#PEPLP2024 – Pour son premier roman, La maladroite (2015), Alexandre Seurat reçut le Prix Envoyé par La Poste, initié cette même année. L’ouvrage, qui s'inspire d'un fait divers tragique et met en lumière la maltraitance infantile à travers une approche polyphonique, ouvrait ainsi une porte entre la Fondation La Poste et les primo-romanciers. Dix ans plus tard, l’écrivain revient avec nous sur ses débuts et son parcours depuis.
La maladroite, qui interroge les responsabilités sociales et individuelles, a marqué le début d’une œuvre littéraire empreinte de gravité et de questionnements moraux. Le titre connut un véritable succès avec plus de 30.000 exemplaires vendus (grand format et poche) et fut suivi d’une libre adaptation en téléfilm. Réalisé par Éléonore Faucher, il sortit en 2019, reprenant le fil de l’affaire Marina Sabatier.
CHRONIQUE – La Maladroite, ou Diana, princesse brûlée vive
Depuis, d’autres livres comme Petit frère et L’administrateur provisoire, des romans explorant des thèmes familiaux et sociaux complexes. Alexandre Seurat est désormais reconnu pour son style sobre, sans fioritures, et son sens aigu de l’analyse des dynamiques humaines dans des contextes de souffrance et de silence. Mais tout a bien débuté avec La maladroite.
« C’est le seul livre ayant reçu un succès majeur que j’ai publié à ce jour », reconnaît-il modestement. « C’était aussi le premier : le prix est arrivé alors que quelque chose se passait en librairie. Chez Le Rouergue [NdR : son éditeur], il y avait une fébrilité et une certaine euphorie… mais j’avoue que je ne me rendais pas compte de ce qui se passait. » La cérémonie passée, le romancier faisait donc ses premiers pas à la découverte du monde du livre, à travers l’accueil réservé à son récit.
« J’avais envoyé nombre de manuscrits et avant de publier La Maladroite, les différents contacts avec des éditeurs ne furent pas concluants : certains me demandaient de tout réécrire, pour rendre un texte plus efficace. Ce n’était résolument pas ce que j’attendais d’un éditeur », se souvient-il.
Alors la rencontre avec les équipes du Rouergue change la donne, au point que ses autres romans y furent également publiés. « On le perçoit moins quand on débute, mais, avec les années, j’ai mesuré combien il était précieux d’avoir une éditrice qui suit, accompagne, lit… et encourage. » D’autant que la maison a « défendu mes textes suivants, qui n’étaient pas évidents, voire difficiles », poursuit-il.
Avec le prix envoyé par La Poste, s’installait une reconnaissance, certes, mais également une intégration dans l’industrie. « J’ignorais tout de ce fonctionnement, la place et l’importance des relations avec les libraires indépendants, quand on est une petite structure éditoriale. Quand je me rends chez mon libraire, je sais généralement ce que je veux : pour La maladroite, nous avions besoin de l’aide des prescripteurs. » Et la récompense qui venait de tomber a aidé, de son côté, à attirer l’attention.
Au fil des années, porté par cette réussite, Alexandre Seurat a « perdu ce qui était certainement une forme de naïveté. J’avais cette idée qu’écrire signifiait s’inscrire en rupture avec toute forme de lien de dépendance sociale. C’est le cas. Mais publier change tout cela : le livre s’intègre dans tout un réseau, pour lequel l’éditeur doit intervenir, agir, communiquer. Eh oui, le prix, pour sa première édition, a participé à cet ensemble. »
Au point de changer aussi un peu la vie de cet enseignant à l’université. « Je me souviens notamment de l’édition du Marathon des mots [Ndr : festival littéraire à Toulouse], parce qu’une mise en voix, une lecture incarnée, de mon roman était proposée au public. » Le souvenir est encore entier : « Je n’avais pas l’habitude des salons en tant que visiteur, donc pas l’expérience d’assister à une lecture de ce genre. Mais quand la représentation a commencé, avec la réception du public, alors oui, c’est une reconnaissance forte que j’ai ressentie. »
À LIRE - Anatole Edouard Nicolo reçoit le Prix Envoyé par La Poste 2024
Le Marathon des mots, qui bénéficie également du soutien de la Fondation La Poste, devait être un nouveau point d’entrée et d’ancrage dans l’industrie du livre. « J’ai conscience que mes textes relèvent plutôt d’une littérature de recherche, qui n’a pas forcément autant de visibilité que des textes de divertissement. Alors, cette mise à l’honneur, sur l’instant, ça se savoure. »
Dix ans plus tard, celui qui ouvrit la série des lauréats et lauréates du Prix envoyé par La Poste, trouve « extrêmement gratifiant que malgré les années, les organisateurs maintiennent cette connexion avec nous. Un prix, oui, mais qui persiste, qui fait sens d’une certaine manière. » D’autant qu’écrire, quand on a une vie familiale et professionnelle, n’offre pas forcément toute la latitude nécessaire pour garantir la présence nécessaire à la promotion de l’ouvrage.
« Je crois bien que je n’ai jamais aussi peu écrit que l’année où fut publié La maladroite », plaisante-t-il. Mais avec les perspectives auxquelles réfléchit la Fondation de résidence d’auteur et de club des lauréats du prix, une autre dimension s’ouvre : « Un accompagnement sur la durée, c’est extrêmement intéressant : aujourd’hui je travaille à mon sixième livre, mais 10 ans plus tôt, c’était ma première fois. Et à ce moment-là, on a bien besoin, quand on débarque dans ce milieu, d’être entouré », conclut-il.
Alexandre Seurat, né en 1979, est un écrivain et professeur de lettres à l’Université d'Angers, spécialisé en littérature générale et comparée. Il a soutenu une thèse en 2010 à la Sorbonne intitulée Le roman du délire. Hallucinations et délires dans le roman européen (années 1920-1940).
Crédits photo : Alexandre Seurat (2015) - ActuaLitté, CC BY SA 2.0
DOSSIER - Prix Envoyé par La Poste 2024 : l'art délicat du premier roman
Paru le 16/08/2017
109 pages
Actes Sud Editions
6,40 €
Paru le 22/08/2018
196 pages
Actes Sud Editions
8,30 €
Paru le 03/01/2018
96 pages
Editions du Rouergue
12,00 €
Paru le 21/08/2019
176 pages
Editions du Rouergue
17,50 €
Commenter cet article