Le champagne est souvent présenté comme l’incarnation du luxe à la française en matière de vins. Cette appellation nous est enviée partout à travers le monde. Souvent copié, le champagne se retrouve rarement imité. C’est sans doute aussi la raison qui donne une place particulière à ce vin pétillant dans les œuvres littéraires. Une certaine magie se dégage à l’énoncé d’un tel vin.
Les vins de champagne, entre luxe et littérature
Quand on évoque champagne et littérature, on a immédiatement en tête Amélie Nothomb. Il faut dire que l’autrice de Stupeur et Tremblements a réussi avec brio à se construire un personnage, à coup de chapeaux noirs et de coupes de champagne. Impossible de passer à côté. Une marque de fabrique en somme. Mais, ce serait bien limitatif de s’en tenir à une telle référence quand on pense à la littérature et au champagne.
Le célèbre vin pétillant se retrouve évoqué dans de très nombreuses œuvres, car il est souvent synonyme de réussite, de fête, de bonheur. Un apéritif agrémenté avec du champagne rosé ou blanc, accompagne les moments particuliers de l’existence des personnages romanesques. Mais, sans s’en tenir uniquement au roman, on retrouve la trace de ce délicieux breuvage dans Le Mondain de Voltaire. Amateur de luxe, cet écrivain s’amuse à évoquer le saut du bouchon : « Il part, on rit, il frappe le plafond. / De ce vin frais l’écume pétillante / De nos Français est l’image brillante. » Le luxe à la française, selon Voltaire, en somme.
Une boisson synonyme de fête et de bonheur
Au XIXème siècle, le champagne est souvent évoqué comme la boisson qui rend heureux. Les affichistes sont nombreux à proposer des illustrations mettant en opposition un déjeuner où le champagne est servi et un autre où il n’y a que de l’eau, voire de l’eau chaude. Le contraste devient vite humoristique, sans référence cependant, comme cela se fait aujourd’hui, à la question de la modération dans toute consommation de breuvage alcoolisé…
Dans une de ses nouvelles publiée dans son recueil A se tordre (1891), Alphonse Allais, à la plume souvent acerbe, s’amuse à décrire la tentative manquée d’un peintre face à une modèle qui doit incarner une bacchante. Une solution s’avère rapidement toute trouvée : offrir à la jeune femme un déjeuner copieusement arrosé de champagne. Au retour dans l’atelier, il devint soudain nettement plus aisé au peintre de donner vie à sa bacchante face à une modèle devenue beaucoup plus vraisemblable dans son attitude !
Quand le champagne s’invite au cœur de la prose balzacienne
De son côté, Balzac, qui n’était pas le dernier en termes de bonne chère et de vins, se plait à raconter dans ses romans d’imposants banquets. Plus les heures s’écoulent, et plus les personnages semblent entrer dans des discussions qu’il devient de moins en moins facile à suivre ! Souvenons-nous de La Peau de chagrin, l’un des premiers grands succès de l’écrivain.
Dans ce roman, les personnages s’en donnent à cœur joie. Dans la première partie dénommée « Le Talisman », Raphaël de Valentin, ruiné, dans l’hésitation face à la perspective d’un suicide, prend possession, dans une boutique d’antiquités bien singulière, d’un curieux objet, une peau présentée comme magique mais aussi diabolique, par le tenancier des lieux. On voit ses vœux exaucés en contrepartie d’un rétrécissement du temps de vie. Armé de ce talisman, Raphaël se retrouve entraîné dans un banquet organisé par le banquier Taillefer.
Les vins coulent à flots et, rapidement, le repas prend des airs d’orgie. Pour ajouter de la confusion, l’hôte « fit avancer les terribles vins du Rhône, le chaud Tokay, le vieux Roussillon capiteux. » Dans un effet de personnification, les différentes boissons alcoolisées s’animent pour perdre les convives. « Déchaîné comme les chevaux d’une malle-poste qui part d’un relais, ces hommes fouettés par les flammèches du vin de Champagne impatiemment attendu, mais abondamment versé, laissèrent galoper leur esprit dans le vide de ces raisonnements que personne l’écoute. »
Cette fois, c’est une métaphore équine que s’amuse à filer le romancier, transformant les convives en chevaux incontrôlables, dans une vision quelque peu fantastique dont Balzac le réaliste a toujours le secret. L’effet est humoristique bien sûr, mais il offre aussi un tableau très stylisé de la scène de banquet comme le reflet d’une société de nouveaux riches épris de tous les excès. Raphaël de Valentin aura peine à s’en remettre.
Crédits illustration Pexels CC 0
Commenter cet article