Il fallait bien pimper le Festival du livre de Paris avec des animations un peu hors des clous. Depuis des années, la chaîne de hamburgers s’achète une virginité en troquant des jouets avec des livres dans ses menus pour enfants. Un éditeur a choisi de prendre le contrepied de cette formule : qui se procure une nourriture de l’esprit verra son estomac également rassasié…
Le 21/04/2023 à 15:03 par Nicolas Gary
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21/04/2023 à 15:03
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Dès l’entrée du Grand Palais éphémère, où se déroule la manifestation jusqu’à ce dimanche 23 avril, se tient le stand des Éditions du Net. Et en cette première journée d’ouverture, une offre improbable attire l’attention des visiteurs : « Un livre acheté, un kebab offert. » Qui dort dîne, on connaissait, qui lit mange, voilà qui devient cocasse…
Pour cette deuxième édition dans l’enceinte du GPE, McDonald’s a décidé de grossir les rangs des exposants. C’est qu’au travers de ses multiples opérations, l’enseigne est devenue — et de très, très loin — le premier marchand de livres jeunesse en France.
ActuaLitté dévoilait en décembre 2021 que les restaurants écoulent, d’après les chiffres officiels, quelque 2 millions de bouquins mensuellement. Soit près de 27 % du volume global de titres jeunesse que tous les éditeurs écoulent chaque mois. De quoi s’étouffer en dégustant son sundae…
Bien entendu, cette opération de culturewashing pour louable et louée qu’elle soit, n’en demeure pas moins… du culturewashing. En fournissant un livre pour chaque menu enfant acheté (les célèbres Happy Meals), la marque fléchit contre les attaques répétées.
EDITO: Exceptionnelle exception culturelle française : Facebook, non. TikTok, oui
Depuis des années, l’emblème de la malbouffe prend sanction sur sanction d’associations diverses et variées — déjà, en 2011, un McDo brésilien écopait de 1,3 million € d’amende. En cause, la présence de ces cadeaux qui invitent les plus jeunes à consommer les produits, appâtés par la récompense. Et donc, mangeraient trop gras.
Critiquée pour ses jeux et jouets, l’enseigne avait d’abord changé de matière : moins de plastique, plus de carton. Et d’ici à 2025, des jeux entièrement en matériaux recyclés, dérivés de plantes et fibres certifiées. Les livres font partie de cette même tendance.
Au Festival, McDo se montre discret : ni clown ni burgers, juste une façade de livres, et se présente comme un acteur « engagé pour l’accès à la lecture ». En partenariat avec Bookinou, le stand offre « pour les plus jeunes, des histoires contées » et « pour les plus grands, des initiations à l’illustration par un professionnel ».
Très semblable à la proposition que l’on retrouve depuis 2017 au Salon du livre jeunesse de Montreuil, cette présence en ferait presque oublier les repas fast-food. Et de fait, même les pouvoirs publics apprécient cet engagement.
« Parfois, le livre McDo est le premier ouvrage de la bibliothèque, la première expérience joyeuse d’une lecture personnelle », assurait Régine Hatchondo, présidente du Centre national du livre.
De Montreuil au VIIe arrondissement, une même approche : on ne change pas une équipe qui ratisse large.
Comme nous l’indique Henri Mojon, président des Éditions du Net, son offre, avant tout ludique et burlesque, devient le contrepoint ironique de toute la communication de McDo. Et invite peut-être même à une prise de conscience : acheter de la malbouffe à ses enfants et se voir offrir un livre, le principe fonctionne-t-il en sens inverse ?
D’ailleurs, suivant les territoires, l’offre de gratuité de lecture s’adapte aux clients : en 2018, l’éditeur de mangas Shonen Jump s’entendait avec l’enseigne pour la distribution de mangas offerts avec son repas.
Les Éditions du Net tapent donc dans la fourmilière, avec un large sourire : « Plusieurs visiteurs sont tout de même venus nous voir, curieux de savoir où étaient le grill et la viande — comme si nous avions dissimulé une sandwicherie derrière les livres. »
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Entre sourires et photos souvenirs, les visiteurs s’arrêtent, intrigués… mais cèdent-ils ? L’éditeur sourit à son tour : « C’est une opération qui ne se prend pas au sérieux... » D'autant plus que la loi sur le prix unique interdit la vente à prime de livres — pour faire simple, on ne peut offrir un bon d’achat pour quiconque se procure un ouvrage. Ici, on joue avec la limite du cadre légal, à savoir d’un côté l’article L. 121-35 du Code de la consommation et l’article 6 de la loi sur le prix du livre de 1981.
« Le principe de la loi Lang réside en ce qu’il a interdit la vente à prime pour ne pas dévaloriser le livre, et que le consommateur ne soit pas incité à acheter l’ouvrage simplement pour obtenir le bien », reprend Henri Mojon. « McDonald’s agit dans le sens contraire : le livre est relégué au rang de supplément, dévalorisé dans son principe. »
Et de conclure : « Le message relève avant tout de la provocation, pour interpeller les visiteurs et les inviter à échanger sur le sujet. Donc, donner l'opportunité de présenter les livres de nos auteurs. » Mais alors, pas de sandwich ? « Tout dépend : sauce blanche ou harissa ? »
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
12 Commentaires
Actualisant
21/04/2023 à 17:01
Eh bien voilà un exposant qui a tout compris à la logique qui sous-tend ce nouveau salon : il devait tout changer de que la Porte de Versailles proposait et mettre en place une véritable offre littéraire de festival.
On finit par accueillir Mcdo, faire de Tiktok un sponsor et donner des kebabs : en réalité, nous sommes bien dans la thématique...
wELL
21/04/2023 à 17:16
S'acheter une virginité ? C'est à croire que d'autres expressions ne sont pas à portée de main... Je suis médusé.
Observateur
21/04/2023 à 18:06
Quand le libraire montre le lecteur, le burger regarde son estomac...
ChatGPTgorafi
21/04/2023 à 18:22
Communiqué de presse - ChatGPTgorafi, ce 21 avril 2023 :
Le SNE, qui représente les éditeurs de livres en France, a récemment annoncé son intention de recourir à l'intelligence artificielle pour piloter son syndicat.
Cette décision intervient après le partenariat réussi du syndicat avec TikTok et McDonald's, deux géants de l'information et de la nutrition qui ont permis de promouvoir la lecture auprès des jeunes générations grâce à des campagnes publicitaires innovantes et ciblées.
Le recours à l'IA pour piloter le SNE est une décision stratégique qui permettra au syndicat national de l'édition de moderniser son système de numérotation des éditions et de mieux répondre aux défis posés par l'évolution rapide de l'industrie du livre.
Cette initiative devrait permettre aux éditeurs, aux librairies et aux distributeurs de mieux comprendre les attentes des lecteurs et d'adapter leur offre en conséquence, tout en promouvant la lecture auprès des jeunes générations.
Aurelien Terrassier
21/04/2023 à 21:46
On pourrait croire à une farce et pourtant... Mc Do roi de la malbouffe qui joue aussi de l'optimisation fiscale et qui se met à offrir des livres en plus d'un menu pas très bon pour la santé on croit rêver. Je ne sais pas quels sont les livres proposés mais ça ne doit pas être de la qualité non plus. Autant se pencher sur l'offre livre plus kebab offert c'est autrement mieux à choisir.
Jankal
21/04/2023 à 22:30
J'achète énooooormément de livres à mes enfants. Il m'arrive aussi de les amener manger chez MacDo. Eh bien, je préfère leur nouvelle formule menu avec livre que l'ancienne avec jouet pas toujours très intéressant. Il n'y a rien de criminel à cela. Il ne faut non plus tout exagérer.
Marco
22/04/2023 à 10:15
Les Burgers livres sont co édités avec Hachette et le CNL... Bientôt avec une préface de Macron et une bénédiction du Pape. Rentrez chez vous bibliothécaires, libraires, enseignants... La promotion de la lecture, ce n'est plus votre affaire ! Et puis, arrêtez de vendre des livres ! Vendez de la drogue, des portables, des abonnements à des chaînes, des fringues de marques, des produits de luxe, et offrez un bouquins à chaque fois ! Bon sang, vivez avec votre époque !
Marco
22/04/2023 à 10:15
Les Burgers livres sont co édités avec Hachette et le CNL... Bientôt avec une préface de Macron et une bénédiction du Pape. Rentrez chez vous bibliothécaires, libraires, enseignants... La promotion de la lecture, ce n'est plus votre affaire ! Et puis, arrêtez de vendre des livres ! Vendez de la drogue, des portables, des abonnements à des chaînes, des fringues de marques, des produits de luxe, et offrez un bouquins à chaque fois ! Bon sang, vivez avec votre époque !
D. L.
24/04/2023 à 10:18
Nous y voilà !
Quand les fachos ont pris la parole dans tous les médias, on a dit d’eux qu’ils étaient décomplexés, qu’ils affichaient au grand jour leur vraie nature.
Quand les patrons avides de bénéfices sur le dos des humains et de la planète ont fait la Une des médias, on nous a parlé plein emploi, croissance…
Eh bien, oui, nous voilà entrés dans l’ère Bolloré, l’ère décomplexée, l’ère de la mal-lecture, de la sidération.
Leurs romans sont ce que les kebabs sont à la gastronomie française : des produits douteux sur la qualité sanitaire, et qu’on oublie juste après les avoir mangés, si ce ne sont quelques relents gastriques et des taches de gras.
Regardez mon stand, je fais de la m… et j’en suis fier !
Je serais édité chez eux, je me tirerais tout de suite. Quelle image cet éditeur a-t-il de ses romans, des auteurs qu’il publie ?
Quand demandera-t-on à l’auteur de montrer son c… pour vendre, devra-t-il danser en string sur le stand, venir avec son gentil chat, qu’il est mignon le petit chat… ou exposer son enfant malade en le pinçant par derrière pour qu’il pleure devant le lecteur attendri, tout en tenant une coupelle avec quelques pièces rouges dedans ? On dira que c’est du second degré, que c’est pour dénoncer la précarité de 80 % des auteurs… allons-y !
Non content de n'avoir aucun orgueil du verbe, cet éditeur se la joue second degré (bien sûr, il y a un message profond de répéter 1 000 fois le mot Mac Do), et la direction du Salon a accepté, nous voilà renseignés.
Et qu’on ne chante pas la gloire de Mac Do, premier acteur littéraire chez les enfants. Ou alors, traitez-nous directement d'imbéciles (je reste courtois).
Ces lobbies, déjà très bien implantés dans les milieux scolaires au États-Unis, de la maternelle à la Fac, n’ont qu’un seul objectif : injecter du gras, du sel et du sucre dans le corps des enfants et des grands pour les rendre toxicomanes et leur faire perdre des années d'espérance de vie pour engraisser les actionnaires!
Les Editions du Net
24/04/2023 à 16:10
Bonjour,
Dès le samedi matin à 10 h 00, le régisseur du Festival est venu en service commandé enlever toutes les affiches sur le prétexte que contractuellement Les Éditions du Net n'avaient pour seul espace de communication que le petit panneau du Salon. Pendant ce temps là un stand énigmatique des Saoud était décoré avec le drapeau du Koweït, de nombres éditeurs avaient des affiches sur leur stand dont Sciences pour tous du SNE, il y avait même un drapeau de pirate. Donc le respect du contrat était un prétexte pour le Festival pour enlever nos affiches et par là même notre liberté d'expression.
Cette opération avait pour but d'interpeller les visiteurs sur le fait qu'une chaîne de fast food soit aujourd'hui le premier éditeur de livres pour enfants alors que la plupart des nutritionnistes alertent les parents sur les effets de la malbouffe qui a rendu un tiers des américains obèses.
C'est assez clair pour vous j'espère.
D. L.
25/04/2023 à 09:24
Ah, cette fameuse liberté d’expression accolée à Mac Do.
Merci, elle me manquait, celle-là, j’aurai vécu assez vieux pour lire ça.
Ça me rappelle ces auteurs qui présentent des manuscrits truffés de fautes en tout genre, ils en inventent des nouvelles à chaque page ! Leur dernier argument devant cet état misérable du texte : « c’est mon style ! »
Quel style, quelle liberté ?
Chacun de nos actes engendre des cascades de réactions inattendues jusqu’à l’autre bout de la planète. Quelle est la vraie intention de mettre en avant ce symbole mondial de l’horreur à tous les niveaux ?
Avez-vous pensé aux cadences des jeunes sans cesse renouvelés, avez-vous pensé à la surconsommation de viande, donc de pollution, avez-vous pensé au massacre des terres et des ressources en eau pour produire tout ça, avez-vous pensé à l’état des gens qui en consomment trop à cause des ingrédients addictifs ? Avez-vous pensé un peu, au moins, avant une telle stupidité, à part faire du bruit et être marqué à vie comme celui qui fait des « mal-livres », quel était l’argument littéraire qui devait emporter la décision ?
L’effet immédiat, le bruit, les photos dans les journaux, et, qui sait un brin de télé ! Le quart d’heure de gloire. De quoi être fier d’avoir une belle histoire à raconter aux petits-enfants.
« Dis-moi, grand-père, c’est quoi qui t’a rendu célèbre, quel auteur, tu as reçu de Prix ?
— Non, mon petit, j’ai fait mieux que ça, on m’a appelé l’éditeur Mac Do, tu sais, ce truc qu’un certain Koffe disait "C’est d’la merde" ».
Il doit y avoir d'autres pistes pour briller dans l'édition…
DAN
02/05/2023 à 07:35
Merci aux Editions du Net pour cette initiative.