#RDVBDAmiens2023 – Les groupes scolaires découvrent et s’approprient en cette journée du 2 juin la Halle Freyssinet, mais les officiels avaient rendez-vous avec le sculpteur Pierre Matter et l’auteur François Schuiten. La maquette d’un projet tentaculaire et hybride — si, si… — était dévoilée ce matin : le Nauti-poulpe. Une conception au croisement du Kraken et du Nautilus a autant de ventouses que d’imbrication : urbanisme, modernité, littérature, patrimoine…
Le 02/06/2023 à 14:58 par Nicolas Gary
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02/06/2023 à 14:58
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Le projet, déjà présenté dans nos colonnes, a été conçu pour que « les Amiénois se l’approprient », indique Alain Gest, président d'Amiens Métropole, durant cette inauguration. Près de six années de collaboration entre François Schuiten et Pierre Matter, un projet avorté — maudits bambous ! — et voici que le Nauti-poulpe émerge. « Il surgira des tréfonds d’Amiens, mélange hybride où se confondent le Kraken, cette créature de l’imaginaire marin, et le Nautilus, formidable sous-marin qu’a inventé Jules Verne », reprend François Schuiten.
À LIRE : Le “Nauti-poulpe”, créature hybride en hommage à Jules Verne
Nauti-poulpe : rien que le nom m’amuse, dirait Coluche. Sauf que les tentacules révèlent « une vision du futur : dans cette hybridité, c’est le rapport entre homme, machine, intelligence artificielle et monde animal qui se dessine », reprend-il.
Pierre Matter évoque lui une élaboration qui prend en compte l’évolution les matériaux avec le temps, pensée « comme si la sculpture avait été fabriquée au XIXe siècle ». Cette maquette préfigure le modèle définitif, aux dimensions hors norme : les représentations ne laissent aucun doute.
La version définitive sera composée d’une centaine de pièces, pensées pour simplifier leur déplacement. C’est qu’avant de se fixer définitivement à Amiens, la Nauti-poulpe doit voyager à Bruxelles. « Une fois à Amiens, il sera soudé et ne bougera plus. Nous avons prévu des lumières pour un éclairage nocturne qui lui conférera toute sa splendeur », ajoute le sculpteur.
Ce bronze monumental, d’une hauteur de 6 m et d’un poids estimé à 12 tonnes, prendra la forme d’un animal marin évoquant à la fois le Nautilus et le poulpe dont l’étrangeté fascinait Jules Verne. Dépourvu de squelette, au corps entièrement souple, il montre pourtant des capacités hors du commun, de mémorisation, d’apprentissage, d’orientation et d’adaptation à son environnement.
Le bronze est un matériau noble qui se rapproche de la matière vivante. Il se patine et s’anoblit avec le temps et l’eau. Une commande publique d’une telle dimension se fait rare chez les fondeurs d’art. Sa réalisation soutient un savoir-faire et des techniques millénaires (moulage au sable ou cire perdue).
L’utilisation de matériaux d’origine industrielle et le monde animal est au cœur du travail de sculpture de Pierre Matter, auteur d’œuvres de grandes dimensions. Alliant la nature et la civilisation technique, ses méca-animaux traduisent l’imbrication entre le monde animal et les machines (biomorphisme, biomimétisme...) Ils reflètent l’inquiétude de la monstruosité toujours possible, mais dégagent un sentiment de puissance que semble offrir la technologie moderne.
L’animal, s’échappant de la bambouseraie, émergera finalement dans un morceau de la ville en mutation, au cœur des nouveaux espaces publics à venir face à la Halle Freyssinet. Le choix de ce site se conforme à la charnière des parcours entre le centre-ville et les Hortillonnages, entre les voies ferrées et le fleuve Somme.
Le Nauti-Poulpe s’établira au point le plus haut d’une promenade qui descendra, en terrasses et balcons, vers le Parc Nisso Pelossof et le fleuve, renforçant ainsi l’effet de surgissement recherché. Tout porte à croire que l’animal aura ainsi remonté le fleuve, amenant un morceau de l’imaginaire des mers jusqu’au monde ferroviaire.
Le compagnonnage du Nauti-Poulpe avec la Halle Freyssinet, chef-d’œuvre industriel de béton, fait sens à plusieurs égards. Ancienne halle de transbordement de marchandises entre le rail et la route, à l’écriture architecturale typique de l’entre-deux-guerres, les RDV de la Bande Dessinée y ont élu résidence depuis 2018, permettant à la Ville d’Amiens de se réclamer comme une ville de la bande dessinée. Cette singularité est support aux nouvelles métamorphoses urbaines à venir. Le devenir de la Halle s’envisage en lien étroit avec l’émergence de son voisin, le Pôle des Images et de la Création (PIC).
« Le temps anoblit les projets. Il est nécessaire pour confirmer les intentions et intuitions. »
– François Schuiten
Le basculement du récit à la fiction s’est naturellement imposé. François Schuiten a imaginé avec son comparse Benoit Peeters, un futur tome des Cités Obscures, intitulé Le retour mystérieux du capitaine Nemo, pour raconter le voyage du Nauti-Poulpe jusqu’à Amiens. Il paraîtra à l’automne 2023. François Schuiten connait bien la ville d’Amiens et Jules Verne, dont l’univers l’inspire depuis toujours. Il a eu l’honneur de réaliser les illustrations du roman perdu Paris au XXe siècle.
Depuis les années 1980, une étroite relation le lie, par ailleurs, à la ville d’élection de Jules Verne. Il a participé à la rénovation de la Maison de Jules Verne, en concevant la sphère armillaire et la fresque en trompe-l’œil, évocations des Voyages Extraordinaires. Il était de retour à Amiens, en 2005, avec Benoit Peeters pour une exposition majeure dans le Cirque Municipal : « Voyage en Utopie », et en 2019, dans la Halle Freyssinet lors de la parution d’une nouvelle aventure de Blake et Mortimer, Le dernier pharaon. Déjà des liens étaient tissés avec Bruxelles où se déroulait l’intrigue.
Une fois la fonderie retenue en juin 2023, 18 mois de fabrication seront nécessaires pour donner vie au Nauti-Poulpe, en vue de son installation à Amiens le 24 mars 2025, date du 120e anniversaire de la disparition de Jules Verne. Le voyage du Nauti-Poulpe devrait commencer par une étape à Bruxelles devant le majestueux Palais de Justice, de décembre 2024 à février 2025.
Le surgissement du Nauti-Poulpe, projet spectaculaire, est né de la convergence de plusieurs initiatives : la volonté de Brigitte Fouré, maire d’Amiens, et d’Alain Gest, président d’Amiens Métropole, d’évoquer dans la ville avec force, l’imaginaire de Jules Verne, illustre Amiénois. En 2018, la SPL Vallée idéale développement a retenu une équipe de concepteurs pluridisciplinaires pour imaginer une œuvre polymorphe sur la place Alphonse Fiquet, dite place de la gare.
Cette dernière s’anime aujourd’hui avec une bambouseraie géante et des Voyages Lumineux, œuvre de vidéo-mapping animant les gravures originelles de Jules Verne et sublimée par une composition sonore de Bruno Letort. De l’imaginaire fertile de François Schuiten et Pierre Matter a surgi divers objets ayant permis d’aboutir à l’incarnation de l’Octopus qui devait être la pièce maîtresse de ce tableau.
Après bien des échanges et allers — retours conciliant des contraintes urbaines et architecturales, artistiques, techniques, des tests grandeur nature, l’Octopus, devenu le Nauti-Poulpe, a finalement trouvé un autre lieu dans le quartier Gare la Vallée...
La maquette du Nauti-Poulpe sera à découvrir durant tout le moins de juin à la Halle Freyssinet.
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
3 Commentaires
Kiri
02/06/2023 à 17:01
"Surgira des tréfonds d'Amiens une bien étrange créature"
Qué s’appelerio Macron ?
désolé, j'ai pas pu résister :)
Marie
06/06/2023 à 09:33
Pourquoi pas Trogneux-Macron?
jujube
03/06/2023 à 17:45
C'est grand et ça fait peur.
Quant au bronze, attention: au prix qu'il a, faudra se méfier des pillards!