda Sapienza, Alessandro Baricco, Roberto Saviano, Erri De Luca « ont préparé le terrain pour l’explosion avec Elena Ferrante ». De même, depuis les années 2000, Lise Caillat observe « une recherche d’une nouvelle génération d’écrivains de la part des éditeurs français ».
L’attention dont bénéficient les parutions italiennes a donc grandi, progressivement, jusqu’en 2016, avec la publication de L’Amie prodigieuse (trad. Elsa Damien) de Elena Ferrante. Le grand format du tome 1, paru en octobre 2014 avait déjà atteint près de 110.000 exemplaires. À peine 2 ans plus tard, le tome 2 est publié en grand format également, et réalise près de 155.000 ventes. Le poche, quant à lui, atteindra 1,6 million d’exemplaires (source : Edistat).
Les éditeurs prennent alors conscience que le marché italien regorge de livres à fort potentiel commercial. Vincent Raynaud confirme : « Ferrante, pour moi, c’est vraiment un point d’inflexion, un moment où les choses changent et tout le monde se dit : on peut rencontrer un véritable succès avec la littérature italienne ». Il précise : « c’est une certaine vision qui est à la croisée du littéraire et du commercial, comme s’efforce généralement de le faire une maison d’édition ».
Une réussite qui entraînera la publication d’autres auteurs et autrices italiennes, ce que Nathalie Bauer qualifie d’effet « locomotive » – déjà observé avec le succès d’Umberto Eco. Vincent Raynaud ajoute : « Il n’y a pas forcément beaucoup de place autour d’une œuvre aussi forte et importante, donc je pense que ça a créé un appel d’air : plus de titres italiens publiés, mais moins de lecteurs pour ces titres, car cette œuvre a concentré sur elle une grande partie de l’intérêt. »
Lise Caillat, enfin, n’oublie pas Paolo Cognetti (Les huit montagnes, Stock, 2017, trad. Anita Rochedy). Prix Médicis étranger, le roman aura conquis près de 200.000 lecteurs, et serait, estime-t-elle, « le dernier grand phénomène qui a déterminé une nouvelle vague d’intérêt pour la fiction italienne en France. » Mais n’oublions pas Luca Di Fulvio : Le gang des rêves (trad. Elsa Damien) s’écoula en poche chez Pocket à 270.000 exemplaires en 2017, puis 163.000 avec Les Enfants de Venise en 2018…
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Crédits image : Nathalie Bauer / © L'Iconoclaste – Vincent Raynaud
DOSSIER - Traduire la fiction : les liens entre France et Italie
Par Federica Malinverno
Contact : federicamalinverno01@gmail.com
Paru le 01/01/2016
430 pages
Editions Gallimard
9,40 €
Paru le 25/01/2018
546 pages
Editions Gallimard
9,40 €
Paru le 03/01/2017
640 pages
Editions Gallimard
9,90 €
Paru le 14/06/2007
543 pages
LGF/Le Livre de Poche
9,90 €
Paru le 22/08/2018
288 pages
LGF/Le Livre de Poche
8,40 €
2 Commentaires
Josefa
09/10/2024 à 17:34
J'apprends l'italien (disque, film, méthodes, litterature)j'ai ainsi repris goût à la grammaire.... et je crois que les traductions si elles sont le plus fidèles possible, révèlent une passion pour cette langue riche de culture, d'humanité, de résonnance... Merci à tous "ses" auteurs.... présents dans nos mediatheques
B'a
10/10/2024 à 11:18
Je les ai tous lus. Des incontournables, des merveilles
N'oublions pas Bella Ciao Raffaella Romagnelo et Rhapsodie italienne Cavanęs