BookBanUSA — Québécoise d’origine, Élise Gravel est une autrice et illustratrice de livres jeunesse qui réside au Canada. Ses ouvrages ont récemment été victimes de la censure aux États-Unis. Banni des programmes scolaires, l’un d’entre eux a toutefois été défendu par l’Assemblée nationale de son pays natal. Publié l’an dernier, Le Rose, le Bleu et toi ! traite des stéréotypes, de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.
Le 03/02/2023 à 12:41 par Fasseur Barbara
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Publié le :
03/02/2023 à 12:41
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En début de semaine, l’autrice faisait état sur ses réseaux sociaux de nombreux messages d’enseignants et de bibliothécaires d’établissements scolaires qui se voyaient dans l’incapacité de faire la lecture de l’album Le Rose, le Bleu et toi ! à leurs élèves. Elle apprend ainsi que son travail est à son tour frappé par la censure, notamment en Floride, dans le sud du pays. Elle confie au Devoir :
« Je m’attendais à ce que mon livre soit interdit dans certains États conservateurs et dans certaines commissions scolaires. Mais mon inquiétude va au-delà de mon livre. C’est le mouvement qui est derrière tout ça qui m’inquiète. »
- Élise Gravel, au Devoir
En effet, suite à des plaintes de parents d’élèves et en accord avec une loi, surnommée « don’t say gay » par ses opposants, que l’ouvrage a été retiré des bibliothèques de certains établissements de Floride. En Floride, cette législation récente interdit de parler, d’enseigner et d’éduquer sur les orientations sexuelles dans les écoles primaires publiques jusqu’à la 3e année, soit jusqu'à l'âge de 8 à 9 ans.
Le Rose, le bleu et toi ! n’est pas le premier titre de l’autrice québécoise à s’attirer les foudres des conservateurs américains. En 2018, La Tribu qui pue n’avait trouvé aucun éditeur américain à cause de ses représentations d’enfants nus. D'après eux, elles risquaient de déranger, alors qu’elles n’avaient bien entendu rien de sexuel. Une forme d’autocensure qui inquiète Élise Gravel.
Plus que de la censure et de la cancel culture, l’auteure rappelle que toute personne en possession du livre Le Rose, le Bleu et Toi! dans une école est passible d’arrestation.
Pour autant et comme souvent, le post Instagram de l’autrice et illustratrice québécoise, déplorant les retraits de l’album, a déclenché une vague de solidarité et permit un regain d’intérêt pour le titre en question. Tant et si bien que le cas est arrivé jusqu’aux oreilles de l’État québécois, bien décidé à défendre ses artistes.
C’est une première au sein de la vaste vague de censure que connaissent les États-Unis. L’Assemblée nationale québécoise a ainsi pris la défense de l’une de ses autrices et illustratrice.
Ce jeudi, les élus ont adopté une motion présentée par Manon Massé, co-porte-parole de Québec Solidaire. Elle y affirme que ce genre de censure « n’a pas sa place ni dans l’art ni dans la démocratie ». En plus de la motion, il a été reconnu par l’Assemblée nationale que Le Rose, le Bleu et toi ! « permettait de mieux faire comprendre l’inclusion, la tolérance et le respect de la diversité des orientations sexuelles et de genre. »
À LIRE: Suicide : un livre peut-il inciter à passer à l'acte ?
Suite à l’adoption de la proposition de Manon Massen, le député solidaire Alexandre Leduc a demandé à ce que le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, reçoive un exemplaire de la motion au même titre que l’ambassadeur américain au Canada. Il en sera de même pour la maison d’édition francophone de l’ouvrage, La courte échelle, le consul des États-Unis à Montréal et à Québec.
Si Élise Gravel est particulièrement touchée par cette vague de solidarité, elle n’en reste pas moins inquiète. Au-delà des États-Unis, et bien qu’elle ne craigne pas un changement de loi au Québec, elle s’appuie sur sa propre expérience, notamment sur les réseaux sociaux, pour conclure :
« Partout dans le monde et au Canada, il y a une frange de la population qui est en train de se mobiliser contre les droits des personnes LGBTQ+ et qui parle très fort et qui est très, très mobilisée et très violente dans ses propos ».
- Élise Gravel
Preuve en est s’il en faut, Todd Vandenbark, directeur de la bibliothèque publique du comté de Columbia à Dayton, dans l’État de Washington, explique ses difficultés avec l’ouvrage. Il avait été rendu disponible dans son établissement dans une sélection consacrée au mois des fiertés. Après avoir reçu des plaintes, il dévoile que certaines personnes ont profité des réseaux sociaux pour proférer des menaces.
« Une vague d’activité sur Facebook s’en est suivi, avec des messages traitant mon personnel et moi-même de pédophiles et de groomers [le fait d'utiliser une fausse identité pour piéger des mineurs sur internet, à des fins pédophiles, NdR]. »
Ces individus ont été encouragés à déposer des plaintes officielles et environ 90 d’entre eux se sont présentés à la réunion du conseil d’administration de la bibliothèque, ouverte au public. « Pour vous donner un peu de perspective, c’est un comté de 4000 habitants. Habituellement, seules une à deux personnes viennent à ces réunions du conseil d’administration. »
Todd Vandenbark se rappelle que la moitié d’entre eux ont demandé le retrait de certains titres en particulier liés aux communautés BIPOC [les personnes noires, autochtones et racisées] et LGBTQ dont Le Rose, le Bleu et Toi!. Il ajoute qu’un parent avait demandé à la bibliothèque de désherber le titre d'Élise Gravel pour « protéger les enfants des mensonges et des faux genres » rappelait-il à CBC.
Le conseil a finalement tranché, déplaçant certains ouvrages sur le consentement, la race et le sexe dans une section dédiée « lecture à faire avec les parents ». Elle est située « à une très courte distance » de la section des livres pour enfants. Toutefois Le Rose, le Bleu et Toi! est resté dans le domaine de la non-fiction pour enfants. Certains des membres de la communauté ont d’ores et déjà fait appel aux décisions du conseil.
Cet article a été corrigé : une première version indiquait que l'Assemblée nationale du Canada avait condamné la censure du livre d'Elise Gravel, alors qu'il s'agit de celle du Québec.
Crédits photo : Elise Gravel (YouTube)
DOSSIER - Aux États-Unis, une inquiétante vague de censure de livres
Paru le 01/01/2022
34 pages
La courte échelle
18,90 €
Paru le 25/08/2022
48 pages
Alice
16,00 €
Paru le 19/10/2017
32 pages
Les Fourmis Rouges
16,50 €
4 Commentaires
Clara Valse
03/02/2023 à 15:25
Il s'agit de l'Assemblée nationale du Québec. Les députés fédéraux (gouvernement canadien) siègent à la Chambre des Communes.
lina
03/02/2023 à 19:26
Bonjour,
On parle de l'Assemblée nationale du Québec, et non celle du Canada. C'est une députée provinciale qui a fait ce commentaire et non pas une députée fédérale canadienne.
Si ça avait été le cas, on parlerait plutôt de la Chambre des communes canadienne :)
Robert Beauchamp
05/02/2023 à 04:39
Comme journaliste, vous n'êtes pas très bien informée. Élise Gravel, auteure québécoise, réside au Québec. C'est bien l'Assemblée nationale du Québec qui a voté une motion de soutien à cette auteure très populaire au Québec, au Canada anglais et aux USA. Ce n'est donc pas l'état canadien qui s'est prononcé sur la question.
En espérant que vous aurez l'occasion d'approfondir vos connaissances sur le Québec, son édition et ses auteur.e.s, je vous suggère de lire régulièrement la revue Les libraires, publiée par les librairies indépendantes du Québec: https://revue.leslibraires.ca/
Pour davantage d'informations sur Élise Gravel:
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lise_Gravel
https://elisegravel.com/
Serge Bertin
05/02/2023 à 17:17
«L'Assemblée générale du Canada», vous êtes vraiment les champions de l'humour involontaire !!!