Philip K. Dick, comme tous les illuminés, est un paranoïaque. Un héritage congénital certainement, mais aussi beaucoup de drogues, des amphétamines pour travailler, du LSD et autres acides avec ses amis, années 70 obligent.
Dans Substance mort (trad. Robert Louit), le maître à l’ouest s’appuie sur une vague histoire de flic infiltré dans un futur proche pour mettre en scène avec génie les gros drogués du quotidien. Des cas : Jerry Fabin, Charles Freck, ou encore Bob Arctor; Ernie Luckman, Donna…. L'évolution de cette perte du contact avec le “réel” est parfaitement déroulée, et l’écrivain joue habilement sur cette fluidité entre illusion et réalité pour égarer le lecteur.
Dick parle de lui et ses amis : « L’abus des drogues n’est pas une maladie ; c’est une décision, au même titre que la décision de traverser la rue devant une voiture lancée à vive allure. » Il se borne à représenter les conséquences. Il nous confie à la fin : « Pendant que j’écrivais ce livre, j’ai appris que la personne qui servit de modèle à Jerry Fabin s’était tuée. Celui de mes amis que j’ai utilisé pour construire le personnage d’Ernie Luckman était mort avant que j’entreprenne mon roman. »
Réflexion sur la dépendance, la perception… Comme toujours chez le philosophe Dick. Exploration de la nature fragmentée de l'identité, et la manière dont la réalité est distordue par des forces autant extérieures qu'intérieures. L’auteur de science-fiction ne croit pas au seul donné, l’étrangeté au monde est dans son expérience palpable… Il y a un recto et un verso, les deux hémisphères du cerveau, et que se passe-t-il quand les deux se scindent, intervertissent, se rejoignent…
Le bout de cette aventure des limites sera sa Trilogie divine, où on ne sait plus qui parle…
Publiée le
16/08/2023 à 13:07
Paru le 11/10/2000
396 pages
Editions Gallimard
9,40 €
4 Commentaires
Jérôme Stridon
16/08/2023 à 15:23
Tiens, Philip K. Dick écrivait en français ?
#LesTraducteursExistent
Hocine Bouhadjera
16/08/2023 à 15:40
Bonjour,
Merci pour votre commentaire, l'information a été ajoutée grâce à vous.
Jean
16/08/2023 à 16:42
Merci et Bravo pour cette chronique. Il y a plusieurs années que j'ai lu Substance mort, et relu au moins deux fois depuis, dont une en VO*.
Je ne saurais mieux dire pour donner l'idée de ce texte démonstration sans perdre le potentiel lecteur dans la richesse des méandres... Bravo et Merci !
*J'ai également souvenir d'une version en film d'animation très réussie et fidèle.
Laetitia Pacareau
17/08/2023 à 19:40
WTF Hocine ? N'importe quoi !