Des livres et de véritables œuvres d’art : le programme de la librairie La Stanza di carta, située à Palerme fait sensation. Pietro Onorato, son fondateur, l’a ouverte au pied d’un clocher d’église San Giuseppe dei Teatini. Et voilà cinq ans que cet établissement a déménagé en ce lieu improbable pour animer la communauté de la via D’Alessi.
Avant que La Stanza di Carta ne s’y installe, l’espace abritait déjà en 1920 la Libreria Broadway, qui ferma ses portes en 1999. La librairie accompagna tout une génération de jeunes avec les arts, le spectacle et la littérature dans un environnement de livres, avec des performances et des rencontres réunissant artistes et écrivains.
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À peine 19 m2, dont Pieto Onorato, libraire depuis une cinquantaine d’années, s’empare avec plaisir, pour en faire un temps de la culture — avec une hauteur sous plafond de plus de 6 mètres.
Après la fermeture de 1999, il fallut attendre 20 ans pour que Pedro Onorato se décide, en juin 2019, à refaire vivre l’endroit. Avec une offre de livres ayant parfois de 30 à 100 années et sont quasiment neufs, car jamais ouverts. Et rapidement, La Stanza est devenue un point de repère pour les habitants autant que les touristes, éblouis par le foisonnement des pièces exposées, autant que la magnificence du bâtiment lui-même.
Les étagères sont d’origine, pour au moins la moitié et datent de 1920 : elles recouvrent presque toute la hauteur des murs. Mais le libraire n’avait pas l’intention d’y proposer strictement des livres : il l’a conçue comme un cabinet de curiosité. « Ces dix ou quinze dernières années, il y a eu un changement, une évolution, même si elle n’a pas été nécessairement positive, et beaucoup de librairies se sont transformées en magasins », expliquait-il à Bee Magazine en 2022.
Conclusion, il a préféré chercher des maisons d’édition italiennes qui prennent soin de leurs objets, tant pour les couvertures que dans l’impression — Sellerio, Henry Baylei et l’Istituto Poligrafico Europeo. « Aujourd’hui, les librairies se sont transformées en grandes boutiques et ne sont plus que des supermarchés, où l’on trouve de tout. Pour faire une plaisanterie, je dirais “même des livres”, mais en fin de course ! Alors, je voulais créer ce lieu de rêve, un Wunderkammer [NdR : Cabinet de curiosité, donc], mettre les livres au centre et autour, au lieu des gadgets, les arts. »
Ainsi, de nombreux ouvrages rares y sont commercialisés, de même que des numéros de revues et des collections éditoriales historiques, mais aussi des nouveautés et des objets d’art. « Un livre imprimé, par exemple, en 1969, malgré son âgé, se révèle intact : cela se voit en observant la tranche, au point qu’il semblerait imprimé aujourd’hui. Et il ne se retrouvera dans aucune autre librairie à moins qu’elle ne soit spécialisée en ouvrages anciens parce qu’il n’est plus en commerce, il est hors catalogue. »
Ces perles, il le découvre en fouillant dans des bibliothèques privées, cédées lors de successions ou de ventes — son stock compte plus de 4000 exemplaires désormais. Et fier de disposer de la plus petite librairie au monde, il a réalisé quelques investissements pour aménager une mezzanine qui sert de coin de lecture, avec une vue imprenable sur la librairie.
La Stanza di Carta, autrefois lieu de vente de livres scolaires et juridiques – la faculté de droit est à quelques mètres seulement – aura connu quelque cent ans d'activité et renaît maintenant grâce à Pietro Onorato qui en a fait, en la reprenant, un pôle culturel de la ville de Palerme.
On s'y arrête pour découvrir des livres anciens ou plus modernes, mais toujours choisis avec soin et une attention particulière à l'esthétique, riches d'histoires de la ville, de la Sicile, ou de récits de ceux qui y ont grandi, ou encore d'auteurs ayant laissé une empreinte indélébile. Le tout, sur un petit air de jazz, que Piero apprécie tant...
« Palerme, qui est une grande ville, n’a plus une grande et belle librairie comme autrefois. Une librairie qui soit l’expression de l’appartenance au lieu et aux personnes qui la fréquentent », analyse le libraire.
« Certes, il y a les librairies de chaînes commerciales qui remplissent admirablement leur fonction, mais elles n’expriment ni la ville ni ses acteurs. Voilà mon souhait : j’aimerais tellement créer une grande et belle librairie qui ne serait pas nécessairement la mienne. J’imagine bien d’aider quelqu’un qui aurait ce désir de véritablement se lancer dans quelque chose en quoi il croit. »
Crédits photo : La Stanza di carta
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