Une loi pour s'opposer à la réécriture des oeuvres littéraires
Le député Les Républicains Jean-Louis Thiériot, lui-même auteur de plusieurs ouvrages, s'inquiète des réécritures d'œuvres littéraires récemment observées dans le monde anglo-saxon. Pour éviter que Molière ne subisse le même sort que Ian Fleming, Roald Dahl ou Agatha Christie, il a déposé une proposition de loi « visant à protéger l’intégrité des œuvres des réécritures idéologiques » à l'Assemblée nationale.
Le 11/05/2023 à 14:54 par Antoine Oury
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Publié le :
11/05/2023 à 14:54
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Député français de la 3e circonscription de Seine-et-Marne, Jean-Louis Thiériot souhaite « protéger l’intégrité des œuvres [littéraires] des réécritures idéologiques », en rendant le droit de repentir et le droit de retrait intransmissibles aux ayants droit de son auteur ou de son autrice.
Sa proposition de loi, enregistrée ce 10 mai à l'Assemblée nationale, amenderait ainsi le Code de la propriété intellectuelle et modifierait les prérogatives liées au droit moral.
Modifier et corriger
La proposition de loi du député s'inscrit dans une actualité brûlante, celle de la réécriture des œuvres, observée à plusieurs reprises outre-Manche ces derniers mois.
Le premier corpus corrigé fut celui de Roald Dahl, à l'occasion de rééditions de plusieurs ouvrages parues en 2022 chez l'éditeur historique britannique, Puffin. Des termes « liés au poids, à la santé mentale, à la violence, au genre et à l'ethnie ont été supprimés et reformulés » dans les textes des nouvelles éditions.
De son vivant, Roald Dahl avait bien accepté de modifier certains de ses écrits, notamment Charlie et la chocolaterie, qui faisait des Oompa Loompas des « pygmées noirs » réduits en esclavage. Mais, disparu en 1990, l'auteur pouvait difficilement donner son avis... La décision avait été prise par la Roald Dahl Story Company, société qui gère l'héritage et l'œuvre de l'écrivain, en accord avec l'éditeur. Face au tollé, les partenaires ont finalement décidé de commercialiser deux versions, l'originale et la réécriture.
Une tendance durable ?
En quelques semaines, les cas se sont multipliés : les livres de Ian Fleming mettant en scène James Bond, puis des enquêtes rédigées par Agatha Christie ont été débarrassées de références à l'ethnie ou d'insultes, ou encore de commentaires racistes et sexistes. Dans le cas des livres de Christie, la réécriture remonte à 2020, tout de même.
Citant ces cas, le député Les Républicains en attribue la cause à « la pression du mouvement “wokiste” et de la “cancel culture” », une interprétation assez hâtive et conforme à la dernière panique morale en vogue. En effet, pour Dahl, mais aussi Fleming ou Christie, les modifications ont été décidées par les ayants droit de ces auteurs, à des fins commerciales. L'objectif étant de garantir un succès durable pour ces publications jusqu'à leur entrée dans le domaine public.
Plutôt que la manifestation d'un mouvement « wokiste », il s'agit bien d'une manœuvre financière, peut-être même quasi publicitaire, au vu des multiples retombées médiatiques qui accompagnent ces réécritures.
Modifier le droit moral
Jean-Louis Thiériot vise d'ailleurs, avec sa loi, le droit moral et son usage par les ayants droit, et non un mouvement « wokiste ». En deux articles, sa législation entend préciser l'application du droit de retrait et du droit de repentir, deux composantes du droit moral d'un auteur.
En contrepartie de l’indemnisation de celui auquel l’exploitation de l’œuvre a été cédée, l’auteur peut décider d’apporter des modifications à l’œuvre (droit de repentir) ou d’en faire cesser la diffusion (droit de retrait), à tout moment et sans avoir à justifier son choix.
– Définition de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques
Ces droits sont, en principe, perpétuels, et donc transmis aux héritiers et héritières de l'auteur d'une œuvre. Toutefois, comme le précise le député, la jurisprudence a admis que ces droits « n’étai[en]t pas transmissible[s] aux ayants droit de l’auteur décédé », sans que le Code de la propriété intellectuelle n'en rende compte de manière explicite.
La proposition de loi du député souhaite ainsi ajouter un alinéa à l'article 121‑4 du CPI, qui aborde ce point.
Le droit de repentir et de retrait ne peut être exercé que par l’auteur lui‑même. Il n’est pas transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. Son exercice ne peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires.
– Proposition de loi de Jean-Louis Thiériot
Le texte soumis à l'Assemblée nationale avance aussi, dans un article 2, d'une extension du « droit au respect de l’intégrité de l’œuvre » au ministre de la Culture. Ce droit de l'auteur à « s’opposer à toute modification, suppression ou ajout susceptible de modifier son œuvre initiale » est transmissible aux ayants droit, mais le député souhaite l'étendre au ministre pour « pallier la carence des héritiers » dans la défense de l'intégrité d'une œuvre.
La proposition de loi et son exposé des motifs sont accessibles à cette adresse.
Photographie : illustration, jean-pierre chambard, CC BY-NC-ND 2.0
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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150 Commentaires
Michelle Niquet
21/05/2023 à 06:38
je ne comprendrai jamais les idiots décérébrés qui veulent changer les écritures !! c'est justement pour que l'on puisse en discuter qu'il ne faut pas aseptiser encore l'écriture, ils ont déjà fait ça pour la nourriture, fruits, légumes fromages etc... qui n'ont plus aucun goût maintenant ils veulent s'en prendre à nos auteurs !! quelle honte
Janick gauthier
21/05/2023 à 07:01
Impensable de modifier même une virgule d’un livre sans l’accord de l’auteur et s’il est mort on laisse le texte intégral. Si vous n’aimez pas ce qui est écrit ne le lisez pas.
Sonja Schub
21/05/2023 à 08:32
Entièrement d accord, il est insupportable de voir nos auteurs malmenés. Assumons les écrits du passé, comme nous assumons les horreurs et erreurs également. Mais laissons les textes originaux.
Marie-Claude
21/05/2023 à 09:05
Oui, il faut une loi qui empêche la réécriture des œuvres littéraires : elles ont été écrites dans l'esprit et avec le vocabulaire admis d'une époque. Rien n'empêche de rédiger une préface qui replace l'œuvre, tant du point de vue sociétal qu'historique, dans l'époque où elle a été écrite.
Aurelien Terrassier
22/05/2023 à 08:14
Jean-Louis Thieriot a des propos qui n'ont rien à envier à un parlementaire d'extrême droite du RN en fustigeant le "wokisme": https://www.lefigaro.fr/vox/culture/jean-louis-thieriot-face-a-la-reecriture-des-oeuvres-modifions-le-droit-pour-proteger-la-liberte-d-esprit-20230517 Avec ses tweets haineux contre Camille Étienne et des parlementaires Lfi et sa défense suprême de l'armée, je comprends mieux où se situe ce député, à la droite extrême! Son projet de loi qui a très peu de chance d'aboutir sauf si il a un soutien massif des parlementaires d'extrême droite du Rn qui je le rappelle ont créé un collectif d'élus contre le wokisme est dangereux car il interdirait aussi d'introduire l'appareil critique de certains ouvrages, des traductions et aussi un mépris pour les ayant-droit qui sont mieux placé que quiconque pour faire vivre et perpétuer la mémoire de leur aïeul artiste ou écrivain. Si ce parlementaire voulait vraiment lutter contre la censure, il s'insurgerait contre Élisabeth Borne, les quelques policiers qui ont porté plainte contre Agnès Naudin ou Bollore entre autres, mais il préfère les défendre c'est vrai.
Françoise Millet Leroux
21/05/2023 à 09:40
Stop au wokisme et autres deviances actuelles qui rouvrent insidieusement les portes infernales de la chasse aux sorcières et de l'obscurantisme. C'est du pur terrorisme intellectuel
Marie29
21/05/2023 à 10:28
Les auteurs ont choisi leurs mots, il ne nous appartient pas de les modifier.
rosetremiere
21/05/2023 à 10:30
non , il ne faut pas changer les écritures ,des livres de romanciers célèbres ,je suis contre une ré-écriture.
Ninon
21/05/2023 à 11:44
Retirer ou modifier un texte pour le rendre conforme avec la pensée "peu importe bonne ou mauvaise" va à l'encontre du livre, irions nous modifier "Mein kamph" pour le rendre humain, changer le nom du livre d'Aimé Césaire "La Négritude", arrêtons les conneries un livres reste un livres une BD reste une BD que l'on aime ou pas.
Lyam M.
21/05/2023 à 11:47
Réécrire = oublier.
Et ça, je ne vois pas en quoi ce serait un argument d'extrème droite.
C'est important de garder les oeuvres tel quelles sont. Sans aucune concession car c'est comme un cliché d'une période de l'histoire de l'humanité.
Ces oeuvres temoignent d'un passé et les prochaines seront les temoins des changements de la société.
Si on efface pour reecrir, un jour, il y aura des negationnistes pour crier au mensonge et à la manipulation ...
Aurelien Terrassier
28/05/2023 à 18:49
Lyam M Vous faites partie de ces rares personnes ici qui s'opposent à la réécriture des oeuvres avec des arguments tenables sans insulter un mouvement de lutte contre les discriminations. Vos arguments sont intéressants et n'ont rien à voir avec l'extrême droite bien au contraire. Les éditeurs peuvent aussi avoir le choix de ne rien réecrire et de mettre une préface expliquant le pourquoi du comment avec les termes racistes, antisémites sexistes, et homophobes entre guillemets maintenant si c'est le choix de réecrire certains passages il est légitime comme je l'ai expliqué. Mais s'il est mieux de mettre des annotations à certaines pages, ça serait peut-être mieux n'en deplaisent à ce député LR dont le projet de loi ne sert à rien.
NAUWELAERS
29/05/2023 à 12:18
Lyan,
Dans «Le Journal du Dimanche» d'hier, le 28 mai 2024.
Non au wokisme et à la réécriture des oeuvres.
Douglas Kennedy au JDD : « Le wokisme rend service à l’extrême droite »
«Dans son nouveau livre intitulé « Et c’est ainsi que nous vivrons », Douglas Kennedy, écrivain américain, décrit une Amérique plongée prochainement dans une nouvelle guerre de Sécession...»
CHRISTIAN NAUWELAERS
Depiquigny Alain
21/05/2023 à 12:16
Je soutiens tout projet de loi visant a proteger les oeuvres telles quelles ont ete creees.
Gayatri
21/05/2023 à 13:19
Très bien et juste .... On ne réécrit pas l histoire et modifier un texte d auteur, c est trahir sa pensée ! Non, au politiquement correct et au littérairement correct
Pierre
21/05/2023 à 14:00
Très bien protégeons notre culture historique c'est important de nos jours contre la monter du wokisme et cancel culture une vraie infamie mais ça serait intéressant de voir qui les finances??
Leurs buts, détruire les racines les références on voit les dégâts dans les écoles primaires et secondaires une honte pour la France
Perroud Célia
21/05/2023 à 14:13
Totalement en accord avec ce projet de loi.
Il est inadmissible retoucher des œuvres littéraires.
Cela fait partie d un patrimoine riche.
Si l on permet cela, on peut s'attendre à des choses de plus en plus graves.
Cette société où l on ne peut plus rien dire sans provoquer des réactions extrêmes, alors que paradoxalement règne une violence de plus en plus forte.
Il est peut-être temps de se recentrer sur les véritables problèmes...
Jacques Charland
21/05/2023 à 15:07
c'est scandaleux!
Yann
21/05/2023 à 15:24
Tout a fait d'accord. On ne réécrit pas une œuvre. Elle existe telle qu'elle a été crée, un point c'est tout !
Maurice ANTONIO
21/05/2023 à 16:48
Quelle hérésie ! Ce monde est bien malade !
Valéry Germain
21/05/2023 à 16:54
Respectons la vision de l'artiste et éduquons les gens.
Marie Gallais
21/05/2023 à 18:08
Au pays de Voltaire, de Hugo, Zola nous imposer la médiocrité des idéologues fous, est une dégénérescence assumés des parasites nuisibles.
GUY-MICHEL CARBOU
21/05/2023 à 19:17
Cela me paraît être une illustration d'un déni total de l'intelligence huamaine. Ne pourrait-on pas comprendre qu'un auteur du 16° siècle ne puisse pas avoir la même appréhension de la société qu'un(e) auteur(e) de notre temps ? Sommes-nous si limités que nous ne puissions pas saisir que le temps modifie l'homme et la société ? Cela relève des livres brûlés par Hitler, détruits par Staline ou par les gardes rouges de Mao. Je suis las de me sentir ménacé par les mêmes préoccupations qu'Orwell, Huxley ou Bradbury.
NAUWELAERS
21/05/2023 à 22:54
BRAVO à vous, Guy-Michel Carbou !
CHRISTIAN NAUWELAERS
Florence VITRANT
21/05/2023 à 19:41
Nos œuvres littéraires sont des chef d’œuvre et font partie de notre patrimoine et notre histoire .
Je m’y oppose formellement..
Que l’éducation littéraire ne soit nullement modifié .
Merci
CHRISTIAN NAUWELAERS
21/05/2023 à 22:56
BRAVO, Florence Vitrant !
CHRISTIAN NAUWELAERS