Avoir « la classe » comme on dit aujourd'hui revient souvent pour un homme à arborer avec une certaine distinction un beau costume. Si le choix en matière de garde-robe est plus restreint pour les hommes que pour les femmes, il y a tout un art qui s'immisce dans les détails pour rejoindre la catégorie tant recherchée du dandy !
Le 03/02/2023 à 11:03 par Victor De Sepausy
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03/02/2023 à 11:03
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Si l'origine même du terme « dandy » reste assez floue, on sait cependant que ce mot apparaît en Angleterre autour des années 1780. Il désigne alors un être masculin qui se joue des règles vestimentaires pour arriver à une certaine distinction, avec une recherche d'excentricité. On ne suit plus la mode, mais on la fait ! On devient la tendance.
Après avoir connu le succès dans les années 1810 à Londres, le terme s'invite en France durant la Restauration, époque connue pour son anglomanie particulièrement marquée. De Balzac à Stendhal, en passant par Eugène Sue et Baudelaire, on cultive l'usage de mots anglais, et on affectionne tout particulièrement ce que recouvre le mot dandy.
Barbey d'Aurevilly mais aussi Villiers de l'Isle Adam se reconnaîtront également derrière ce qualificatif tout en lui donnant une valeur esthétique voire spirituelle. Cependant, la caractérisation de l'élégance vestimentaire masculine reste importante dans le sens le plus répandu de ce terme.
Balzac incarne à plus d'un titre la figure du dandy au XIXème siècle. S'il s'est adonné à sa représentation dans son immense œuvre La Comédie humaine, il rechercha lui-même à se construire une image de dandy, quitte à y laisser un argent fou ! A travers son Traité de la vie élégante, paru en 1830, l'écrivain brosse un portrait d'une rare acuité sur l'importance du vêtement sous la Restauration.
L'auteur d'Illusions perdues s'amuse à affirmer que « L'homme qui ne voit que la mode dans la mode est un sot. La vie élégante n'exclut ni la pensée, ni la science ; elle les consacre. » Avec son art indépassable d'affirmer comme des vérités indiscutables ce qui ne relève que de sa pensée du moment, Balzac distingue trois classes d'hommes.
Il y a l'homme qui travaille, celui qui pense et celui qui ne fait rien. Le premier est occupé, le deuxième est un artiste et le troisième incarne la vie élégante. Se jouant de la mode des traités qui mettent en règles définitives la vie de l'époque, Balzac multiplie les aphorismes tous plus plaisants les uns que les autres, car le ton est délibérément léger. Ainsi, « Il ne suffit pas d'être devenu ou de naître riche pour mener une vie élégante : il faut en avoir le sentiment. »
Si aujourd'hui, on se moque souvent des costumes souvent maladroitement portés par les vendeurs de voiture et autres banquiers de bas étage, voire d'agents immobiliers en mal de réussite, c'est bien qu'il y a l'art et la manière. Il ne suffit pas de revêtir un costume pour paraître bien habillé. Il faut avoir une forme d'aisance naturelle qui rend inséparables l'homme et le vêtement, comme si le second venait naturellement habiller le premier.
Il n'est alors question ni de prix, ni véritablement de coupe, ou de matière, voire de couleur, mais plus sûrement d'une assurance, celle de porter un vêtement que l'on met en valeur…et non l'inverse ! Chassez de notre vue tous ces vêtements qui affichent en grand une marque, transformant ceux qui les portent en panneau publicitaire, fiers de se cacher derrière un nom ou un logo célèbres, alors même qu'ils se renient, qu'ils écrasent précisément ce qui pourrait constituer leur dandysme, leur singularité propre.
Plus d'un dandy du XIXème siècle portant canne travaillée, costume de toile fine, gants blancs et chapeau noir se retournerait dans sa tombe s'il assistait au défilé de tous ceux qui pensent avoir réinventé le dandysme. Ecoutons encore Balzac qui s'amusait à affirmer : « Un homme devient riche ; il naît élégant. » Il faut toujours rechercher une forme de distinction, faite de finesse, tout en paraissant ne pas l'avoir recherchée, ce que l'on nommait la sprezzatura (nonchalance) au XVIème siècle, à l'initiative de Baldassare Castiglione qui s'y connaissait en termes d'élégance si l'on en croit son Livre du courtisan publié avec grand succès en 1528.
Crédits illustration Pexels CC 0
Par Victor De Sepausy
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