L’Académie Goncourt a annoncé ce mardi 28 février l’élection de Christine Angot par ses pairs. Elle fera son entrée le 4 avril. En portant sa composition à 4 femmes pour 6 hommes, l’institution se dirige vers une relative parité.
Le 01/03/2023 à 09:36 par Zoé Picard
1 Réactions | 578 Partages
Publié le :
01/03/2023 à 09:36
1
Commentaires
578
Partages
L'autrice française de 64 ans, qui a remporté le Prix Médicis en 2021 pour son roman Le Voyage dans l'Est (2021, Flammarion), évoque régulièrement l’inceste et l’emprise paternelle qu’elle a subie. Un amour impossible (2015, Flammarion), Une semaine de vacances (2012, Flammarion), L’inceste (2020, J'ai Lu) et Le Voyage dans l’Est traitent tous de cet évènement.
Depuis quelques années, les langues se délient et témoignent des agressions, intrafamiliales ou non. Christine Angot se range aux côtés de Camille Kouchner (La familia grande, Seuil, 2021) et Vanessa Springora (Le Consentement, Grasset, 2020). Dans son ouvrage, cette dernière effectue par ailleurs une critique de la misogynie au sein du paysage culturel du siècle dernier.
L'auteure succède à Patrick Rambaud. Le jury avait officialisé, le 6 février dans un communiqué, la mise en retrait volontaire pour raisons de santé du romancier de 76 ans. Prix Goncourt pour La bataille (Grasset) en 1997, il était membre du cénacle depuis 2008.
Cette prestigieuse récompense créée en 1903 est un symbole de la littérature française. Les gagnants ne reçoivent qu’un chèque de 10 € mais c’est surtout la promesse pour eux d’un succès phénoménal en librairie.
À LIRE: Prix littéraires 2022 : quel impact sur les ventes de livres ?
Comme le rapportait France Culture, pour La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr (Philippe Rey, 2021), plus de 370.000 livres se sont vendus l'an dernier. Tandis que L'Anomalie d'Hervé le Tellier (Gallimard, 2020) a été tiré à plus d'un million d'exemplaires.
Comme si par une sorte d'inertie de l'histoire et de manière occulte, se perpétuait cette idée que les femmes ne sont pas dans l'excellence. Il n'y a pas un écrivain homme de ma génération qui cite ses contemporaines quand on l'interroge sur ses références littéraires, à part celles du Panthéon comme Marguerite Duras, Virginia Woolf ou Yourcenar... Et quand il les cite, c'est comme une espèce d'arrière-fond de l'histoire. Je suis sûre que mes contemporains ne lisent pas ce que j'écris : ce sont des "livres de bonne femme". Nous sommes des romancières, mais pas des écrivains à part entière.
- Anne-Marie Garat ancienne jury du prix Femina, propos rapportés par France Culture
En effet, malgré le luxe de l’institution, le Goncourt ne brille pas pour sa parité. Rappelons que le prix Femina, le jugeant misogyne, a été créé l'année suivante. Cela, pour proposer l’alternative d’un jury exclusivement féminin.
Désormais, face à six hommes, Christine Angot est la quatrième figure d’autorité féminine avec Camille Laurens (entrée en 2020), Paule Constant (depuis 2013) et Françoise Chandernagor (depuis 1995). Virginie Despentes avait été nommée en 2016, pour démissionner en 2020 en raison de la charge élevée de travail bénévole.
Par ailleurs, cette minorité numérique se fait ressentir dans le choix des lauréats. En 2022, Avec Vivre Vite, Brigitte Giraud est la 13e femme en 120 ans à remporter le prix, et non sans débats. La pionnière avait été Elsa Triolet pour son livre Le premier accroc coûte 200 francs. Et ce, en 1945, soit 42 ans après la naissance du prix. Avant la distinction de Brigitte Giraud, l’INA rappelait que les auteures représentaient seulement 10 % des primés.
Les mauvaises habitudes sont faites pour être abandonnées. L'académie commence elle aussi, à proposer un modèle égalitaire. Cette recherche d’équilibre s’inscrit dans une dynamique globale. Dans un article du New York Times paru en 2020, les jurés du Renaudot avaient assuré qu'ils éliraient une femme, par souci de parité.
Crédits photo : Christine Angot à la librairie Les cahiers de Colette, le 5 avril 2014 (Rendez-vous Christine Angot, CC BY 3.0)
1 Commentaire
Armance
03/03/2023 à 09:39
Le prix Fémina n'a pas été créé la même année que le Goncourt (1903) mais en 1904. Quant à Elsa Triolet elle a été la première à recevoir le prix Goncourt non pas 11 ans après sa création mais 42 ans après. Marguerite Audoux en 1910 n'était pas passée loin du Goncourt mais elle avait déjà reçu le Fémina.