Depuis qu'elle a été plongée dans la mer par son père, au large de Lorient, Anita Conti (1899- 1997) n'a plus jamais quitté l'océan. Elle a sillonné le monde entier en passant d'un navire à un autre, d'une mer à une autre. pour partager le quotidien des marins et livrer un témoignage unique de la vie à bord des chalutiers. Les Pêcheries, musée de Fécamp, lui consacre une vaste exposition.
Dans un univers où les femmes restaient à quai, elle s'est imposée autant par ses connaissances scientifiques que par son humanisme et ses facultés d'adaptation durant les campagnes d'observation et de pêche. En avance sur son temps, elle a dénoncé une exploitation irraisonnée des ressources de la mer à une époque où ces dernières semblaient inépuisables. Ses relevés scientifiques, ses photographies et ses films sont d'une actualité saisissante à l'heure des débats sur la surpêche.
Sa volonté de partager avec le plus grand nombre la richesse des fonds marins et son engagement dans la lutte contre le gaspillage et le pillage des océans l'ont guidée tout au long de sa vie. Par ailleurs, sa passion pour les livres et l'écriture l'a également conduite vers la reliure d'art, aussi bien que vers le journalisme, le récit de voyage et la poésie.
L'empreinte et l'héritage laissés par Anita Conti sont immenses et la reconnaissance qui lui est due n'est sans doute pas encore à la hauteur de ce qu'elle a accompli. Toutefois, dans le port de Fécamp, où elle a embarqué à de multiples reprises et dont elle a su décrire l'atmosphère si particulière, le souvenir d'Anita Conti est encore bien présent. Elle est en effet la seule femme à s'être s'intéressée aux Terre-Neuvas dans leur humanité, jusqu'à partager la rudesse de leur quotidien et la fierté qu'ils avaient de leur travail.
Depuis le 29 juin et jusqu'au 5 janvier 2025, on découvrira donc cette rétrospective, illustrée par le travail de Catel et José-Louis Bocquet, qui publieront à la rentrée une bande dessinée (Casterman), consacrée à l'océanographe.
Anita Conti, forte de son expérience à bord des bateaux de pêche, embarque sur l'un des plus grands morutiers d'Europe, le Bois Rosé de l'armement Les Pêcheries de Fécamp, sous le commandement d'Eugène Recher et avec soixante hommes à bord. Le « navire-usine » part en direction de Terre-Neuve, monte jusqu'aux limites des glaces du Groenland et charge dans ses filets plus de mille tonnes de morues.
À bord, elle est reconnue comme une scientifique de renom et remplit, officiellement, une mission d'étude sur la pêche. Durant près de cinq mois de campagne, elle documente, photographie, filme et tient un journal de bord. Jamais le quotidien des marins de la Grande Pêche n'avait été décrit avec autant de précision. Un contrat passé avec son éditeur avant d'embarquer la conduit à écrire le récit de son voyage, qui aboutit à la parution de Racleurs d'océans (Gallimard, 1953).
Anita Conti, qui pratique la photographie depuis son adolescence, possède un sens de l' image exceptionnel, notamment du cadrage et de la composition, ce qui lui permet de saisir des portraits ou des scènes pleines d'émotions, de sensibilité et de vie. Privilégiant le moyen format carré 6x6, qui offre des possibilités d'agrandissement, elle utilise, jusque dans les années 1950, un Rolleiflex.
Puis, à bord du Bois Rosé, dès 1952, Anita Conti embarque également un appareil photo reflex 24x36 et une caméra Paillard trois tourelles 16mm. Jouant dans les agrès telle une acrobate ou s'accrochant parfois aux cordages, Anita Conti n'hésite pas à prendre de la hauteur et des angles différents pour témoigner le plus fidèlement possible de la vie à bord. Elle a rassemblé, au cours de ses nombreuses missions photographiques et documentaires, environ 35.000 images, actuellement conservées aux Archives municipales de Lorient.
Considérée comme la première femme océanographe française, autodidacte, Anita Conti s' emploie à étudier et à comprendre un monde océanique qui la passionne depuis sa petite enfance. Sa sensibilité à l'égard des espèces marines, autant que ses connaissances scientifiques, la guident tout au long de sa vie avec un même objectif : documenter pour informer et avertir.
Anita Conti conjugue les connaissances des scientifiques et l'expérience des professionnels, si bien qu'elle est respectée des marins. Elle partage leur quotidien pour restituer le plus fidèlement possible les conditions de vie à bord, sur le pont comme dans le carré des officiers.
La dureté du labeur de ces « gars bottés de caoutchouc, bardés de nylon, armés d' acier chromé » est impressionnante : les hommes ouvrent inlassablement les poissons, les tranchent, les étripent, les salent. Dans les parcs à poissons, le rythme est soutenu, les tâches définies et les travées séparées. Les gestes sont effectués à la chaîne selon un programme de travail impitoyable pour obtenir le meilleur rendement possible.
Avec ses photographies et ses films, Anita Conti a su capter aussi bien la violence du travail du poisson à bord des chalutiers, que le sentiment d'orgueil et de fierté de l'équipage.
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 08/09/2021
48 pages
Bayard jeunesse
6,90 €
Paru le 28/06/2024
144 pages
Editions des Falaises
24,00 €
Paru le 31/05/2024
80 pages
Locus Solus
25,00 €
Paru le 15/05/2024
208 pages
Payot
9,00 €
Paru le 04/03/2020
56 pages
Soleil Productions
15,95 €
Commenter cet article