Le dramaturge Pierre Gringoire, originaire de ce qui n'était pas encore le Calvados, nous aura au moins légué un aimable proverbe : « Mieux vaut être seul que mal accompagné. » Fine observation applicable aux livres : plutôt ne rien bouquiner que de s'enquiller une sombre bouse. Or, un ami cher autant qu'un bon livre sont des perles précieuses.
Le 11/08/2024 à 18:18 par Nicolas Gary
2 Réactions | 596 Partages
Publié le :
11/08/2024 à 18:18
2
Commentaires
596
Partages
« Qu'un ami véritable est une douce chose », fabulait La Fontaine, illustrant à merveille mon propos. Et de même que certains ont rejeté la lecture, il se trouve des asociaux choisissant délibérément de ne pas entretenir de relations amicales : Grazia consacre tout un article au sujet, présentant ces individus soucieux de préserver une forme de liberté personnelle ou de se prémunir contre des relations jugées superficielles.
L’idée n’est pas fausse : entretenir une amitié nécessite un investissement émotionnel, qui ne correspond pas forcément aux priorités du moment. Après tout, la sociabilisation peut devenir une source de stress et de fatigue émotionnelle.
C’est d’ailleurs tout le livre de Paolo Giordano, La solitude des nombres premiers (trad. Nathalie Bauer). Le roman explore la solitude émotionnelle et la difficulté à créer des liens avec les autres, à travers l’histoire de deux personnages aux passés traumatisants.
On retrouve bien sûr dans Les choses de Georges Perec, cette notion d’isolement dans un contexte social, où les protagonistes s’enferment dans leur quotidien et leurs obsessions, limitant leurs interactions.
Sauf qu’être introverti n’est pas facile à vivre, si vous me permettez d’enfoncer des portes ouvertes. Masculin détaille le comportement de ces personnes qui ressentent souvent le besoin de préserver leur énergie. Et pour qui les échanges sociaux prolongés peuvent s’avérer épuisants.
À la recherche d’échanges authentiques, ces personnes ont un besoin crucial d’équilibre entre solitude et liens — où l’échange sincère et la compréhension mutuelle priment sur la fréquence des rencontres. A peu près tout ce que l’on trouvait dans La délicatesse, de David Foenkinos, qui explorait le caractère introverti de certains personnages et montre comment ils naviguent dans des situations sociales complexes tout en restant fidèles à eux-mêmes.
Et puisqu’elle publiera un nouveau roman pour la rentrée littéraire, difficile de ne pas citer également Muriel Barbery et son Élégance du hérisson. À travers le personnage principal, une concierge introvertie, le récit abordait les stratégies de survie sociale des personnes qui préfèrent l’isolement et la réflexion intérieure.
Or, l’homme est censé être un animal sociable, si l’on écoute les philosophes. Et plus encore durant l’adolescence où la quête d’amitiés se change souvent en pression sociale : rechercher une validation dans le regard des autres, une ressemblance, une identification… au détriment des qualités humaines, nous raconte Psychologies.
Ou comment confondre popularité et liens sincères — seul l’un des deux offre un véritable épanouissement personnel : demandez à Maud Ventura, dont le prochain roman, Célèbre, traite précisément de cette vanité des vanités, comme disait Qoeleth… Avoir quelques amis intimes sur lesquels on peut compter est souvent plus bénéfique que de s’entourer d’un grand nombre de connaissances superficielles.
De quoi relire No et moi de Delphine de Vigan (que l’on retrouvera à la rentrée avec Les Figurants, chez Gallimard, le 3 octobre). Le livre paru en août 2007, prix des Libraires, racontait si bien cette l’histoire de deux adolescentes qui, malgré leurs différences, développaient une amitié si forte qu’elle les aidait chacune à surmonter ses propres difficultés. Ah, les ados…
Peut-être conclura-t-on avec Le Point, qu’il est difficile de se faire des amis quand on est devenu adulte. D’ailleurs, Franquin disait bien qu’un adulte, c’est un enfant qui a mal tourné.
Entre responsabilités familiales et/ou professionnelles, rencontrer des personnes devient un défi : surtout qu’en vieillissant, les exigences et attentes se confortent. Développer d’amitiés à l’âge adulte nécessite une volonté consciente et un investissement personnel, mais ces relations peuvent s’avérer tout aussi enrichissantes et indispensables que celles de la jeunesse, conclut l’hebdomadaire.
Anna Gavalda lui donnerait raison : en publiant Ensemble c’est tout, la romancière abordait et suivait plusieurs personnages adultes qui se lient d’amitié et montrent comment les relations peuvent se former même tardivement dans la vie.
Thème que l’on retrouvait dans Les Loyautés de Delphine de Vigan (oui, j'aime bien Delphine de Vigan), qui explorait la complexité des relations humaines à l’âge adulte — et l’importance des amitiés pour surmonter les défis personnels.
Alors, amis pour la vie ? Une seule certitude, que nous rappellera sans cesse Daniel Pennac : « Ne plus lire depuis longtemps, c’est comme perdre un ami important. » (Comme un roman).
Crédits illustration : Dall•E
Paru le 12/03/2015
413 pages
Editions Gallimard
9,90 €
Paru le 04/01/2018
209 pages
Editions Gallimard
8,30 €
Paru le 03/10/2024
128 pages
Editions Gallimard
15,00 €
Paru le 11/03/2009
248 pages
LGF/Le Livre de Poche
6,90 €
Paru le 28/08/2019
187 pages
LGF/Le Livre de Poche
7,90 €
Paru le 18/07/2007
157 pages
6,40 €
Paru le 03/10/2005
573 pages
J'ai lu
8,70 €
Paru le 22/08/2024
540 pages
Iconoclaste (l')
21,90 €
Paru le 18/08/2023
360 pages
Points
8,95 €
2 Commentaires
Sabine
13/08/2024 à 09:18
« Les Loyautés de Delphine de Vigan (oui, j’ami bien Delphine de Vigan) »…J’ami, tu amis…
C’est pas sorcier en somme.
Nicolas Gary - ActuaLitté
13/08/2024 à 11:46
En effet, pas sorcier, mais maléfique comme coquille !
Merci de votre remarque.