La liberté de publier, “un point essentiel d'une société démocratique”
L'Association of American Publishers (AAP) a décerné à Januškevič Publishing House, un éditeur biélorusse qui opère désormais depuis la Pologne, son prix international 2024 pour la liberté de publier. Cette récompense salue un éditeur, hors des États-Unis, qui a fait preuve de courage et de résistance dans la défense de la liberté d'expression.
Créée en 2014, la maison d'édition Januškevič se consacre à la publication et à la vente de livres de fiction, de non-fiction et d'ouvrages historiques en biélorusse. Une activité aujourd'hui largement découragée par les autorités du pays, sous l'influence de la Russie.
En 2022, le fondateur Andrej Januškevič a été arrêté pour la vente de livres en biélorusse. Il a été emprisonné pendant 28 jours. Quelques mois plus tard, il a dû fuir en Pologne. Son entreprise a alors poursuivi ses publications à destination du marché biélorusse, à distance.
En 2023, les autorités biélorusses ont révoqué la licence d'édition de l'entreprise, l'empêchant ainsi de vendre ou d'exercer toute autre activité liée aux livres en Biélorussie. Parmi les titres de Januškevič censurés, citons La ballade du petit remorqueur de Joseph Brodsky, un ouvrage illustré considéré comme « extrémiste » par un tribunal biélorusse. Sa couverture montrait en effet un remorqueur rouge et blanc, couleurs du drapeau interdit.
L'actuel, qui fait référence à la période soviétique, est rouge et vert, pour rendre compte de l'attachement du régime d'Alexandre Loukachenko à l'image de l'URSS et à la Russie. Cependant, les lecteurs biélorusses ont toujours accès aux ouvrages de Januškevič.
Les livres numériques sont disponibles depuis la Biélorussie et à l'international, quand les exemplaires imprimés, eux, peuvent être achetés en Pologne.
Les dirigeants de la maison d'édition Januškevič ont bravé la censure, subi l'incarcération et enduré l'exil, tout cela au service de leur mission qui est de fournir aux lecteurs de la littérature en langue biélorusse. Ensemble, le conseil d'administration, les membres et le personnel de l'AAP applaudissent Januškevič pour avoir préservé et célébré une langue qui a longtemps été attaquée, et pour avoir démontré pourquoi la liberté de publier est un élément essentiel de la société démocratique.
- Maria A. Pallante, présidente et directrice générale de l'Association des éditeurs américains
La langue biélorusse, un « phare »
Créé en 2002, le Prix International de la Liberté de Publier récompense un éditeur installé hors des États-Unis. Ce prix inclut une somme d'argent.
Il a été créé en hommage à Jeri Laber, cofondatrice de Human Rights Watch et membre fondatrice du comité de la liberté de publication de l'AAP. Parfois, les gagnants ne peuvent pas accepter cette distinction ou même la recevoir en personne sans craindre des représailles.
La langue biélorusse illumine notre culture et notre patrimoine [...]. Dans l’espoir qu’il puisse servir de phare, apporter du réconfort aux citoyens de notre patrie et de l’espoir à ceux qui doivent vivre en exil. La liberté de publier est un élément essentiel de la société démocratique.
- Andrej Januškevič
La majorité des éditeurs indépendants de Biélorussie ont été contraints de fermer au second semestre 2020. Le gouvernement biélorusse a lancé une campagne de censure accrue contre les éditeurs promouvant l'identité, la langue ou l'histoire du pays, ou publiant en biélorusse.
Aujourd'hui, un peu plus d'un quart de la population parle cette langue au quotidien. L'UNESCO la considère désormais comme vulnérable.
Photographie : Andrej Januškevič (AAP)
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