En Italie, cette année 2022 a vu la floraison de quelques nouvelles maisons d’édition. Des petites structures indépendantes aux nouvelles marques des grands groupes, des maisons d’édition avec un ancrage territorial profond à des « objets volants non identifiées », voici un petit voyage à la découverte des nouveaux projets qui émergent dans le paysage éditorial italien.
Le 29/12/2022 à 16:20 par Federica Malinverno
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29/12/2022 à 16:20
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La maison d'édition Accento a été fondée à la mi-octobre 2022 - les trois premiers livres sont sortis fin octobre - par le présentateur de télévision et de radio Alessandro Cattelan. La direction éditoriale a été confiée à l'écrivain, éditeur et auteur Matteo B. Bianchi, qui a déjà de nombreuses expériences dans le secteur éditorial.
Il est le fondateur de la revue « ‘tina », avec laquelle il s'occupe de scouting littéraire depuis 1996, et directeur de l'un des podcasts les plus populaires en Italie sur le monde de l'édition, Copertina (storielibere.fm), qui compte plus de soixante épisodes.
L'idée d'Alessandro Catalan est simple : « Je voudrais ouvrir une maison d'édition qui aide les jeunes et les débutants. Notre structure sera extrêmement attentive aux premiers romanciers, et s'efforcera de leur donner le soutien dont ils ont besoin pour s'établir sur le marché de l’édition », explique Matteo B. Bianchi, à Il Giornale della Libreria.
Cependant, se concentrer uniquement sur les premiers auteurs est sans aucun doute un risque pour l'économie d'une maison d'édition. En effet, la stratégie éditoriale consiste en la création de trois collections consacrées à trois projets éditoriaux différents : Accento Acuto, destiné à « découvrir des voix nouvelles, pointues et aiguës qui nous parlent de la réalité dans laquelle nous vivons », selon Matteo B. Bianchi ; Accento Grave, dans lequel sont publiés des titres d'auteurs italiens et étrangers injustement oubliés (d'où la réédition des titres plus anciens) ; Dieresi, qui publie des « essais pop, qui racontent la réalité de manière amusante et inhabituelle », explique Matteo B. Bianchi, toujours à Il Giornale della Libreria.
Le repêchage choisi pour le mois d'octobre est le best-seller des années 1990 de Melissa Bank, décédée cet été, intitulé Manuale di caccia e pesca per ragazze (Manuel de chasse et de pêche pour les jeunes filles), réédité avec une préface de Paolo Cognetti. Deux premières parutions ont également été publiées, le livre de Raffaella Mottana, Senza respiro (À bout de souffle), qui raconte le traitement douloureux d'un deuil, et Tutto ciò ciò che poteva rompersi de David Valentini, un roman composé de cinq longues nouvelles se déroulant à l'époque de la pandémie de coronavirus.
La parution la plus recente témoigne enfin d'une volonté d'investir non seulement dans les auteurs débutants, mais aussi dans un genre qui suscite traditionnellement des doutes chez les éditeurs, à savoir un recueil de nouvelles écrites par des auteurs de moins de 25 ans, Quasi di nascosto.
En décembre, la naissance d'une autre maison d'édition italienne a été annoncée : elle se concentre sur la non-fiction et en particulier sur la réflexion collective pour comprendre et changer le monde. C'est la maison d'édition Timeo, née entre Rome et Palerme d'une idée de Corrado Melluso, Federico Campagna, Federico Antonini et Assunta Martinese.
Cette structure tire son nom de l'œuvre philosophique éponyme de Platon, un dialogue qui révèle également l'approche dialectique et le désir de contact avec les lecteurs qui animent cette maison. Elle traitera principalement de non-fiction, notamment d'écologie, d'histoire, de sociologie, d'économie, de philosophie et de design.
Timeo, dont le logo (†*) est le « résultat de l'inversion des glyphes indiquant la naissance et la mort dans les indications bibliographiques », publiera 15 titres par an à partir de février 2023.
Corrado Melluso, son fondateur, a été directeur éditorial chez Baldini & Castoldi (qui appartient aujourd’hui au groupe de La Nave di Teseo) et a participé à la création d'une collection, Not, au sein de la maison d'édition indépendante NERO. Il considère que la clé du succès est de « ne faire que des livres que l'on aime ».
Il explique à Il Libraio comment il a pu profiter du plan PNRR (Piano Nazionale Ripresa e Resilienza) pour financer son projet de maison d'édition : « Lorsque j'ai vu la possibilité de bénéficier de facilités de crédit dans le cadre du PNRR, je me suis mis à concevoir un business plan. »
Corrado précise le désir de se concentrer sur « des publications sur la philosophie, la sociologie, l'esthétique, l'écosophie et l'économie, et aussi sur la fiction, en abordant chaque sujet d'un point de vue au moins inhabituel, avec des livres qui ne sont peut-être pas immédiatement identifiables dans la taxonomie classique du commerce du livre, mais qui, pour cette raison même, savent mettre les lecteurs au défi de trouver de nouvelles catégories de lecture et de pensée ».
L'objectif est donc de stimuler le lecteur à travers des œuvres qui proposent une nouvelle vision du monde et qui peuvent conduire au passage de la réflexion à l'action : « Parce que, finalement, l'idée à la base de cette marque éditoriale est précisément celle-ci : partir de la pensée philosophique et, pourquoi pas, de la pensée poétique, pour redéfinir le sens politique de nos actions quotidiennes. »
Parmi les premières œuvres qui seront proposées, on trouve une réédition de l'Utopie de Thomas More, dont la première édition remonte à 1516, ainsi que Deep Listening, signé par Pauline Oliveros, et The White Paper de Satoshi Nakamoto, publié en 2008, sur l'origine du bitcoin et de la blockchain.
La maison d'édition sera associée à un projet numérique : Time0, que le fondateur de la nouvelle structure définit comme « un site de contenus collectifs et partagés : pas un magazine en ligne, mais un agrégateur chaotique dans lequel les lecteurs pourront intervenir directement ».
En mai, un autre projet éditorial a vu le jour à Venise : celui d’une maison d'édition ancrée dans son territoire et attentive aux questions de durabilité sociale et environnementale : wetlands. Les textes explorent des thématiques environnementales, urbaines, sociales, anthropologiques et culturelles et se situent à mi-chemin entre la fiction et la non-fiction.
Cette maison est une entreprise sociale à but non lucratif, qui « s'inspire des principes d'égalité, de participation, d'appréciation de la diversité, de respect de l'environnement et de pluralisme culturel ».
La relation avec la ville de Venise se manifeste dans la production du livre (tous les livres sont imprimés dans cette même ville, par une main-d'œuvre locale, sur du papier éco-durable), mais aussi sur le plan thématique.
En effet, le plan éditorial est structuré en trois collection qui tournent autour de Venise : Mude, qui accueille « des livres, principalement d'auteurs étrangers, qui relient Venise à d'autres lieux/réalités du monde » ; Fondamenta, avec « des livres qui parlent de la ville de Venise, de son histoire et de son environnement, à partir de perspectives toujours originales » ; et Barene, avec des textes sur les humanités environnementales (en collaboration avec l'université de Ca' Foscari).
Parmi les auteurs prévus pour 2022-2023 figurent Frank Westerman, Régis Debray, Tash Aw, Isham Matar, Robert Davis, Claire Judde de Lariviere, Giandomenico Romanelli, Costanza Jesurum et d'autres. Le plan de publication prévoit 15 textes entre 2022 et 2023, puis une dizaine de nouveaux titres par an pour les années suivantes.
Nous avons parlé de projets d'édition indépendants et aussi des petites structures locales. Cependant, les grands groupes ont aussi investi dans la création de nouvelles marques et projets éditoriaux. Un exemple, annoncé en avril 2022, est Orville Press, une nouvelle marque d'édition conçue par Matteo Codignola et soutenue par la maison d'édition Garzanti, fondée en 1939 et appartenant au groupe d'édition Mauri Spagnol depuis 2005.
C'est donc Matteo Codignola, après avoir travaillé de nombreuses années pour la maison d'édition Adelphi en tant qu'éditeur et traducteur, qui est à la tête de ce projet plutôt varié, qui « prévoit la publication d'auteurs italiens et étrangers et s'intéressera à des domaines très différents, de la science au divertissement, de la photographie à l'art et au sport, en passant par la fiction et le reportage ».
« Orville Press est toujours un objet volant non identifié, un OVNI », explique Matteo Codignola à Il Libraio, « tout comme l'étrange machine que nous voulions comme logo, et qui, lorsqu'elle s'est détachée de la pelouse de Kitty Hawk, n'avait même pas de nom, bien qu'Orville Wright lui en ait trouvé un dans son ancien métier, la typographie : Flyer ». L’objectif de cette maison est donc de faire comme cette machine : « survoler le paysage environnant, juste assez pour le voir sous un angle inattendu ».
Les deux premiers livres d'Orville Press sont prévus pour février 2023. Le premier titre qui sortira est Box Hill d'Adam Mars-Jones, « l'histoire très explicite de l'amour entre un garçon et un motard beaucoup plus âgé que lui ». Le second titre prévu, La tempesta è qui, par Luke Molgelson, est un long reportage sur l'Amérique profonde et largement méconnue qui a conduit Donald Trump à la Maison Blanche.
Crédits photo : Francois R Thomas (CC BY SA 2.0.)
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