Passer à Nîmes sans visiter les Arènes (et la Maison carrée, et le Temple de Diane, et j'en passe et j'en oublie) serait criminel. Or, les gladiateurs, contrairement images qu'a véhiculées le cinéma hollywoodien, n'étaient pas systématiquement esclaves ou prisonniers, comme dans les peplums. Certains combattants étaient des hommes libres, professionnels de l’arène, payés pour ce faire : les auctorati.
Au premier siècle, l’amphithéâtre était un lieu de rencontre où se côtoyaient gladiateurs, chasseurs de bêtes sauvages et martyrs chrétiens. Découvrez un monde où l’histoire prend vie et où les combats de gladiateurs résonnent encore entre les pierres antiques.
Construit vers l’an 100 après Jésus-Christ, l’amphithéâtre de Nîmes, souvent appelé les « Arènes », est l’un des édifices les mieux préservés de l’Empire romain. Bien que le Colisée de Rome soit le plus grand amphithéâtre romain, celui de Nîmes se distingue par son état de conservation remarquable.
Tandis que les Romains ont utilisé le Colisée comme carrière de pierres durant le Moyen Âge, les habitants de Nîmes ont su protéger leur monument en le transformant en quartier résidentiel. Aujourd’hui, nous pouvons admirer la piste, une grande partie des gradins, les galeries intérieures et toutes les arcades de cet édifice.
Érigé dans l’ancienne cité de Nemausus, l’amphithéâtre de Nîmes symbolise la volonté de la ville de s’intégrer à la civilisation romaine. Avec sa symétrie parfaite, il illustre le haut niveau de maîtrise des architectes romains. Malgré ses dimensions impressionnantes et la magnificence de ses arcades, il comporte seulement trois éléments décoratifs : une louve nourrissant Romulus et Rémus, deux gladiateurs en duel et deux bustes de taureaux surmontant l’une des arcades.
À l’instar des autres grandes villes de l’Empire, Nîmes possédait une école de gladiateurs. Ces combattants volontaires s’affrontaient pour la gloire et les récompenses financières. Le nouvel espace de visite met en lumière leur quotidien à travers des équipements inspirés de ceux de l’époque. On peut également y admirer le « médaillon de Cavillargues », une pièce archéologique exceptionnelle exposée au musée de la Romanité, qui est l’un des plus beaux objets relatifs aux gladiateurs.
En 404, après l’interdiction des combats de gladiateurs, l’amphithéâtre est transformé en forteresse par les Wisigoths. Durant les Grandes Invasions, il devient un village fortifié où la population se réfugie régulièrement. Du Moyen Âge au XIXe siècle, il se transforme en un véritable quartier avec ses rues, boutiques et même une église. Ce n’est qu’au XIXe que l’amphithéâtre est dégagé, restauré et réhabilité.
En 1963, il est reconverti en arène. De nos jours, il accueille divers événements tels que des corridas, des courses camarguaises, des concerts et des reconstitutions historiques comme les Grands Jeux Romains. Le reste de l’année, ce monument historique est ouvert aux visiteurs.
Étranges termes que l’on retrouve dans le vocabulaire des Jeux du cirque, aux sonorités assez familières... Dans l’Antiquité romaine, les editores (du latin editor) jouaient en effet un rôle crucial dans l’organisation des combats de gladiateurs. Les jeux leur servaient d’outil politique : en finançant et en organisant ces spectacles, ils recherchaient la faveur du public, pour améliorer leur statut social et politique.
Les jeux étaient également un moyen de distraction hautement démagogique — avec cette célèbre phrase, panis ludique, du pain et des jeux. Par ces événements, on maintenait l’ordre, prévenait les troubles civils, abrutissait de violence et d’action le bon peuple de Rome et d’ailleurs.
Les éditeurs choisissaient et embauchaient les gladiateurs pour les combats. Ils les sélectionnaient parmi les écoles de gladiateurs (ludus) ou acheter des esclaves spécialement formés pour ces jeux. Conclusion, ils décidaient du type de combats qui allaient avoir lieu (combats individuels, combats de groupes, répliques de batailles célèbres, etc.) et de l’ordre d’apparition.
Mais l’événementiel implique logistique et financement : ainsi, l’éditeur était souvent un magistrat ou un citoyen riche qui finançait sur ses propres sesterces. Organiser des jeux somptueux était un moyen de montrer sa richesse et sa générosité, en jonglant avec les contraintes : l’infrastructure nécessaire, impliquant la préparation de l’amphithéâtre, la sécurité, la gestion des foules et l’approvisionnement en armes et en équipements pour les gladiateurs.
Lui incombaient également la promotion et la publicité : l’éditeur placardait ainsi des affiches publiques et des annonces pour attirer un grand nombre de spectateurs. Une foule acquise, des combattants de luxe et le tour était joué.
Enfin, au cours des affrontements, l’éditeur intervenait pour faire respecter les règles ou décider du sort des gladiateurs. Par exemple, il pouvait accorder la vie à un gladiateur vaincu si la foule le demandait, en suivant l’avis du public. Et en fin de parcours, il distribuait les prix et récompenses aux vainqueurs victorieux...
À l’époque de l’amphithéâtre de Nîmes, les gladiateurs sont le plus souvent des hommes libres engagés volontaires (auctorati). Le terme renvoie spécifiquement aux hommes libres engagés volontairement comme gladiateurs dans la Rome antique. Ils acceptaient de vendre leur liberté temporairement en échange d’une rémunération.
En s’engageant comme auctorati, ces hommes signaient un contrat qui leur imposait de combattre dans l’arène, souvent pour une durée déterminée. Ils pouvaient récupérer leur liberté une fois leur engagement terminé, s’ils survivaient aux combats. Prêts à ce sacrifice, ils subissaient un entraînement intensif au sein des écoles. Paradoxalement, ces hommes volontairement réduits au rang d’esclaves sont adulés par toutes les catégories sociales pour leur bravoure et leur adresse.
Lors des combats solennels (munera), la présence de deux arbitres est systématique. Ils garantissent des affrontements sans fraude ni collusion entre les combattants.
L’œil du lecteur attentif n’aura pas manqué le rôle de l’éditor dans la structure des Jeux du Cirque et la fonction de l’auctoratus — que l’on prendra garde à ne pas traduire par auteur. Auctor, le terme latin à l’origine du mot français auteur, partage pourtant bien une racine commune avec auctoratus : le verbe augere, augmenter ou faire croître.
Sauf que le premier désigne chez les Romains un créateur, instigateur ou garant dans divers contextes, y compris littéraire, juridique, et social. Ainsi, on nommerait auctor le fondateur d’une institution ou un législateur — et dans le domaine juridique, auctor désignait même une personne qui donne son assentiment ou garantit une transaction.
Le second, en revanche, n’a rien de commun avec la création de quoi que ce soit : pardon pour cette brève séquence étymologique, mais le gladiateur dit auctoratus découle du verbe auctoror (la forme passive de augere), soit donner ou prendre à loyer, engager. Il désigne donc celui qui s’est mis en gage, auprès de l’éditor, pour combattre dans l’amphithéâtre.
Il faudra donc bien attendre l’époque moderne pour que l’éditeur et l’auteur se retrouvent dans la même arène… et celle de la Rentrée littéraire ne manque pas de compétiteurs…
Crédits photos : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
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