En 2015 paraissait Les Jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ? de Thomas Guénolé – analyse sociologique et politique qui vise à déconstruire les stéréotypes véhiculés sur les jeunes issus des banlieues françaises. 2024, l’auteur reprend son bâton de pèlerin, cette fois avec une bande dessinée documentaire. Mais le projet demeure inchangé.
Le 11/09/2024 à 11:01 par Nicolas Gary
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11/09/2024 à 11:01
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Dans l’essai originel, paru aux éditions Bord de l’eau (près de 5000 exemplaires vendus, donnée : Edistat), Thomas Guénolé avait opté pour une structure en trois parties.
Dans un premier temps, il démontait le mythe du « jeune-de-banlieue », qu’il qualifie de « balianophobie », une peur irrationnelle envers cette catégorie de la population. L’enjeu était d’exposer comment la société crée et perpétue des clichés sur les jeunes des quartiers populaires, les diabolisant en tant que délinquants potentiels, souvent musulmans et enclins à la radicalisation.
Ensuite, il s’efforçait de présenter une réalité plus nuancée et complexe que celle largement véhiculée dans les médias — que ce soit à travers la presse ou le cinéma. L’édition est-elle exempte de ces critiques ?
Enfin, il consacrait son étude à relater la réalité : la majorité des jeunes des banlieues ne correspond pas à ces stéréotypes. Ils sont confrontés à de nombreux défis, tels que le chômage, la pauvreté et l’échec scolaire, mais ne basculent pas nécessairement dans la criminalité ou l’extrémisme religieux.
Autre époque, autres mœurs, autre support : avec le concours de Gwenn au scénario et Jonas Ritter pour les illustrations, l’essai devient un documentaire en BD. « Bientôt dix ans après, tous les problèmes traités dans le livre, sans exception, se sont aggravés : les contrôles d’identité au faciès, les violences policières, le discours de haine anti-jeunes de banlieue dans une partie des médias, les préjugés cinématographiques, les discriminations économiques et sociales, la ségrégation territoriale et scolaire, le chômage de masse... », explique-t-il.
C’est avec l’éditeur Olivier Petit, des éditions Petit à Petit, que le projet de bande dessinée voit alors le jour.
« Au fil du travail d’adaptation, nous eûmes l’idée de transformer la matière en un roman graphique choral. Une journée dans la vraie vie des vrais jeunes de banlieue. Pas de grand héros, pas de grand méchant. Un personnage principal différent par chapitre, un grand thème différent par chapitre », poursuit Thomas Guénolé.
Alimenté et enrichi de données concrètes, de fact checking rigoureux et de déconstruction du discours haineux, cet album pose le premier constat : jeunes de banlieue n’a rien d’une expression aux pourtours géographiques. « Dans l’imaginaire collectif français, ils n’incluent ni la population jeune ayant la peau blanche, ni la population jeune des classes moyennes et supérieures, ni les territoires périphériques ruraux, ni les territoires périphériques prospères. »
Et pour cause : ce serait se voiler la face abusivement que de ne pas reconnaître avec l’auteur la véritable définition. Parler de jeunes de banlieue désigne « des jeunes adolescents ou adultes modestes, d’origine maghrébine ou subsaharienne, qui habitent des territoires urbains périphériques pauvres ».
Et de dresser un portrait robot de ces figures qui interviennent dans notre monde moderne comme une image de croquemitaine brandi pour effrayer la population.
« Arabe mal rasé de 15-35 ans vêtu d’un survêtement à capuche, il se promène avec un cocktail Molotov dans une main et une kalachnikov dans l’autre. Il fume du shit dans les cages d’escalier. Il brûle des voitures. Il gagne sa vie grâce à des trafics de toutes sortes et en fraudant les allocations sociales.
Sa sexualité consiste à violer les filles en bande dans des caves ; sa spiritualité, à écouter les prêches islamistes de l’“islam des banlieues”, dans des caves également. Il hait la France, l’ordre, le drapeau, et bien sûr, il déteste les Français (comprendre : “les Blancs”). Son rêve : partir à l’étranger se battre aux côtés d’islamistes, pour ensuite revenir en France commettre des attentats. »
– Extrait de l’Avant-propos par Thomas Guénolé
Sauf que non. Résolument, preuves à l’appui, et chiffres pour étayer : « La réalité est moins spectaculaire. Les délinquants et les comportements marginaux ne sont le fait que d’une infime minorité. Symétriquement, l’ascenseur social étant à l’arrêt depuis bien longtemps, peu de jeunes arrivent à s’en sortir. Pour les autres, tous les autres, la vie est une galère de jeune pauvre urbain qui vivote et ne sortira pas du ghetto. »
La BD suit alors un découpage sur une journée, de 7 h à 21 h, illustrant par autant de saynètes, heure par heure, les exactions, les préjugés, les propos, les comportements, les manipulations médiatiques, et j’en passe, et j’en oublie. Sauf qu’il ne faudrait pas en oublier une seule.
Chaque séquence dessinée est suivie d’une analyse méticuleuse : contrôles d’identité abusifs, délit de faciès, grand remplacement (et certainement pas celui dénoncé par Éric Zemmour, bien au contraire). Mais également la discrimination dans l’accès au travail, malgré les pseudo politiques de recrutement et de diversité, à un crédit bancaire aussi bien qu’à un logement.
Une journée complète, pour suivre la vraie vie des vrais jeunes de banlieue : « Pas de grand héros, pas de grand méchant. Un personnage principal différent par chapitre, un grand thème différent par chapitre. Des récits courts, réalistes et percutants. Des histoires et des personnages dans lesquels, pour une fois, les véritables jeunes de banlieue pourront se reconnaître et s’identifier. »
Le résultat est bluffant. Les informations consternantes. La conclusion… s’impose. Et fait imploser les idées reçues.
Paru le 22/09/2015
213 pages
Editions Le Bord de l'eau
17,00 €
Paru le 21/08/2024
142 pages
Editions Petit à Petit
19,90 €
8 Commentaires
Gaucho Marx
11/09/2024 à 19:56
Ici les maths modernes - rubrique "théorie des ensembles" - peuvent nous être d'un grand secours pour éviter le grand n'importe quoi.
Car, effectivement, tous les "jeunes de banlieue" ne se promènent pas avec une kalach, pour protéger leur trafic de shit, entre deux tournantes, avant d'aller s'inscrire à une formation accélérée de Daech.
Mais il se trouve que ceux qui se promènent avec une kalach, pour protéger leur trafic de shit, entre deux tournantes, avant d'aller s'inscrire à une formation accélérée de Daech sont des "jeunes de banlieue"...
Voilà pourquoi cet ouvrage est sans doute salutaire pour éviter les généralités, mères de tous les racismes. Et pour faire la part des choses, entre l'oeuvre de Dieu et la part du diable, comme dirait le grand John Irving.
Quark
12/09/2024 à 00:37
propagande
Malo B
12/09/2024 à 12:06
Propagande, pour qui et quoi ? Faut développer un peu, Quark, faire des phrases avec arguments et exemples.
Je suis étonné que les modérateurs laissent passer ce genre de commentaire.
Edco
12/09/2024 à 13:59
En effet, absolument ....un mot comme ça....genre pétard... mouillé....Ce qui se conçoit clairement , s ennonce clairement....🤔
NAUWELAERS
12/09/2024 à 22:24
Tout de même...
Je n'ignore pas les difficultés que doivent affronter ces jeunes, même si beaucoup s'en sortent (honnêtement !).
Beaucoup de jeunes immigré(e)s ou d'origine immigrée étudient et travaillent, tout de même !
Mais on ne peut nier ou minimiser comme cela la réalité de la délinquance et de la violence des voyous...
Qui affecte des gens déjà défavorisés vivant dans ces quartiers.
Ce n'est pas une «légende urbaine»: ce terme est une insulte aux victimes de la délinquance.
Non, pas d'accord.
Non à l'angélisme et non au racisme qui est une généralisation.
Vous vous souvenez de la voiture de flics dont les occupants pris dans un guet-apens ont failli mourir brûlés vifs, il y a quelque années ?
Il faut placer le curseur au milieu.
Tout bêtement.
Honte aux imbéciles qui claironnent, toute bêtise dehors en sautoir, que ce discours serait d'extrême droite.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Malo B
13/09/2024 à 09:41
Lisez donc le livre, CHRISTIAN NAUWELAERS. Peut-être y apprendrez-vous des choses sur les "gens défavorisés vivant dans ces quartiers", comme vous dites.
N. Habila
14/09/2024 à 11:07
Le livre, hélas, et sans surprise, on en connaît la trame. C'est celle de la gauche depuis des décennies. Tout s'explique par le social et l'économie. Et rien que par ça.
"C'est la faute à la société". Du coup, entendez : c'est notre faute, à nous autres, policiers qui contrôlons au faciès, propriétaires qui renaclons à louer, employeurs qui renonçons à embaucher, saboteurs de l'ascenseur social...
Il n'y a plus de destinée individuelle, de libre arbitre, de choix conscient. Les jeunes de banlieue ne seraient que des marionnettes aux mains de puissances malsaines qui les dépassent et leur nuisent.
Vous avez dit "complotisme" ?
NAUWELAERS
13/09/2024 à 18:53
Lisez donc «Libé» de ce vendredi, et François Ruffin qui tente de sauver la gauche, contre la tendance Mélenchon et ce communautarisme toxique qui risque de la tuer !
Et qui dégoûte des foules de votants historiques de la gauche.
Arrêtez de faire l'autruche !
CHRISTIAN NAUWELAERS