Bernard Pivot malade : “Le purgatoire, c’est la vieillesse”
Des années de télévision, de presse, de médias… Plus qu’une marque : une légende dans le monde littéraire. Et des livres, lus, écrits. Bernard Pivot avait pris sa retraite en 2022, mettant un terme à 30 années de chroniques dans le JDD. C’est à l’hebdomadaire que l’ancien président du Goncourt accorde logiquement un bel entretien, évoquant sa santé, devenue fragile.
Le 10/04/2023 à 10:44 par Clément Solym
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10/04/2023 à 10:44
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Avec cet esprit toujours agile et malicieux, il a régné sur l’Académie entre 2014 et 2019, année où il en quitta la présidence au profit de Didier Decoin. « Je me demande si, avec l’abandon de l’académie Goncourt, mon corps et plus précisément ma tête n’ont pas perdu leurs défenses immunitaires… », indique Bernard Pivot au JDD.
Car le journaliste l’avoue, pudiquement : son silence, ces dernières années, vient de ce que « le mal m’a frappé à la tête, siège du cerveau et de la parole. Mieux vaut alors se taire en attendant que la mémoire se recharge et que la pensée refleurisse ». On le retrouve encore avec plaisir, quoique plus occasionnellement, sur Twitter, outil qu’il avait rapidement apprivoisé, pour sa concision et ses virevoltes. Pour preuve :
Une autre famille : les livres
Et de balayer toute une carrière entamée, « par hasard » au Figaro littéraire, en passant par les moments familiaux sacrifiés pour la réussite de son émission, Apostrophes. Lecteur, il le fut, mais pas de ces histoires que l’on raconte aux enfants avant qu’ils ne s’endorment. « J’avais hâte de rejoindre mon bureau pour achever la lecture du livre dont j’avais commencé la lecture l’après-midi. Que de musées non visités avec mes filles ! Que de week-ends non partagés ! Que de fous rires perdus ! »
À LIRE: Pivot victime d'usurpation d'identité sur les réseaux
Pleinement conscient, il reconnaît avoir travaillé « trop, mais c’était le prix à payer pour être compétent et inattaquable ». Depuis janvier 2020, que les « ennuis de santé ont commencé », le voici passant en revue soixante années de livres reçus à son domicile pour les besoins de sa chronique dans le JDD. Maintenant, « j’achète des livres. Comme tout le monde. Voilà une autre réponse à votre question sur la vanité ».
« J’ai été, je pense, un homme d’influence. L’influence, c’est plus lent ; plus subtil, plus paisible. Peut-être aussi plus hypocrite. Avant que le mot devienne à la mode sur les réseaux sociaux, j’ai été ma vie durant un influenceur, un influenceur littéraire. Je ne le suis plus, voilà tout. »
– Bernard Pivot
Ni enfer ni paradis... mais un purgatoire
Âgé de 87 ans, l’homme des dictées parle de l’humour et de toutes les occasions saisies pour rire. « [M]ême si, maintenant que je suis devenu un vieil homme, c’est souvent à mes dépens. Je vais cahin-caha de bourdes en maladresses, d’oublis instantanés en futiles angoisses. J’en ris pour n’avoir pas à en pleurer. »
Car, quand on a dépassé le milieu du chemin de sa vie, c’est aussi de la mort dont on parle. Elle sera la fin, « l’extinction définitive du souffle, de la parole, des mots, et même le mot “mort” ne peut plus être prononcé ». Si l’enfer et le paradis le laissent dubitatif, il voit la vieillesse comme le purgatoire, dont les maisons « s’appellent des Ehpad ».
Lui préférerait finir ses jours à la maison, dans un fauteuil. « Ou, mieux, dans mon lit, en relisant Montaigne ou Proust. Mais je ne lis jamais au lit. »
Crédits photo : Bernard Pivot - ActuaLitté, CC BY SA 2.0 (2018)
... mais la vie continue
Paru le 06/04/2022
224 pages
LGF/Le Livre de Poche
7,40 €
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28 Commentaires
Annick M.
10/04/2023 à 14:35
La vieillesse a épargné Bernard Pivot jusqu'à ses quatre-vingt-cinq ans environ. Elle aurait pu continuer au-delà. Nous ne vieillissons pas tous de la même façon ni au même âge. C'est ainsi. Il avait dit en démissionnant de sa place au Goncourt en 2019 qu'il était fatigué de cette activité et voulait désormais profiter de sa famille, de ses petits-enfants. Était-ce la vraie raison ?… Il semblerait en tout cas qu'il le regrette et qu'il attribue l'altération de sa santé à cette décision. On n'en sait rien… Personnellement, je pense très souvent à lu. Son livre "Les Dictées" fait partie de ceux que j'ai à portée de main et ouvre régulièrement. J'aimais beaucoup les dictées, j'aime beaucoup, l'orthographe, la grammaire. J'aime beaucoup Bernard. Je suis triste pour lui. Profondément…
Roljo
11/04/2023 à 07:55
Je l'aime beaucoup Bernard Pivot. C'est un grand Roi, pour sa passion pour les livre. Il le restera toujours, toujours. Un grand merci Maître, excellent !
Kujawski
11/04/2023 à 11:33
Un Pivot, pour cent Drucker et tant de Labro. Pourtant, ce nom est moins celui des noces si rentables des livres et de la télévision, que de celles de la société du spectacle
Pivot, c'est le nom d'une consécration, celle de la plongée verticale des livres dans la médiatisation, sur un ton bon vivant, avec rigueur et exigence. Mais c'est aussi celui du déchaînement du marketing éditorial, du best-seller et de la pile, comme par magie. On en a presque oublié que Pivot pouvait se planter, des tas de librairies et maisons de la presse avaient leur table Apostrophes, qui pouvait devenir une mine de retours. Certain(e)s auteur(e)s chouchous de Pivot pouvaient devenir imbuvables à l'écran et illisibles. Bravo Pivot, bien sûr, mais cette noce du livre et du spectacle a quand-même tourné à la victoire du second.
Jkitel
11/04/2023 à 12:21
Qui ne connait pas ce bel homme ?
Souleyre
11/04/2023 à 17:19
Une grosse faute de français :
C'est aussi de la mort dont on parle.
Dommage dans un tel article !
Reshad Nazroo
11/04/2023 à 18:17
Je trouve que l'aveu de Pivot est très triste, car le plus important justement, en viellissant, c'est de rester éveillé intellectuellement. Dans les pays Anglo-saxons, le Canada surtout, on dit couramment : "Old age sucks!". C'est une autre façon de voir les choses. En tout cas, l'image que je retiens de Bernard Pivot, c'est ce documentaire où on le montre en train de lire des livres sur une plage en graviers du lac de Génève, seul. Cela me rappelle les paroles d'un personnage d'un film irlandais que j'ai vu récemment - "A bend in the river" avec en exergue une citation du grand écrivain irlandais, Seamus Heaney - et qui était un maître d'école abhorré pour sa brutalité envers ses ouailles et qui arrivé à d'âge auguste de 92 ans, fait cet aveu : "......the only certainty I know in this life is that we grow old and we die". En somme, le vécu et le néant.
Reshad Nazroo
12/04/2023 à 17:39
Je fais mon propre Mea Culpa. Le dernier mot de mon commentaire était le "néant". Or, je suis catholique et le Christ nous le dit bien - surtout il est bon de se le rappeler juste après la Fête de Pâques - "je suis la Résurrection et la Vie". Je me corrige donc à la fin : "En somme, le vécu, puis la vie éternelle".
Aurelien Terrassier
12/04/2023 à 10:23
Je n'ai connu que brièvement Bouillon de culture. Alors certes Philippe Lefait (Les mots de minuit sur France 2) Franz-Olivier Giesbert (Culture et dépendance sur France 3) et Guillaume Durand (Campus et Esprits libres sur France 2) qui animaient des émissions littéraires sur le service public dans les années 2000 n'ont pas la même renommée que Bernard Pivot mais ce sont eux avec Thierry Ardisson dans un autre style d'émission plus divertissante qui m'ont ouvert vers la lecture. Bernard Pivot fait aussi des fautes dans certains de ses tweets et le non moins réactionnaire journaliste Pascal Praud a fait l'éloge de cet entretien car c'est Jérôme Begle du JDD qui disait que Bernard Pivot a été interviewé de chez lui au téléphone.
Anne Pugin(Mona)
12/04/2023 à 21:10
Bernard Pivot est un Homme remarquable..il y a quelques temps il avait écrit qu'il fallait continuer à aimer,rêves et travailler à n'importe quel âge..
C'est ce que je lui souhaite en le renerciant d'exister pour lui et ses auditeurs et lecteurs
Aurelien Terrassier
12/04/2023 à 22:26
J'ai lu néanmoins "Remontrance à la ménagère de moins de 50 ans" de Bernard Pivot et tout ce que je peux dire c'est qu'à part Bruno Patino, ils sont très rares les gens du PAF à avoir une vraie vision de ce qu'est et de ce que doit être la télévision à l'heure où l'on dit qu'elle est morte alors qu'en automne prochain c'est la première étape de la TNT seconde génération avec des chaînes en UHD ainsi que l'arrivée prochaine de la chaîne du Figaro. Voici l'émission "Un livre un jour" qui parlait du livre de Bernard Pivot en question que j'ai lu et que je recommande: https://youtu.be/W4la5qZWp4g
Sebbah
13/04/2023 à 06:51
La vieillesse peut devenir un purgatoire mais de quoi nous purgerait-elle ? Dans les Ehpad c’est le monde des mourants qui nous crie : « nous mourons! »et ce CRI est inaudible comme celui d’E. Munch
Pachita
13/04/2023 à 08:42
Même si je n'aime pas du tout le mot "influenceur" car il a un sens négatif, je remercie Bernard Pivot d'avoir influencé mes choix de lecture. Chaque semaine j'attendais religieusement l'heure d' Apostrophes et m'empressais le lendemain d'aller chez le libraire.
Transmettre avec une telle passion relève d'un réel talent qui se fait rare de nos jours. Dommage que la vie soit si courte il y a encore tellement de livres à lire, mais ce qui compte c'est d'avoir semé la graine pour ceux qui suivront.
Bravo Monsieur Pivot et merci!
Aurelien Terrassier
13/04/2023 à 16:45
@Pachita Il y a des influeceurs et influenceuses sur Youtube qui peuvent donner les jeunes envie de lire. Certain.es se rendent même dans les salons pour y rencontrer les auteurs et autrices, tandis que d'autres ne sont là que pour vendre des livres des gros éditeurs en même temps que raconter leur vie et là ça me fait penser à la fameuse phrase de Patrick Lelay sur la publicité de Coca-Cola car sur Youtube les publicités il y en a pas mal malgré le fait que l'on puisse payer un abonnement sans publicités. Mais hélas très peu d'influenceurs et influenceuses parlent d'essais que ça soit sur le feminisme, l'anti-racisme, l'économie ou encore l'écologie. Rien ne vaut la télévision pour ma part pour avoir encore l'envie de lire bien que je regarde rarement la Grande Librairie, j'estime qu'une vraie émission littéraire le vendredi comme celles de Bernard Pivot et par la suite Guillaume Durand avec Campus et Esprits libres et ensuite Franz-Olivier Giesbert avec la semaine de Fog, ça manque beaucoup. Est-ce du à l'anti-intellectualisme du en partie au temps passé sur les réseaux sociaux où se mêlent fake-news et télé-réalité en très grande partie? C'est peut-être ça aussi bien qu'Augustin Trapenard fasse de son mieux le mercredi soir dans la Grande Librairie pour encore donner envie de lire quand parmi les jeunes, les influenceuses et influenceurs littéraires jouent aussi leurs rôles mais si certains veulent vraiment évoluer, il va falloir que ces gens là fassent de la télé ou de la radio à mon avis.
Mistigri
13/04/2023 à 14:04
Je suis en parfaite harmonie avec votre définition de l age et notre vieillesse
LE PURGATOIRE
Mais avant d en arriver là vous nous avez baigné de votre savoir de votre élocution avec ce timbre de voix agréable nous ouvrant a la découverte de la lecture
On ne ratait jamais votre émission
Merci pour tout ce que vous nous avez appris vous nous avez fait grandir
On se retrouvera bientôt lors d échanges amicaux avec vous comme maître de conférence
Michelle CAVALLERO
Roljo
14/04/2023 à 07:09
Je l'aimais beaucoup ce passionné. Je le regrette énormément.
Michel Kuperfils
14/04/2023 à 17:54
Comme toutes les soirées où il a souvent, ,très souvent, été le guide pertinent de mes lectures, je trouve son anayse de la vieillesse d’une même pertinence aiguë
Nous sommes quasi contemporains
Oui la vieillesse est un purgatoire cher Bernard
Là encore le mot est juste!
VANDENBERGHE
15/04/2023 à 07:31
Voilà qui est émouvant. Pour ma part, j'ai perdu un fils le 3-12-2013. Il avait 15 ans, et je l'adorais.
Ma mère ne m'a jamais pardonné de ne pas avoir été la fille qu'elle aurait voulu avoir. J'ai deux frères aînés... Elle a tout fait pour que ma vie soit un enfer. Et elle l'est! Elle m'a frappé et humilé autant qu'elle a pu. La mort sera une délivrance, car j'ai eu beaucoup de mal à lire, sans aucun doute à cause du traitement odieux que cette "mère" m'a infligé.
J'ai écouté Monsieur Pivot à la télévision dès mon adolescence, mais j'étais peut-être trop jeune.
Bon vent à vous, Monsieur Pivot: il y a un après. Mon fils nous l'a prouvé.
Artmutant2002
15/04/2023 à 13:48
La vieillesse est insoutenable on ne peut croire ce qui nous arrive quand on a été très actif...parfois les oublis les maladresses la lenteur les douleurs le manque de projets de besoins d'envies le corps qui se perd dans des vagues offensantes un visage que l'on ne reconnaît plus un sourire larvé .....bref ce n'est plus la mort qui fait peur mais cette vieillesse sournoise impitoyable.....😟
Gertov.k.
16/04/2023 à 10:08
Ah! c'est pour ça que l'on ne le voyait plus !...
ni + guerre "entendu", peut-être en Région Bourgogne...ou il peut être encore "écouté" loin des(dévorants médias parisiens).
Reste qu'il ne souhaite pas que l'on
sente, la présente sournoise {d'une "invitée"non désirée}grignotant sa belle
mémoire...
Aurélie
16/04/2023 à 10:20
C'est aussi de la mort QU'on parle. Merci de corriger.
Veronique Daoust
17/04/2023 à 04:53
Permettez-moi de dire " CHER M. PIVOT, " combien de fois j'ai REGARDÉ, combien de fois j'ai ADMIRÉ, combien de fois j'ai SAVOURÉ, combien de fois, combien de fois, combien de fois......je vous envoie tout plein de bons souhaits de santé, de sérénité, de bien-être physique et intérieur. Une ADMIRATRICE.
Vol89
17/04/2023 à 08:25
Je pense que j'adore Bernard Pivot, le bien nommé, pivot de la culture, de la littérature, de la sagesse, dont l'humilité est un exemple, dont la joie de vivre et le goût des menus plaisirs devrait faire plus de bruit dans notre société absurde