Si l’on dit souvent qu’il suffit de se tourner vers les Etats-Unis pour connaître notre avenir, au moins sur le plan économique, il peut être intéressant de regarder du côté du marché du colis outre-Atlantique. En effet, les chiffres qui nous parviennent sont certainement assez éclairants sur les tendances du marché.
Le 15/07/2024 à 14:09 par Victor De Sepausy
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15/07/2024 à 14:09
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Après l’épisode de pandémie mondiale, de nombreux acteurs du commerce pensaient qu’on entrait dans une ère nouvelle, et qu’il en était fini des centres commerciaux gigantesques et anonymes. Chacun préfèrerait rester chez soi, attendant bien tranquillement le livreur, après avoir fait ses emplettes directement sur Internet, tranquillement allongé sur son canapé. Pourtant, ces prévisions ne se sont pas véritablement réalisées.
Entre retour du commerce de proximité et explosion du marché du colis
Heureusement, pouvons-nous dire, car, à côté des grands centres commerciaux, c’était surtout le petit commerce de proximité qui avait aussi de bonnes raisons pour s’inquiéter. Les librairies, pleinement actrices du maillage de culturel, s’interrogeaient sur la tournure que prendrait la suite des événements. Mais, les Français, comme les habi-tants des autres pays, ont petit à petit repris le chemin des magasins physiques, à la recherche d’interactions so-ciales, de conseils avisés et de situations leur offrant des surprises, les poussant à des achats coup de cœur, dans la spontanéité d’une découverte.
Cependant, si l’on se tourne vers les chiffres. Ils peuvent aussi faire un peu froid dans le dos. En effet, aux Etats-Unis, on a livré quelques vingt milliards de colis en 2020, soit une hausse de 37 % par rapport à 2019, et deux fois plus, en volume, qu’en 2015. En valeur, sur 2020, on était à 171 milliards de dollars. Avec les outils de tracking qui continuent de se développer pour suivre chaque colis envoyé, la sécurisation des envois est de plus en plus maximale, ce qui rassure expéditeurs et clients. Et, si l’on écoute les experts du marché du colis, on s’attend à ce que ces chiffres doublent d’ici à 2026. C’est notamment ce que prévoit Pitney Bowes, entreprise américaine spé-cialisée dans la gestion de solutions pour les envois postaux. Pour ce qui est du marché en valeur, Certains prévi-sionnistes annoncent 239 milliards pour 2030.
Des géants et des services qui tirent leur épingle du jeu
Quand on regarde du côté des acteurs du commerce électronique qui se partagent le marché, c’est, bien sûr, tou-jours Amazon qui règne en maître incontesté, avec presque 38 % du marché, ce qui est énorme. Et cela laisse bien loin la concurrence : ainsi Walmart tourne à un peu plus de 6 % quand eBay fait 3,5 % et Apple 3,9 %. Mais, chiffre éclairant, au pays de l’oncle Sam, on reste à 70 % des achats qui se font dans des commerces physiques.
Si l’on se tourne du côté de l’Hexagone, en ce qui concerne le commerce en ligne, on a pu remarquer une légère baisse en matière de ventes de produits depuis l’épisode de la pandémie. En revanche, le panier moyen continue d’augmenter un petit peu. Mais ce sont les ventes de services qui s’affichent en forte progression sur Internet. Ce sont là les effets des différents abonnements que les Français souscrivent de plus en plus massivement, notam-ment pour accéder à des contenus culturels (musique, jeux vidéo, films et séries…).
Le livre audio, l’exemple du développement des services en ligne
C’est dans ce cadre que le marché du livre audio tire aussi son épingle du jeu. S’il représente aujourd’hui 20 % du marché du livre aux Etats-Unis, les chiffres, côté français, montrent une augmentation récurrente depuis 2020. Les avancées sont cependant plus discrètes en France, avec une hausse de 11 % par exemple entre 2019 et 2022. Mais les prévisions de hausse sont importantes, notamment en lien avec l’augmentation de l’offre. On évoque une montée à 100 000 titres en français pour ce qui est du catalogue d’Audible (qui appartient à Amazon) par exemple pour 2025.
Si Audible détient plus de la moitié du marché des livres audio aux Etats-Unis, en France, le secteur apparait en-core en concurrence, notamment avec l’offre proposée par Spotify, et un catalogue de 150 000 titres (toutes langues confondues). Ce dernier acteur peut mettre à profit son important fichier client pour leur donner à écouter toute une gamme de livres.
Cependant, il faut tenir compte du fait que le livre audio est encore un marché balbutiant. Quand un best-seller peut s’écouler à des centaines de milliers d’exemplaires, le même cas pour un livre au-dio donne lieu à moins de cinq mille commandes… Si l’on se tourne encore vers les Etats-Unis pour lire notre avenir, cela voudrait dire qu’il existe une bonne marge de progression pour le livre audio, mais aussi pour le livre numérique.
Le livre physique aux Etats-Unis
Si l’on regarde vers les ventes de livres physiques aux Etats-Unis, il faut déjà garder à l’esprit le rôle prédominant d’Amazon en la matière : cette société écoule plus de la moitié des titres, et même 90 % des livres imprimés vendus sur Internet, 80 % des livres numériques et 92 % des livres autoédités… Difficile de faire face à un tel rouleau compresseur. Une des stratégies développées par les maisons d’édition aux Etats-Unis est de vendre directement des livres sur leur propre site, et ce type de ventes est en augmentation de plus de 10 %, selon les derniers chiffres présentés en 2023 par le Bureau International de l’Edition Française.
Avec l’inflation, la vente des livres en grand format, les hardcovers, s’inscrit en baisse, au point que le format poche passe devant, avec 60 % des exemplaires vendus. Mais les librairies indépendantes ont du mal à trouver une place aux Etats-Unis. S’il en existe autour de 3700 en France, il faut garder à l’esprit que le pays de l’oncle Sam en compte beaucoup moins, autour de 2500… pour un pays de plus de 333 millions d’habitants. C’est dire l’écart.
Quelles perspectives dans l’évolution des usages ?
Il est encore difficile de faire des prévisions véritablement fiables pour les années à venir. Beaucoup se sont trompés par exemple à la fin des années 2000, en prévoyant ainsi une explosion du livre numérique. Or, il ne s’est jamais produit pour le livre ce qui a pu se passer pour la musique et pour d’autres objets culturels, comme les films et les jeux vidéo.
Même aux Etats-Unis, le marché du livre numérique reste bien au-dessous de ce qu’il peut représenter pour la musique ou les jeux vidéo. Il faut dire que ce qui s’est produit pour la musique, avec une période de piratage massif, avant une restructuration de la filière autour d’un modèle en streaming, a poussé les autres sec-teurs culturels à redoubler de vigilance dans les modalités de la transition à mettre en œuvre.
Et puis, tout simplement, si écouter une musique à partir d’un CD, d’un MP3 ou d’un site de streaming ne change pas grand-chose pour l’utilisateur, si ce n’est un gain de facilité d’accès non négligeable à la musique (avec, en contrepartie, souvent une perte de qualité sonore), pour le livre, il se joue autre chose. En changeant de support, le rapport au livre est différent. On retrouve bien un même gain de praticité : on peut emporter sa bibliothèque avec soi, l’avoir toujours à disposition.
Mais, la façon dont on lit n’est pas tout à fait la même. En tout cas, les lecteurs actuels ne la considèrent pas encore comme équivalente. On doit se retrouver face à un écran (encore un et pen-dant des heures) au lieu de pages de papier à tourner, alors que pour l’écoute de la musique, cela ne change rien : elle nous parvient toujours aux oreilles… sans qu’on ait à garder un écran sous les yeux.
Quant au livre audio, il n’induit, là encore, pas le même rapport au livre. Ce n’est pas pareil de lire un livre ou de l’écouter. Plusieurs études montrent que l’on ne se positionne pas de la même façon par rapport au contenu ainsi reçu. Il maquerait un certain recul critique lorsqu’on écoute un livre. Il nous marquerait moins, finalement aussi que si on le lit avec les yeux. En contrepartie, cependant, on peut écouter un livre dans des situations où l’on ne pourrait pas en lire un : il en va ainsi lorsqu’on conduit par exemple, ce qui est un atout considérable pour le livre audio.
Crédits illustration Pexels CC 0
Par Victor De Sepausy
Contact : vds@actualitte.com
5 Commentaires
marry
16/07/2024 à 12:31
Bonjour, je ne souhaite pas commenter l'article, mais le titre. Peut-être est-ce un avant goût de la "simplification" de la langue française ce f en moins à chiffre. 😁😉
Cordialement
Victor de Sepausy
16/07/2024 à 12:46
Bonjour Marry,
Je vous remercie pour votre vigilance. C'est corrigé.
C'est une regrettable faute de frappe.
Cordialement,
Victor de Sepausy
marry
16/07/2024 à 21:12
Je m'en doutais un peu. Cela m'arrive aussi. 😌
Daniel
16/07/2024 à 23:23
Sauf erreur de ma part, l’offre de livres audio de Audible n’est pas encore concurrencée en France par Spotify, comme c’est le cas aux USA et au Canada. Les livres audio ne sont en effet pas encore inclus dans l’offre premium proposée en France, contrairement à ce que laisse entendre votre article. Si je me trompe, veuillez m’excuser de cette remarque.
Victor de Sepausy (ActuaLitté)
17/07/2024 à 14:10
Bonjour
L'offre de Spotify en France intègre bel et bien des audiolivres avec Premium.