Le binôme qui avait réalisé Toutes les morts de Laila Starr (trad. Benjamin Rivière), a remis le couvert, au sens presque propre, dans une oeuvre démoniaquement gastronomique. Manger pour vivre, vivre pour manger ? Quand on songe un instant au temps passer entre les courses, les repas, la digestion, l’évacuation… la réponse est dans la question, non ? Alors, va te laver les mains, avant de passer à table.
Le 28/09/2024 à 12:43 par Nicolas Gary
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Publié le :
28/09/2024 à 12:43
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Une chronique de bouffe, certes, mais bien plus encore : voici la savoureuse histoire de Rubin Baksh — un rakshasa, créature démoniaque de la mythologie hindoue, souvent associée à la ruse, la gourmandise et le cannibalisme. Car vorace. Déchu, car vaincu voilà des temps immémoriaux par un petit humain, il s’est réfugié parmi les hommes au point de se fondre dans la masse. Il aime l’humanité, la trouve savoureuse, littéralement et dans tous les sens, car tout ne dépend pas que d’une affaire de cuisson.
Rubin rêve de devenir une figure culinaire semblable à Bourdain et engage Mohan, un réalisateur désabusé, pour tourner un documentaire sur les traditions alimentaires indienne et les personnes qui la façonnent. Avec lui, Rubin, en personnage principal. Mohan est lui-même au fond du trou, dans un entre deux professionnel sans queue ni tête : continuer, s’entêter ou renoncer ?
Dans un premier temps, il refusera l’offre pourtant alléchante de Rubin… mais les créatures surnaturelles ont toujours quelques atouts cachés dans leur manche.
Les deux finissent par s’entendre au terme d’un repas tout particulièrement choisi par Rubin : la nourriture, comme lien social, marqueur identitaire, offrande de paix… toutes les déclinaisons de la cuisine, à commencer par son fondement, l’association de saveurs, couplée à la nécessité de se nourrir, se retrouvent dans la quête que les deux êtres entament.
Les choses vont se gâter lorsque Mohan découvre que Rubin n’est pas qu’un simple passionné, mais une entité dont la nature et les motivations sont mystérieuses. L’œuvre s’inscrit dans une exploration du monde culinaire avec un regard à la fois poétique et fantastique. Rubin, en quête de nouvelles expériences, invite le lecteur à découvrir la richesse indienne tout en cachant ses propres desseins sombres.
L’histoire de Rubin, un être surnaturel vivant pour les goûts, s’inscrit dans une trame mystérieuse, où l'identité et les intentions du personnage demeurent volontairement ambigües. De l’aveu même du scénariste, le personnage de Rubin s’ancre dans l’héritage d’Anthony Bourdain, en faisant écho à son esprit d’aventure, de découverte et de fascination pour la diversité alimentaire, mais avec une touche surnaturelle qui reflète les thèmes du comics.
La narration se concentre sur l’acte de cuisiner et de partager la nourriture, un thème central qui relie les personnages à leurs souvenirs et à leur identité. Chaque plat évoqué devient une manière d’aborder des sujets tels que la famille, la tradition et le passage du temps.
Cette manière de raconter, tout en détails et en évocations sensorielles, rappelle les œuvres d’Anthony Bourdain, dont l’esprit d’aventure et la passion pour la diversité des saveurs semblent imprégner chaque page du récit. Conclusion on navigue entre fantastique et réalisme Ram V excelle vraiment dans le genre. Et ici, avec une entité ancienne aux désirs profondément humains, cherchant à saisir l’essence même de l'alimentation, en ce qu’elle est un des aspects les plus révélateurs de l’Humanité.
Les dessins de Filipe Andrade apportent une dimension visuelle envoûtante, notamment dans les scènes de préparation, où chaque ingrédient est mis en valeur à travers des couleurs et textures qui évoquent l’authenticité et la chaleur des plats indiens. Quelques premières hésitations, en ouvrant la BD ont été rapidement vaincues : pas certain d’aimer le style au premier coup d’oeil, mais difficile de s’en détacher.
Une touche onirique, des mets alléchants, un jeu sur les couleurs chaudes et terreuses pour capturer l'essence des ingrédients et l'atmosphère des rues indiennes… Filipe Andrade enrichit presque de textures ses réalisations, pour rendre quasi palpables l'odeur du masala chai ou la chaleur d'un curry épicé. Et me donner faim…
Évidemment, les couleurs apportent la note décisive : dans un champ de piments, dans l’arc-en-ciel des épices et des territoires de l’Inde parcourus… Et bien entendu, pour distinguer des séquences rêvées des expériences vécues sur l’instant…
Et un coup de chapeau particulier à Maxime Le Dain pour son travail de traduction tant de la narration que Rubin déroule, que des dialogues qui sonnent justes et surtout, des recettes, présentées avec une autre tonalité. Un rendu parfait de ce point de vue. Une exploration culinaire où l'on mêle la magie du folklore indien à une réflexion profonde sur l’art de cuisiner... et de vivre.
Rubin est riche de mille surprises, exprimées à travers les pages : du repas à la dégustation, en passant par les tueurs auxquels il faut échapper, l’amitié qui se tisse entre un démon cannibale (bien qu’il trouverait cela réducteur) et un humain, tout cela donne de la vie, de la joie et du plaisir… Exactement ce que l’on attend d’une belle table.
Nul besoin d’être gastronome avisé ni passionné de mythologie pour s’y précipiter : ce roman graphique aborde des thèmes universels avec un rythme plaisamment lent… exactement comme celui qu’impose un plat nécessitant de mijoter pour s’exprimer pleinement. Tout en finesse et en gourmandise….
Un extrait est à savourer en fin d'article.
Paru le 06/05/2022
128 pages
Urban Comics Editions
20,00 €
Paru le 27/09/2024
152 pages
Urban Comics Editions
21,00 €
5 Commentaires
Necroko
29/09/2024 à 02:00
dernièrement j'ai beaucoup aimé "Jay Garrick : The Flash" et "Wesley Dodds : The Sandman".
Je sais pas trop pour "Alan Scott : The Green Lantern" (pas acheté yet) le changement d'Alan qui était hetero pendant plus de 80 ans puis le wokisme passe par là et pouf le voilà gay depuis toujours...
Mais je vais devoir (quand même) connaitre ses nouvelles origines et les origines de Jenny (Jade) une de mes Héroïnes préférée.
Necroko
29/09/2024 à 03:33
Pas de Jenny dans "Alan Scott : The Green Lantern" donc je sais pas trop, j'aimerais bien avoir la "Trilogie"...
Necroko
30/09/2024 à 00:10
J'achèterais pas "Alan Scott : The Green Lantern" beaucoup trop queer, réservé à une niche de niche de fan.
Necroko
30/09/2024 à 02:00
DC Comics va sortir "Absolute Batman" et "Absolute Superman" et "Absolute Wonder Woman", et je suis pas du tout emballé par ces séries ; je prendrais le TPB "Absolute Wonder Woman" plus pour soutenir Kelly Thompson que par intérêt pour la série.
Necroko
01/10/2024 à 00:12
Très très bon le "Ultimate Spider-Man by Jonathan Hickman Vol. 1 : Married with Children".