Ce lundi on votait, à l’Académie Goncourt. La réélection de Didier Decoin, en poste depuis 2020, était tout sauf assurée. Les raisins de la colère au sein de l’institution ont mûri à l'automne : l’annonce des finalistes du prix, à Beyrouth, a provoqué un schisme – ceux qui s’y sont rendus et ceux qui ont refusé. Et ce, après des propos virulents du ministre libanais de la Culture, Mohammad Mourtada.
Le 17/01/2023 à 16:00 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
17/01/2023 à 16:00
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La nécessité de 14 tours de scrutin pour choisir la lauréate a achevé de consolider les dissensions. « Lors de l’assemblée générale de ce jour, le bureau de l’académie présidée par Didier Decoin a été reconduit par 8 voix pour, 1 voix contre », indique le compte Twitter. Les jurés, réunis chez Drouant, comme à l’accoutumée n'ont pas dévoilé celui ou celle à qui la voix unique fut attribuée. Alors, fin des hostilités ?
Avant le vote, la presse soulignait que Decoin ne fédérerait peut-être pas. Ce dernier répondait alors, début décembre : « Si on me fait comprendre que je dois céder la place, je n’insisterai pas. » Son prédécesseur, Bernard Pivot, avait porté la charge entre 2014 et 2019...
Antisionisme et vote compliqué
Retour au Liban, durant le Festival du livre de Beyrouth, ce 8 octobre. Mohammad Mortada, ministre de la Culture libanais, critiquait dans un tweet la présence d’auteurs français lors de la manifestation. Et de pointer ceux « ayant embrassé les projets sionistes dans la pensée et la pratique, les soutenant aussi bien dans leurs travaux littéraires que dans leur vie quotidienne ».
Supprimé le jour même, le tweet a tout de même eu le temps de faire des dégâts : cinq écrivains français annulèrent leur venue – et parmi eux, quatre membres de l’Académie Goncourt, Éric-Emmanuel Schmitt, Tahar ben Jelloun, Pascal Bruckner et Pierre Assouline. Ces derniers déploraient « la dégradation générale de la situation au Liban », considérant qu’il valait mieux déprogrammer l’annonce de la sélection en signe de protestation.
Cinq autres jurés, dont Didier Decoin, et l’ensemble du bureau, soit le secrétaire Philippe Claudel et la trésorière Camille Laurens, avaient estimé de leur côté que la meilleure réponse était de maintenir le voyage à Beyrouth. On a alors parlé de véritable scission.
Symptôme de cette opposition, le vote début novembre où deux camps ont choisi entre la lauréate, Brigitte Giraud, et son roman Vivre vite, et l’ouvrage phénomène de Giuliano da Empoli, Mage du Kremlin, sans concession, au cours de 14 tours de scrutin. C’est Didier Decoin et sa double voix qui a fini par départager les deux auteurs.
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L’Académie compte provisoirement neuf membres après le départ en décembre, pour raisons de santé, de Patrick Rambaud. Du camp des « anti-Beyrouth », il avait également voté pour Giuliano da Empoli pour le Goncourt 2022.
Le successeur de M. Rambaud doit être désigné à une date indéterminée. La réélection de Didier Decoin semblerait révéler un apaisement du conflit, en attendant les prochains votes. Personne n’a claqué la porte du jury depuis Aragon en 1968.
Crédits photo : Lionel Allorge (CC BY-SA 3.0)
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
1 Commentaire
Arthur Magnus
17/01/2023 à 17:04
Bonsoir Hocine Bouhadjera.
"Les jurés, réunis chez Drouant, comme à l’accoutumée n'ont pas dévoilé celui ou celle à qui la voix unique fut attribuée.", écrivez-vous.
D'après mes espions chez Drouant, cette voix était en faveur de Nicolas Gary. Sûrement l'œuvre d'un juré distrait ayant oublié que Nicolas Gary ne pouvait être élu, n'étant pas membre de l'académie G.
:)