L’Union internationale des éditeurs (International Publishers Association/IPA) décerne le Prix Voltaire à l’éditeur irakien Mazin Lateef, porté disparu depuis janvier 2020. L’auteur et poète ukrainien Volodymyr Vakulenko reçoit également, à titre posthume, le Prix Spécial. La cérémonie de remise des récompenses rend honneur à leur courage face à la censure, la pression et les menaces perpétrées par certains États.
L’IPA, basée à Genève, avait lancé son appel à candidatures le 10 janvier. L’association acceptait alors tous les dossiers d’individu, de groupe et d’organisation qui subissent les violences de la censure en raison de leurs écrits. Le Prix Voltaire récompense également les éditeurs qui œuvrent depuis plusieurs années pour la liberté d’expression et de publication.
La cérémonie s’est déroulée au Forum mondial de l’expression (World Expression Forum) à Lillehammer, en Norvège. Celle-ci a mis en lumière les ravages de la répression politique. Rasha Al Ameer, qui a remporté le Prix Voltaire 2021, était présente, ainsi que Abdulmoahimen Mazin Lateef le fils du lauréat.
Au travers d’une allocation vidéo, il a accepté le prix à la place de son paternel disparu. Il déclare : « Jamais je n’aurais imaginé qu’un jour je me tiendrais dans un endroit aussi distingué pour parler de mon père, qui occupait toujours l’espace de ses conversations sur la culture et la pensée. Malheureusement, sa voix a été étouffée, et son péché était sa passion pour la liberté de pensée et son désir, par l’intermédiaire de sa maison d’édition, de présenter aux lecteurs tout ce qui avait trait aux fondements culturels de l’Iraq. »
Et d’ajouter : « Je vous remercie tous sincèrement d’avoir reconnu Mazin Lateef. Son esprit est présent parmi nous en ce moment même, nous exhortant à trouver la paix, en connaissant son destin avec certitude. Ce n’est pas faire preuve d’humanité que de priver une famille de se recueillir sur la tombe de son père. »
Mazen Lateef a commencé à commercialiser des livres dans la rue Al-Mutanabi, alors qu’il était étudiant à Bagdad (Irak). Il a ensuite fondé Dar Mesopotamia for Printing, Publishing, and Distribution en 2007. Il s’est forgé une réputation de membre éminent et très apprécié de la communauté culturelle irakienne. Lateef a publié divers livres : nombre d’entre eux portent sur les communautés et les personnes juives d’Irak. Le 31 janvier 2020, il a été enlevé sous la menace d’une arme et n’a plus donné signe de vie depuis.
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Volodymyr Vakulenko, lauréat du Prix Spécial, a écrit 13 ouvrages (poésie, littérature jeunesse, patrimoine régional...). Il a également remporté plusieurs distinctions littéraires ukrainiennes et internationales. Cette plume était connue pour ses positions patriotiques fortes, son soutien actif à la révolution de la Dignité de 2014 et son aide à l’armée ukrainienne dans la région de Kharkiv depuis le début de la guerre.
Il a été arrêté à deux reprises après l’invasion russe de l’Ukraine. La deuxième fois, il n’a pas été libéré. Son corps a été retrouvé dans l’un des charniers d’Izium.
Victoria Amelina, autrice ukrainienne et chercheuse sur les crimes de guerre, a accepté le Prix en son nom. Elle affirme : « La communauté littéraire ukrainienne est reconnaissante pour ce prix. Il est unique, significatif et émouvant pour nous, en partie parce que personne, parmi les centaines d’autres écrivains ukrainiens qui, comme Vakulenko, ont été assassinés tout au long de notre histoire nationale, n’a jamais reçu une telle distinction internationale à titre posthume. Je suis sûre que Volodymyr Vakulenko aimerait le leur dédier à eux aussi. »
L’engagement de Mazin Lateef en faveur de la communauté littéraire et de la liberté d’expression en Irak devrait être une source d’inspiration pour nous tous. Nous demandons à ceux qui l’ont enlevé de le ramener sain et sauf.
Volodymyr Vakulenko est un symbole de l’horrible destruction culturelle perpétrée par l’armée russe en Ukraine. Puissions-nous le garder en mémoire et célébrer les histoires et les poèmes qu’il nous a laissés avant d’être emporté trop tôt.
- Kristenn Einarsson, président de la commission de la liberté de publication de l’IPA
Le lauréat ou la lauréate reçoit la somme de 10.000 francs suisses, soit 10.000 € environ.
En 2022, l’IPA avait salué la maison d’édition thaïlandaise Fah Deaw Kan, ou Same Sky Books. Elle publie des revues universitaires ainsi que des ouvrages de sciences sociales et politiques. Elle s'est distinguée pour avoir critiqué le régime en place et dénoncé les manquements aux droits humains.
Crédits photo : IPA
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