Un an après un débrayage identique, les salariés remettent le couvert : la direction d’Editis sera de nouveau confrontée à un mouvement social, ce 30 septembre. Aucun livre ne sera acheminé vers les librairies : un blocage complet des nouveautés, dont le dessinateur Riad Sattouf et le romancier Michel Bussi.
Le 27/09/2024 à 16:03 par Nicolas Gary
25 Réactions | 695 Partages
Publié le :
27/09/2024 à 16:03
25
Commentaires
695
Partages
Ce devait être le grand retour du dessinateur : Moi, Fadi, le frère volé, à paraître aux éditions Les Livres du futur, la maison d’édition que Riad Sattouf avait ouverte pour l’occasion, se nourrissait de l’histoire du frère de l’auteur.
Après L’Arabe du futur, centré sur son propre parcours, cette trilogie poursuivrait l'exploration de récits personnels. « J’étais avide et curieux de savoir quelle avait été sa vie en Syrie pendant toutes ces années », expliquait-il début septembre. Et pour cause, ce frère, il ne l’avait retrouvé qu’en 2011.
Mais le lancement sera contrarié par un autre calendrier : celui des salariés d’Interforum, la filiale de diffusion/distribution d’Editis. À l’initiative du syndicat FO, un appel à la grève pour le 30 septembre a été déposé ce vendredi 27 auprès de la direction.
Avec pour conséquence immédiate de bloquer les départs de livres qui se font depuis l’entrepôt de Tigery. « Les nouveautés seront traitées en retard, et le mouvement impactera directement tous les titres à paraître la semaine du 7 octobre », nous confirme un salarié. En outre, les envois inachevés ce 27 septembre auraient été reportés au 30… donc des accumulations supplémentaires.
En somme, aucune librairie ne recevrait la prochaine BD de Sattouf dans les temps, de quoi mettre de l’eau dans le gaz. En passé, la menace d’une pareille démonstration de force avait conduit la direction à se montrer plus à l’écoute. De fait, c’était un autre best-seller, Marc Levy, dont le 25e ouvrage, La Symphonie des monstres, était pris dans la tourmente d’une menace de grève.
Le débrayage n’avait pas suivi, suite à de multiples pressions sur la direction d’Editis : personne n’avait envie que le romancier soit ainsi pris en otage…
L’organisation syndicale s’exaspère que depuis des mois, sont dénoncés « la dégradation des conditions de travail » aussi bien que « le manque de reconnaissance du travail réalisé par les salariés » de la filiale. Ces derniers, « de plus en plus exténués et en colère », se heurtent à la nouvelle direction « installée depuis le rachat du groupe par le milliardaire Daniel Kretinsky ».
Dans un document consulté par ActuaLitté, FO appelle « au soutien le plus large possible des salariés grévistes : salariés du groupe, mais aussi les lecteurs, les passionnés de littérature et de récits, et les auteurs eux-mêmes ».
Et d’affirmer : « Notre action vise à ce que la culture et le livre demeure un secteur protégé des appétits voraces de la lucrativité et de l’exploitation des travailleurs qui en découle, et pour qu’au contraire, du salarié dans l’atelier au plus grand écrivain, chacun perçoive une juste et digne rémunération de son travail, ce qui n'est actuellement pas le cas chez Interforum. »
Pour minimiser l’impact sur les salariés qui suivront le mouvement, une cagnotte est d’ailleurs prévue, invitant celles et ceu qui le peuvent à manifester leur solidarité, « que vous soyez salarié du groupe mais aussi “simple” lecteur, passionné de littérature et de récit, ou vous-même auteur ». Le 30 septembre sera donc une journée noire, mais la grève pourrait durer « plus si nous n’obtenons rien », précise le syndicat.
« Le constat chez Interforum est préoccupant », assure-t-on chez FO. Et de pointer des salaires trop bas, notamment sur les sites logistiques, et des embauches concentrées en haut de l’échelle plutôt qu’à la base. En outre, la prime PPV est refusée malgré les multiples demandes, tandis que certains bénéficient d’une prime de cession – à la hauteur de 1,7 million d’euros, comme l’avait dévoilé ActuaLitté.
Selon l’OS, toute négociation pour une participation plus équitable a échoué, laissant les salariés sans intéressement une année de plus. « Les conditions de travail se détériorent, même pour les représentants, et les assistantes commerciales et comptables continuent de ne pas être reconnues ni dans leur grade ni dans leur rémunération », nous explique-t-on.
Quant à Riad Sattouf, le coup promet d'être dur : nombre de librairies spécialisées BD attendaient avec impatience cette sortie, face à une rentrée un peu trop morose côté 9e Art. Son ouvrage ne sera évidemment pas le seul concerné : romans, essais, jeunesse, nous attendons des précisions sur l'office de ce 8 octobre, et apporterons plus de détails sur les titres concernés par ce mouvement social dès que possible.
De fait, les maisons du groupe sernot concernées — Robert Laffont, Belfond, Plon et d'autres, puisque 55 maisons d'édition composent la structure – de même que des maisons partenaires. Ces derniers ont signé avec Inteforum pour la diffusion/distribution de leurs ouvrages et feront les frais des tensions à l'intérieur entre salariés et dirigeants, tant au niveau de la filiale et que d'Editis plus largement.
Reste qu'à cette heure, la direction de l'entreprise pas plus que celle d'Interforum n'ont réagi – ni à l'annonce du débrayage ni aux revendications qui l'auront motivé. Les auteurs concernés sauront-ils encourager le groupe à se montrer plus attentif ?
Pour le deuxième groupe éditorial de France, tout juste racheté par CMI et le milliardaire Daniel Kretinsky, le coup est dur alors que la rentrée littéraire bat son plein. Le climat social est d'autant plus pointé du doigt que voilà trois semaines, on apprenait le suicide de la DRH groupe, Amélie Cayzac.
ActuaLitté apprend à l’instant que les dégâts risquent d’être un peu plus sérieux encore, tant en terme d'image que dans les relations avec les auteurs pour le groupe. À cette heure, la direction se refuse à apporter le moindre commentaire, attendu qu’il s’agirait d’une initiative syndicale isolée.
Autant les relations avec Riad Sattouf, éditeur partenaire du groupe, auront besoin d’un sérieux coup de diplomatie, autant Denis Olivennes, président non exécutif, et Catherine Lucet, directrice générale d’Editis auront à expliquer à l’un des auteurs maisons comment son prochain roman pâtira des dissensions actuelles.
Michel Bussi, dont le dernier livre Mon cœur a déménagé (janvier 2024, chez Presses de la Cité), a réalisé près de 80.000 ventes (données : Edistat), compte parmi les écrivains frappés par la grève. Doit en effet sortir le 10 octobre Les assassins de l’aube… ou du moins aurait dû sortir, puisque l’office ne sera pas assuré et la distribution retardée.
En outre, Interforum avait prévu une offre spéciale à l’attention des libraires pour cette parution : décidément, la faute à pas de chance. Deux best-sellers embarqués dans un conflit — ainsi que les coffrets de Noël —, voilà qui risque de noircir le week-end de Denis Olivennes et son équipe. Les deux auteurs concernés n'ont pour l'heure pas réagi à l'annonce de ce mouvement de grève.
Des milliers de palettes, des dizaines de milliers de cartons… les quais de l’entrepôt de Tigery sont littéralement saturés, mais rien ne part. La grève en cours depuis ce matin dans la filiale d’Editis a des allures de fin du monde. Et pourtant, ni la direction d’Interforum ni celle du groupe n’ont encore pris contact avec les salariés.
Retrouver l'article : Grève chez Editis : des centaines de milliers de livres à quai
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Paru le 10/10/2024
398 pages
Presses de la Cité
22,90 €
Paru le 08/10/2024
150 pages
Les livres du futur
23,00 €
25 Commentaires
François
27/09/2024 à 18:14
Vous. Avez raison faut qu’ils arrêtent de se gaver en haut et qu’ils en filent plus aux salariés, on vous soutient
Lecteur
27/09/2024 à 18:26
Pauvre Riad, il va être pris en otage… au moins il fera sa béa
Eric
27/09/2024 à 19:33
Cette direction est tellement inhumaine et elle en a tellement rien à faire des gens qu'elle va jamais rien vous filer même si elle perd plein d'auteurs
Salariée Editis
27/09/2024 à 20:04
HA HA HA. un coup d'épée dans l'eau. Les salariés du groupe Editis attendent rapidement que la direction prenne la décision de fermer Tigery car c'est un site qui nous coûte très chère pour le faire fonctionner et ça plombe les résultats de l'entreprise. Quelle bonne idée de reprendre des salariés de La Martiniere et le Seuil. Eux ils se sont débarrasser et Editis les a repris que pour avoir des emmerde. A croire que les dirigeants d'editis adorent ça. En même temps ça les occupe car elles sont tellement nombreuses dans la bassecour
Salariée editis
27/09/2024 à 21:52
C’est surtout toi qui est trop payer pour raconter de telles méchancetés, comment peut on se réjouir et de la pauvreté qui se trouve à Interforum et de vouloir en plus virer des gens. A vomir tu es. Tu dois être très très bien payée à rien faire proche de la basse-cour
Hahaha
27/09/2024 à 22:38
C’est la même qui se goinfre une prime de cession exorbitante qui ose faire un commentaire aussi médisant. On ne change pas une personne toxique et sans cœur comme ça. Oust tu ne sais pas tenir tes troupes, du balai
Arthur
27/09/2024 à 20:14
Olivennes méprise les petits gens, ils s’en sert pour ramasser du pognon et c’est tout donc vos états d’âme il en a rien à faire. Il est bon nul part donc il faut bien qu’il excelle dans l’irrespect et le mépris de ses salariés
B. Happy
27/09/2024 à 23:43
"Notre action vise à ce que la culture et le livre demeure un secteur protégé des appétits voraces de la lucrativité et de l’exploitation des travailleurs qui en découle, et pour qu’au contraire, du salarié dans l’atelier au plus grand écrivain, chacun perçoive une juste et digne rémunération de son travail"
Riad Sattouf est-il heureux qu'on se préoccupe AINSI de son gagne-pain ?
Bonjour
28/09/2024 à 05:52
Il en pense quoi Riad sattouf ? Pourquoi ne va t-il pas soutenir ses pauvres gens sur le piquet de grève ? Pourquoi ne fait il pas un don pour les grévistes ? C'est dans ces moments là qu'on voit la vraie personnalité des auteurs et leur cœur et s'ils ne font pas du cinéma sur la compassion, la charité, etc. En effect qu'il fasse sa part au lieu de se victimiser, il payera moins d'impôt :) :) :)
Alexandre
28/09/2024 à 08:59
C'est toujours désagréable d'avoir Sattouf bloqué...
Salarié
28/09/2024 à 12:26
Dites le à Olivennes pour qu’il nous paye mieux et nous respecte plus ! On va pas pleurer pour lui non plus. Nous on a pas pu partir en vacances parce qu’on a pas eu de participation et d’intéressement et eux ils s’en mettent plein les poches. Ça c’est aussi désagréable
Hahaha
09/10/2024 à 07:56
Excellent. Mais pas compris. Il faut bannir l'humour hélas en commentaires. Les gens n'en ont plus...
Jedi
28/09/2024 à 09:29
Vous qui avez touché prime de cession, aux grévistes vous devez donner. Cœur vous n'avez pas et enfer vous connaîtrez, billet au paradis vous n'obtiendrez pas. Les premiers sur terre, derniers seront dans les cieux
Ha la belle Catherine
28/09/2024 à 14:12
Croyez-vous que la belle Catherine Lucet va se soucier des petits salariés d’interforum et surtout ceux de la logistique ? Permettez moi de vous dire qu’au 4eme étage personne ne se soucie de ces salariés malheureusement. C’est l’étage des méprisants, de la hauteur sphère qui regarde avec dédain ceux qui sont en bas de l’échelle. Entre la belle Michèle et la vieille Catherine il y a un monde. D’un côté le respect de l’autre le mépris, le blanc et le noir. C’est pour ça qu’Olivennes l’a fait revenir, elle lui ressemble tellement….
Salarié Malesherbes
28/09/2024 à 16:15
He les radins qui touchent des grosses primes sur notre dos avec des grosses primes de cession vous devez cotiser aussi pour la cagnotte des grévistes : les danjou les lieutard les gallet les costel les sangouard les houedessou les maïa et toute la clique qui font que se tourner les pouces pendant qu'on bosse et qui se goinfre sur notre dos. Un jour j'espère que la direction verra comment vous glandez et que vous toucherez la prime de licenciement ça nous fera de la tune pour nous
marc lénine
29/09/2024 à 01:40
le concept de gréve est ahurissant
comment nommer l'inactivité du sujet
l'ordre esclavagiste est un rictus
le mal transpire à travers le Capital
nos chaines sont obscènes
Bardamu invente la nuit
pleurons sur nos tombes
Salariés Interforum
29/09/2024 à 12:13
On fait appel au bon cœur de Michel Bussi et Riad Satouff pour venir nous soutenir à la grève de lundi 30 sur Tigery ! Je pense que ça doit les gêner de savoir dans quelles conditions sont traités leurs salariés, car oui nous sommes leurs salariés, nous travaillons pour eux !! Venez nous soutenir s’il vous plaît 🙏
B. Happy
29/09/2024 à 13:31
Et réciproquement... Ils travaillent pour vous. Sans eux, vous n'avez plus de boulot.
Berry happy
29/09/2024 à 19:43
Oui mais nous nous sommes exploités contrairement à eux et à vous. Dois-je rappeler le montant de votre prime de cession et votre salaire et les nôtres 😉
note de service
30/09/2024 à 09:57
S'agissant du livre de Michel Bussi paru en janvier 2024, c'est tout à la fois le nom de la maison éditrice et les chiffres de ventes qui sont erronées dans le présent article #factchecking#
Nicolas Gary - ActuaLitté
30/09/2024 à 10:03
Bonjour
Erreur de ma part en effet concernant la maison d'édition : ce point est corrigé.
Pour les chiffres de vente, ce sont ceux indiqués par Edistat. #factchecké :-)
MC
30/09/2024 à 16:00
TOTAL SOUTIEN AUX COLLÈGUES DE TIGERY !
Au moins, ils ont le courage d'agir alors qu'Avenue de France, ça passe son temps à partir en burn-out, à chouiner qu'on est maltraités, à se plaindre sans jamais oser se mettre en grève, ce qui arrange bien la direction. Je suis totalement écœurée par ces dirigeants.
Au moins les salariés de Tigery se bougent et je leur souhaite d'obtenir gain de cause!
Quand on sait les primes honteuse qu'ont touché les DIR-COM en juillet dernier, qu'on ne vienne plus nous chanter que "les chiffres sont mauvais" et "qu'il n'y a pas de budget".
Libraire
30/09/2024 à 18:00
Soutiens aux grévistes, ça me fera moins de réceptions à gérer dans la semaine ! Surtout, en tant que petite main smicarde de la chaine du livre, je ne peux que soutenir ces petites mains de l'ombre qui font un boulot indispensable mais qui sont payées à coup de pied au cul !
Salarié
30/09/2024 à 22:17
Aujourd'hui les agents de maîtrise touchent 1200 euros de prime. Les cadres c'est entre 4000 et 6000 euros de primes. Les dirigeants c'est entre 30000 et 50000 euros de prime. Ces personnes font quoi de plus que les employés hormis d'être au café plusieurs fois par jour. Les employés ils ont 0 euros de prime. Que la direction assume leurs politique salariale chez interforum et continuer à fonctionner de cette façon et ils s'étonnent que les employés sont mecontents. Les larbins de l'encadrement à ses limites. A bon entendeur.
Julia, lectrice
03/10/2024 à 16:14
Bonjour, je lis les commentaires et je vous adresse mon soutien depuis la Bretagne. J'achète mes livres dans une petite librairie indépendante. A chaque chainon, je pense aux plus "petits" car silencieux et moins visibles mais indispensables. Courage à toutes et tous en espérant que vous obtiendrez gain de cause dans votre lutte et au droit au respect et à la dignité.
Julia