Dans son rapport 2023-2024 sur les chiffres de l’édition en France et à l’international, le Syndicat national de l'édition est formel : « Le secteur de l'édition française affiche un dynamisme réel sur la scène internationale, indiquant une attention renouvelée pour la production française. » L'activité internationale des maisons d'édition françaises est en hausse de 3,4 % par rapport à 2022, mais que recouvre exactement ce chiffre ?
Le 17/07/2024 à 15:45 par Hocine Bouhadjera
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17/07/2024 à 15:45
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Les chiffres de l’édition en 2023, qui agrègent les données d’une enquête réalisée auprès d’un échantillon d’environ 150 maisons, représentant près de 500 marques éditoriales, permettent, entre autres, de dresser un panorama des échanges de droits à l'international.
Les indicateurs étudiés incluent l'évolution du nombre de cessions et de coéditions, les droits mondiaux et numériques, la proportion des cessions dans l'activité totale des maisons d'édition, et la répartition de ces cessions et coéditions par catégorie éditoriale, langue et pays.
Néanmoins, les coéditions, principalement liées aux livres illustrés, sont examinées séparément en termes de catégories éditoriales et financières, du fait de la complexité à séparer les coûts de fabrication des droits cédés.
En 2023, la cession de droits et les coéditions ont respectivement connu une hausse de 1,7 % (totalisant 12.467 contrats) et 13,7 % (2181 contrats) par rapport à 2022. Une croissance qui intervient après une légère baisse en 2022. Et ce, révèle l'étude, malgré des discussions informelles avec les responsables de droits qui laissaient entrevoir une réticence croissante des éditeurs internationaux, des délais prolongés dans la signature des contrats et une moindre appétence mondiale pour la littérature traduite, principalement pour des raisons économiques.
À noter, la continuation de la baisse des contrats avec la Chine, qui a longtemps été le principal partenaire de la France à l'échelle internationale.
La dynamique positive du marché du livre est principalement portée par la littérature jeunesse et la bande dessinée, qui constituent 55 % des contrats hors coéditions.
En outre, les soutiens actifs de l'Institut français et du Bureau international de l'édition, qui participent activement à la promotion internationale des auteurs par des événements et des tournées de traduction. Sans oublier non plus les programmes d’extraduction (destinés à promouvoir les traductions en langues étrangères) et d’intraduction (soutien aux traductions vers le français) du Centre national du livre, qui encouragent les collaborations éditoriales, bénéficiant d'un soutien constant des pouvoirs publics, ce qui garantit une visibilité mondiale méritée pour les auteurs.
L’Europe continue de jouer un rôle crucial dans les échanges culturels. L’Italie (1008 contrats de cessions + 404 contrats de coéditions), suivie de l’Espagne (974 + 386) et de l’Allemagne (852 + 161), forment toujours le trio de tête des échanges du français vers d’autres langues. Il convient également de souligner les bonnes performances des cessions en langue portugaise (618 + 132 coéditions) et en langue néerlandaise (669 + 37 coéditions). Les cessions en langue anglaise restent une préoccupation majeure pour les éditeurs français, avec un total de 738 contrats de cessions (+ 193 coéditions), marquant une augmentation de 45 contrats par rapport à 2022.
Pour les marchés plus éloignés, les contrats en langue arabe montrent une progression notable (215 contrats de cessions contre 181 en 2022), résultat de plusieurs années de développement de programmes par le BIEF et l’Institut français. En cette année de Sommet de la Francophonie et avec une attention renouvelée des acteurs de la chaîne du livre française, une légère augmentation des contrats de cession du français vers le français a été observée (205 contrats de cessions contre 145 en 2022).
Plus globalement, presque la moitié des contrats de cession de droits concernent des droits mondiaux, une proportion stable par rapport à 2022.
Depuis deux ans, les contrats de cessions et de coéditions en langue chinoise (1383 + 57 coéditions) se classent au deuxième rang, après avoir dominé pendant plus d’une décennie. La célébration du 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine, ainsi que la participation des éditeurs français aux foires de Pékin et de Shanghai, après près de cinq ans sans rencontres en personne, devraient aider à dynamiser les échanges franco-chinois.
La cession de droits numériques de traduction reste stable, représentant 26,4% des cessions, tandis que les contrats négociés séparément pour ces droits demeurent peu fréquents, à 1,2%. Ces derniers se présentent généralement comme des avenants à des contrats plus anciens qui étaient initialement limités au papier.
Les cessions de droits étrangers forment une source de revenus complémentaire pour les maisons d'édition, contribuant entre 3 à 5 % à leur chiffre d'affaires. Les coéditions, bien que leur impact financier soit plus complexe à évaluer en raison des coûts de fabrication, peuvent représenter jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires d'une maison ou d'un département éditorial. Les droits cédés et les coéditions jouent un rôle crucial dans l'équilibre financier des éditeurs, les coéditions aidant notamment à amortir les coûts de production des livres illustrés.
La production éditoriale française brille à l'international par l'entremise de trois catégories, qui représentent 72,2 % des droits cédés, une proportion stable comparée aux années précédentes : la bande dessinée reste en tête pour la quatrième année consécutive, totalisant 3852 cessions en 2023, suivie des catégories jeunesse avec 3059 cessions, et fiction.
La bande dessinée pèse pour 30,9 % des cessions, tandis que la catégorie jeunesse en représente 24,5 %. Le nombre élevé de cessions est influencé par les séries importantes dans la jeunesse et les multiples tomes dans la BD. Les cessions dans les catégories fiction, ainsi que sciences humaines et sociales (1202 titres cédés), et actualité, essais et documents (878 titres) représentent ensemble 33,4 % du total. Les livres pratiques représentent 6,3 % des titres cédés.
Concernant les coéditions, celles-ci sont particulièrement fréquentes dans la catégorie jeunesse, qui représente presque 86 % du volume total des coéditions. Ces partenariats sont majoritairement conclus avec des pays européens, tels que l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, ainsi que le Portugal, la Grèce, la République tchèque et le Danemark. Le nombre de coéditions avec des éditeurs anglo-saxons s'élève à 193 en 2023.
L'espagnol domine pour la deuxième année consécutive comme principale langue de traduction des ouvrages français, représentant 11 % du total des contrats, tant en cession qu'en coédition, suivi par le chinois. En incluant les langues italienne, allemande, anglaise et polonaise, ces six langues cumulent plus de la moitié des contrats conclus.
En 2023, le chinois prédomine pour les cessions dans les catégories jeunesse et livres d'art. Alors que le marché germanophone était auparavant réceptif aux titres de bande dessinée française, il est cette année supplanté par le polonais. Les titres en sciences humaines et sociales, ainsi que ceux des catégories Actualité, Essais & Documents, Religion et Ésotérisme, sont particulièrement bien accueillis en espagnol. La Belgique marque son entrée comme principal acquéreur de titres pratiques traduits en néerlandais.
En 2023, le nombre de titres traduits en français cette fois, a augmenté de 9,7%, atteignant 12.275 titres, contre 11.185 en 2022. Cette croissance est en accord avec l'augmentation de 5,8 % des ouvrages catalogués et référencés dans les produits bibliographiques de la Bibliothèque nationale de France (BnF). La part des titres traduits par rapport au total des titres reçus au dépôt légal, s'établit à 15,8 % en 2023, un niveau stable comparé aux années précédentes (15,3 % en 2022 et 15,9 % en 2021).
L'anglais reste la langue la plus fréquemment traduite vers le français avec 7453 titres, représentant 60,7 % du total des traductions, une augmentation de deux points par rapport à 2022. Le japonais suit avec 1960 titres, soit 16 % des traductions, marquant une légère baisse due à un ralentissement du phénomène manga. L'italien et l'allemand comptent chacun environ 4,5 % des traductions avec 553 et 551 titres respectivement, et l'espagnol avec 447 titres (3,6 %). Ces cinq langues constituent 89,3 % des traductions.
Les trois segments éditoriaux les plus traduits sont les romans et fictions romanesques (3631 titres ou 30 % des traductions), la bande dessinée (2895 titres ou 24 %), et la littérature jeunesse (1233 titres ou 10 %), représentant ensemble 63 % des traductions. Les biographies et la généalogie suivent, avec 5 % du total.
Dans le segment des romans et fictions romanesques, 75 % des œuvres traduites sont de l'anglais (2735 titres). Pour la bande dessinée, 92 % des traductions proviennent du japonais (1770 titres ou 61 %) et de l'anglais (898 titres ou 31 %). La littérature jeunesse voit 77 % de ses traductions (955 titres) provenir de l'anglais.
En 2023, le chiffre d’affaires des exportations de livres français a légèrement augmenté de 2,1 %, atteignant 709 millions €. Ce chiffre représente une reprise notable après la baisse historique en 2020 où les ventes internationales n'avaient pas bénéficié du même engouement que celles en France, chutant à 602,5 millions €. Par rapport à 2019, considérée comme l'année de référence pré-Covid, les exportations en 2023 ont dépassé ce niveau de 6,3 % (il était alors de 666,8 millions €).
Cette augmentation de 2,1 % est significative pour un secteur considéré comme mature, et est même légèrement supérieure à la croissance du chiffre d'affaires net total de l'édition française qui est de +1,2 % à 2,7 milliards €. Le rapport du chiffre d'affaires export sur le total a augmenté de 0,2 point, passant de 18,8 % en 2022 à 19 % en 2023.
Les données douanières, qui catégorisent les exportations en quatre segments : livres, encyclopédies, feuillets et cartes-images-atlas, montrent une hausse de 2 % pour les livres. Cependant, les encyclopédies ont vu une baisse de 6,6 %, tandis que les feuillets et les cartes-images-atlas ont augmenté respectivement de 5,6 % et 4,1 %. Les chiffres de 2023 ont nécessité d'importants retraitements suite aux ajustements des données douanières françaises, influencés par des transferts opportunistes par Amazon et l'utilisation de la France comme plateforme d'entrée dans l'UE post-Brexit, nécessitant un ajustement à la baisse de 220 millions €.
Les importations de livres ont diminué de 4,8 % à 962,5 millions € par rapport à 2022, mais ont augmenté de 9,9 % par rapport à 2021. Les importations en provenance d'Asie ont baissé de 12,9 % à 135 millions €. Le déficit commercial du livre s’est amélioré, passant de 317,3 millions € en 2022 à 253,6 millions € en 2023, une baisse de 20 %.
À l’export, la part des marchés francophones a légèrement diminué, tandis que celle des pays non francophones est restée stable à 28,1 %. Les principales variations à l’export incluent une stabilité des importations des quatre premiers pays clients francophones, et une difficulté pour les principaux marchés européens non francophones à retrouver les niveaux d’achat pré-Covid, restant 10 % en dessous de la moyenne 2015-2020.
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Le Liban a connu une forte baisse de ses importations, et l'Amérique Latine a dépassé les niveaux de 2019 grâce à une forte reprise au Mexique, tandis que le Maghreb a rattrapé son retard par rapport à 2019. Les perspectives pour 2024 montrent une baisse de 3,2 % des exportations jusqu’à avril, mais cette baisse pourrait être compensée par la suite, notamment grâce à une reprise en Amérique Latine, si elle se confirme.
Crédits photo : Curtis Cronn (CC BY-NC-ND 2.0)
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
1 Commentaire
Toinou
18/07/2024 à 09:20
Vu de Suisse, les bons résultats des exportations ne sont pas étonnant. Le prix des livres français en Suisse (déterminé par des diffuseurs contrôlés par les grands groupes d'édition français) sont toujours aussi délirants. Les libraires suisses n'y peuvent rien mais ce sont eux qui subissent les conséquences.