Boomerang, sur France Inter, puis 21 CM /21 CM+ pour le compte de Canal +, avant de quitter la chaîne cryptée et d’embrayer avec Plumard pour BrutX : Augustin Trapenard poursuit sa carrière de critique littéraire désormais dans La Grande Librairie. Succéder à François Busnel, pas une mince affaire. Depuis le 7 septembre, sur France 5, le voici officiant au contact des auteurs les plus divers et variés. Et soigneusement sélectionnés ?
Le 19/12/2022 à 17:14 par Nicolas Gary
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Publié le :
19/12/2022 à 17:14
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Dans le mercato des présentateurs télévisés, le remplacement de François Busnel — qui reste producteur de La Grande Librairie, à travers sa société Rosebud Productions — n’était pas une mince affaire. Quand l’information tombe, début juillet, les vacances estivales s’annoncent studieuses pour le prochain animateur.
Rosebud Productions est une machine de guerre : avec 2,37 millions € de chiffre d’affaires, pour 762 k€ de résultat net, la croissance est constante depuis 2015. Et malgré un repli du résultat entre 2015 et 2017, la boîte connaît depuis une embellie des plus appréciables. Son gérant, désormais plus intéressé par la réalisation de films, n'a pas abandonné les livres : avec La P’tite librairie, il anime une capsule quotidienne abordant romans, essais, classiques ou encore bandes dessinées.
Mais La Grande Librairie reste le fer de lance : une marque d'autant plus choyée que la concurrence sur le PAF littéraire ne parvient pas à destabiliser le leader. Ancrée, et solidement, elle occupe une place de choix dans le paysage audiovisuel et l'audimat.
Pause hivernale oblige, elle reprendra le 4 janvier, à 21 h, sur France 5 : tout va bien. Pour partager la galette des Rois, on retrouvera Philippe Besson (Ceci n’est pas un fait divers, Julliard), Véronique Ovaldé (Fille en colère sur un banc de pierre, Flammarion), Camille Froidevaux-Metterie (Pleine et douce, Sabine Wespieser). Tous trois ouvriront le bal de la rentrée de janvier avec leurs romans.
Et avec eux, Marie-Hélène Lafon, dont plusieurs ouvrages sont réédités par son éditeur, Buchet Chastel – Les Sources, Joseph, Nos Vies, Les Pays, L’Annonce, Les Derniers Indiens, Mo, Sur la photo, Le Soir du chien. Elle publiera également avec Luc Baptiste, en mars 2023, Hors d’ici (Bleu autour). Amusant, la romancière était invitée pour la dernière de La Grande Librairie que présenta François Busnel, le 6 juillet dernier.
À sa tête, Augustin Trapenard assurait qu’il s’inscrivait dans la continuité tout en apportant sa patte personnelle. Si François Busnel s’était fait tirer l’oreille pour avoir convié sa compagne Delphine de Vigan sans l’avoir signalé, l’animateur s’était par la suite gardé de toute dérive.
Pour cette 15e saison, quid alors de la diversité ? Des maisons se frottaient les mains, à l’arrivée du présentateur sur France 5. En mai 2021, il annonçait dans Telerama la création d'une nouvelle chronique littéraire sur BrutX, avec cette déclaration : « Ma liberté de ton n’en sera que plus grande. »
Un léger coup de griffe à l'époque 21 CM et 21 CM+, diffusées par la filiale de Vivendi ? Quand on lui demandait si le groupe avait poussé des auteurs du groupe Editis, forme de pression qui aurait déclenché son départ, il répondait : « Il y a eu une multitude de déclencheurs. Effectivement, j’ai reçu des e-mails, avec des demandes. Jusque-là, j’avais eu une liberté éditoriale totale. Incarner Canal+ devenait de plus en plus difficile. »
Et de conclure : « Ce que je suis ne convenait plus à Canal. Il me fallait quelque chose de nouveau. Je n’ai aucune colère. Je suis parti avec un grand sourire. » Langage policé, loin de toute polémique… Pas vraiment ce qu’on lisait dans Le Parisien, lors de l’annonce du départ de Canal +, en décembre 2020.
« On lui a fait comprendre qu’il devait être plus corporate, qu’il devait recevoir plus d’auteurs du groupe », glisse un salarié de la chaîne cryptée. « Augustin, lui, voulait conserver sa liberté éditoriale ce que Canal+ ne pouvait plus lui garantir », assuraient des sources anonymes. Jamais contestées…
Editis se défend d'avoir jamais tenté d'imposer quoi que ce soit à l'animateur. Créer des liens entre les sociétés d'un même groupe avait du sens, le dernier exemple, avec Marc Levy, le démontre amplement.
Or, dans les circonstances du passage de témoin, ils furent nombreux à se dire que l’animateur éclipserait volontiers les maisons d’Editis dans sa grille de programmation.
Les chiffres sont éloquents : soixante-cinq auteurs invités, contre soixante-trois pour des ouvrages précis. Et sur l’ensemble, 30 maisons d’édition représentées. Une diversité relative — l’émission entièrement consacrée à Annie Ernaux pour son Prix Nobel de littérature confère à Gallimard un avantage notable.
D’ailleurs, la maison aura bénéficié de huit invitations, contre sept pour Le Seuil (incluant les éditions du Sous-Sol, devenues un de ses départements en novembre 2014 et Points, la filiale poche). Grasset en aura profité à sept reprises également — voilà pour le top 3, soit près de 37 % du temps d’antenne. L’hydre Galligrasseuil a de beaux jours devant elle… dédaignée par le Goncourt, la voici revenue par la fenêtre cathodique.
Chez les grands faiseurs, plusieurs sont notablement absents : Dupuis, Futuropolis ou Delcourt pour la BD (bien que la collection Noctambule de la filiale Soleil ait trouvé une place), personne en littérature jeunesse, même avec l’excuse que fournissait le Salon du livre de Montreuil. Idem pour le manga, genre occulté, et ainsi de suite.
Mais une légère réorganisation cette comptabilité, les Chiffres donnent une autre vision des Lettres : en cumulant les maisons par groupe éditorial, on aboutit à une autre lecture. La holding Madrigall d’Antoine Gallimard accapare 16 invitations, le groupe Hachette Livre en cumule 14 quand Média Participations en compte 10. Quid d’Editis ? 5 ouvrages présentés durant l’émission. Vengeance
Au final, Humensis aura eu 2 titres conviés — les autres structures sont indépendantes, à l’exception de Tallandier, appartenant à Artémis.
Bien entendu, les choix éditoriaux n’ont pas à être guidés par des impératifs économiques – ce qui aboutit à ce que le 2e groupe français soit le 4e en termes de visibilité. Augustin Trapenard avait déjà exposé une partie de sa méthodologie dans Telerama, en parlant de Plumard sur BrutX : pas de primo-romanciers, pour « interroger une œuvre complète », ni de politique.
D’autre part, son propre avis ne guiderait pas les sélections, n’ayant pas à se poser en « tribunal du bon goût ». Pas question d’asséner les siens, « je préfère questionner, et avoir un champ culturel le plus large possible », assurait-il. En prenant les rênes de La Grande Librairie, il avait obtenu « une liberté totale du point de vue éditorial, de la programmation », condition sine qua non (via TéléLoisirs).
Et d’ajouter : « Je vais tenter d’apporter une nouvelle couleur. Ça fait quinze ans que je fais ce métier, je ne suis plus un perdreau de l’année ! Je veux une émission tournée vers l’éclectisme, l’échange entre les invités, la passion et la transmission. »
Les données sont éloquentes : un quart d'antenne pour Madrigall, 22 % pour Hachette Livre, 16 % pour Média Participations et 8 % pour Editis, soit 71 % d’audience distribuée en quatre groupes. Les choix opérés n’en demeurent pas moins respectables : les interroger ne fait simplement pas de mal.
Rappelons qu’en 2019, le programme télé avait fait l’objet de récriminations : une pétition déplorait que François Busnel n’invite que des auteurs et autrices publiés par de « grandes maisons d'édition », au détriment des structures plus petites. La Grande Librairie a été contactée par ActuaLitté : nous mettrons l'article à jour suivant leurs réponses.
Crédits photo : La Grande Librairie
Paru le 05/01/2023
208 pages
Julliard
20,00 €
Paru le 04/01/2023
304 pages
Flammarion
21,00 €
Paru le 05/01/2023
280 pages
Sabine Wespieser Editeur
20,00 €
Paru le 05/01/2023
144 pages
Buchet-Chastel
17,00 €
Paru le 03/03/2023
128 pages
Bleu autour
27,00 €
4 Commentaires
Actualisant
21/12/2022 à 15:43
Non Trapenard n’est tenu à rien légalement. On pourrait dire, en revanche, que le service public n’a pas vocation à favoriser telle ou telle entreprise privée par rapport aux autres et à une vocation de diversité.
France 5 achète certes à Rosebud productions. Donc n’a pas de contrôle sur la programmation, mais a des obligations de pluralisme qu’elle doit imposer à ses producteurs aussi…
Par ailleurs ou en sont les petits éditeurs indépendants dans tout ça? Trapenard est le pur produit du germanopratisme bon teint rive gauche
Rurumumu
24/12/2022 à 14:11
Des émissions littéraires filmées à Paris, qui font la promotion d'ouvrages édités par des maisons parisiennes et ça se passe sur des chaînes établies à Paris. Elle est belle la diversité française!Et pendant ce temps, venant notamment des grandes métropoles, aucune réaction. C'est quand la révolution?
Laurence
29/12/2022 à 20:45
Mouaif... Trapenard ou Busnel, c'est bonnet blanc et blanc bonnet !
Pour ma part, pourtant bibliothécaire et devant donc faire une veille littéraire quasi quotidienne, je ne regarde plus cette émission qui ne m'apporte rien. Absolument rien.
Je préfère de loin écouter les conseils des libraires, ou suivre Actualitté ou lire Page des libraires (dommage cependant que ce soit un trismestriel...)
Et vous, c'est quoi vos bons plans pour suivre l'actualité littéraire et découvrir des pépites ?
Roljo
03/01/2023 à 06:15
Le matin, je me branche, générique la grande librairie, pour commencer la journée, motivant et vive la vie.