La maladresse des publicitaires donne parfois le sourire. Une fois confondus dans leur crasse bêtise, ils se réfugient derrière le service de communication, qui rame pour rattraper la bévue. Il suffisait pourtant d’un brin de vigilance… à moins que les écrans ne ramollissent les esprits — et favorisent la souscription de crédits ?
Le 12/03/2023 à 13:51 par Nicolas Gary
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Publié le :
12/03/2023 à 13:51
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Sponsor attitré d’équipes de cyclistes toujours prêtes à gravir des sommets, Cofidis a plutôt franchi un cap, que dis-je ? Une péninsule ! Très éloigné des louables intentions et préoccupations d’une année 2022 où la lecture fut sacrée Grande Cause nationale, ce Mont-de-piété 2.0 basé à Villeneuve-d’Ascq a d’autres projets que de vous faire bouquiner.
Filiale du Crédit Mutuel, rappelons que Cofidis avait originellement vu le jour en 1982 pour financer les emplettes des clients du catalogue 3 Suisses. Aujourd’hui, le « spécialiste du crédit en ligne » compte bien plus de partenaires, de l’opticien aux vêtements de sport, la réparation de voitures, les cuisines ou l’électronique. Tiens, justement : l'électronique est au coeur d'une de leurs réclames...
Les temps sont durs, la crise frappe à l’huis de chacune et chacun, l’inflation galope plus vite que la marée montante au Mont-Saint-Michel, le futur angoisse… Le citoyen préfère s’installer confortablement devant son téléviseur — écran plat, NeoQLED 8K tout de même —, afin d'oublier frimas et finances. Mais drame : la télé a lâché.
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Cofidis établit alors le pire des scénarios catastrophes : impossible, avec le loyer qui s’en vient, de racheter un nouvel écran. Vous voici condamné à lire des livres ! Ah, l’infâme punition ! Vous avez assurément été bien méchant dans une vie antérieure pour subir pareil coup du sort… Un bouquin ! Alors que la saison 57 de cette série passionnante a tout juste débuté !
Il paraît même qu’à l’origine, les livres, c’était des rouleaux : autant parcourir ceux de papier hygiénique, au moins, parfois, il y a des images… Fort heureusement, Cofidis vous épargnera la pénibilité de pages à tourner ou les céphalées qu'induisent des concentrations prolongées sur des lignes noires. Voici en effet la publicité reçue par email que des lecteurs nous ont fait suivre :
Sa solution d'endettement facilite le rachat d’un nouveau poste (montant maximum de 6000 €... une belle TV en perspective) : de quoi garantir la dose d’opium audiovisuel nécessaire à engloutir les publicités vantant les mérites de sociétés de prêts d'argent ? D’ici à ce que l’on ait besoin d’y souscrire pour acheter du papier toilette, justement. Ah, le temps de cerveau disponible...
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Las ! Comment le locataire de l’Élysée resterait-il insensible à pareille asservissement ? Ne faudrait-il pas interpeller la présidence ? Eh bien... que l’on comprenne le dilemme qui écartèle Emmanuel Macron : certes, il porte à bout de bras cette « nation de lecteurs » qu’est le peuple français – quand il ne remet pas de médaille à un milliardaire qui a changé le livre en solution pour financer des voyages dans l’espace...
Mais si l'on se remémore de l'arrivée du jeune Manu, en septembre 2008, à la banque Rothschild, alors on saisira toute l'émotion qui se dégage de cette affaire. L’un de ses premiers dossiers fut… le rachat de Cofidis par le Crédit Mutuel : entre un peuple de lecteurs et une nation d'endettés avachis devant une télé, que préfère-t-on diriger ?
On saluera, au passage, la malédiction que l’écrivain Éric Pessan a jetée, en découvrant cette campagne : « Vaut mieux, en effet, se surendetter que de lire un livre. (Je leur souhaite des furoncles purulents au cul). »
Crédits photo : JESHOOTS.COM/ Unsplash
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Todike
13/03/2023 à 09:56
Très bien vu ! Je rajoute aux furoncles des morpions affamés !
D. L.
13/03/2023 à 10:21
« Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective business, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Or, pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible.
Patrick Le Lay, 2004, alors président-directeur général du groupe TF1.
lisabeth
13/03/2023 à 16:02
Et bien c'est un témoignage aberrant car il prouve finalement à quel point ils utilisent nos capacités mentales pour nous embobiner. Je dis souvent que la télé ou les pubs, c'est prendre notre temps de cerveau pour en faire quelque chose de vide. On regarde tout ça pour "passer le temps" , au lieu de profiter du temps pour faire quelque chose de constructif pour l'esprit.
nadine monfils
13/03/2023 à 10:29
Cette pub est débile ! On devrait faire une pétition contre ce genre de propos. Et merci Actualitte de nous tenir informés !
lisabeth
13/03/2023 à 16:00
Superbe article, je ressens souvent une opinion à contre-courant en regardant la télé (que je regarde de moins en moins), ou les pubs, car je vois à quel point elles déforment tout pour nous faire croire que leur produits ou services sont la solution. Comme d'avoir une voiture, pour être enfin "qui vous êtes". Le jour où les gens comprendront que cela se passe dans la tête, d'être soi-même...Bref, je vois souvent l'aberration des messages colportés par les pubs, c' est navrant cette manipulation.
Je n'ai pas vu la pub en question mais je pense que j'aurais réagi pareil. Car je pense souvent qu'on encourage trop les gens à acheter, posséder, ou penser qu'il faut forcément se composer une liste de séries netflix pour le week-end (c'est la norme du moment!), au lieu de les encourager à éteindre leur télé ou leur pc, et à trouver leur bonheur dans des passions créatives (au lieu d'aller acheter des vêtements ou du maquillage).
Bref, je suis contente de voir que certaines personnes comprennent comment la pub nous embobine, et déforme complètement les messages pour les faire coller à ce qu'ils veulent nous mettre dans la tête.
STEPHANE PASQUIER-MIYAZAKI
14/03/2023 à 17:53
Vous avez bien démontré la bêtise de la pub de Cofidis pour conclure sur une opposition cliché entre 2 médias, le livre et la télé. Sur 50000 livres paraissant chaque année, il y a fort à parier que plusieurs dizaines de milliers sont à jeter mais je n'en suis pas sûr parce que je n'ai pas tout lu. Inversement, il a beaucoup de chefs d'œuvres télévisuels et cinématographiques - tout le monde n'a pas un ciné Art & Essai à proximité de chez soi - à découvrir ou à redécouvrir sur son téléviseur. De même, la publicité inonde une grande partie de la presse et oriente singulièrement son contenu - ok c'est du papier journal, pas de la reliure -alors qu'il est possible d'utiliser son téléviseur sans regarder une pub avec les DVD et Blu-ray et les offres SVOD. C'est l'approche éclairée de la littérature, de la presse, de la télé, du jeu vidéo, etc, qu'il faut promouvoir et pas défendre l'un pour condamner les autres. Bon, ça s'est toujours fait dans l'histoire de l'imprimé, d'abord le livre contre la presse, la presse adulte contre la presse enfants, la presse enfants contre les illustrés, puis contre la télé, contre les jeux vidéos, la BD contre le webtoon, etc. Il ne suffira pas de condamner les autres pour redonner le gout de la lecture.
jujube
20/03/2023 à 20:40
Depuis quand la télé et les livres ont-ils quelque chose en commun? D'un côté l'image (qui, soit disant, dit ce qu'elle veut), de l'autre, les mots, beaucoup plus mystérieux et difficiles.
RUDD
23/03/2023 à 22:01
Il est bien normal de voir ce genre de pub, elle remet la réalité au centre : l'essentiel des clients potentiels ne veulent pas lire de livre, estimant que c'est bien plus ennuyeux que des séries. Dans un sens ils ont raison.