Un passionné d’art et d’Histoire, Álvaro J. Sanjuán, ou Otto Mas, a créé un podcast, Grandes Maricas de la Historia (Les grands pédés de l’Histoire), où il évoque les personnalités homosexuelles cachées des temps anciens. De ce travail, il a tiré un livre du même nom. D’Isaac Newton à Tchaïkovski, en passant par Léonard de Vinci et même Richard Coeur de Lion, « Il y a certes toujours eu des homos, mais c’est autre chose de les rendre visibles ».
Le 02/11/2022 à 14:58 par Hocine Bouhadjera
8 Réactions | 2676 Partages
Publié le :
02/11/2022 à 14:58
8
Commentaires
2676
Partages
Empereurs, rois, écrivains, intellectuels ou artistes.... De la Grèce classique à la Rome antique, puis le Moyen Âge, la Renaissance ou le XIXe siècle, les grandes figures homosexuelles sont « outées » par Álvaro J. Sanjuán.
Ce dernier a débuté un travail méthodique de redécouverte des personnalités « uraniennes » dès l’âge de neuf ans, à travers le compositeur russe Piotr Tchaïkovski. Au fil du temps, la liste s’allonge, jusqu’à devenir un blog en 2008, plus tard un podcast, et aujourd’hui un ouvrage publié chez l’éditeur, Plan B, en Espagne le 15 septembre dernier.
Pour son émission et ce livre, il s’est par ailleurs appuyé sur les différentes recherches d'universités américaines, anglaises ou françaises, menées à partir des années 1960 et 1970. Peu diffusées, car trop scolaires, il a souhaité les vulgariser pour le plus grand nombre.
Pourquoi révéler leur homosexualité ?
« Une histoire séculaire de persécution nous précède », développe-t-il auprès d’El Diario, et d’ajouter : « Du IVe au XVIIIe siècle, il a existé des lois spécifiques réprimant ce qu’on appelait alors, la sodomie », dans des sociétés où les dogmes religieux s’imposaient dans des villes comme la Florence de la Renaissance, où « les amitiés particulières » étaient pratiquées dans des proportions élevées.
Face aux questionnements sur la nécessité ou non de révéler l’homosexualité de tous ces personnages, le professeur d’histoire de l’art répond par une autre interrogation : « S’il n’est pas capital de parler de l’homosexualité de Léonard de Vinci, pourquoi est-il crucial de discuter de l’hétérosexualité d’Henri VIII ? » Et de continuer : « Le nombre de femmes avec lesquelles il était est répété maintes et maintes fois et personne ne dit “qu’importe avec qui il a couché”. En outre être gay, c’est plus que coucher avec quelqu’un. »
De cette liste de noms découle une autre question : comment être assuré de cette homosexualité ? « Je dirais que c'est presque certain à 100 %. Les preuves sont claires et évidentes. Dans de nombreux cas, nous avons des lettres ou des témoignages de l’époque. Il s’agit de preuves circonstancielles, mais nous devons garder à l’esprit que personne n’aurait pu l'écrire explicitement, puisque qu’ils auraient risqué essentiellement la peine de mort. » Il ne nie pas en revanche la bisexualité éventuelle de certaines de ces figures.
D’Alexandre le Grand à George Washington
Álvaro J. Sanjuán est formel : l’homosexualité de Cervantes, Shakespeare, George Washington, Hans Christian Andersen, Michel-Ange ou Alexandre le Grand « a été gommée » par « l’historiographie traditionnelle ». Il développe : « Elle a toujours été effacée au moment où ils devenaient des personnalités importantes ou des personnages historiques. » Il cite l’exemple du petit-neveu de Michel-Ange qui avait décidé d’imprimer l'œuvre poétique de l'artiste avant de se rendre compte que le maître s’adressait aux hommes. Il a alors changé les terminaisons et accords pour transformer le masculin en féminin...
En outre, il rappelle les procès de Léonard de Vinci accusé avec plusieurs habitants de Florence, de sodomie, pour des raisons largement politiques, ou celui d’Oscar Wilde qui termina en prison. Newton a vécu de son côté 15 ans avec un homme, un autre professeur à l’Université. Plus tard, il rencontre Nicolas Fatio, aussi scientifique, à qui il a envoyé plusieurs lettres lui proposant de résider avec lui.
Quant à Richard Coeur de Lion, plus surprenant, les chroniqueurs de son règne évoquent une flagellation en 1191 « pour un péché indiscutablement d’ordre sexuel », « probablement un accouplement avec les hommes », affirme Histoire Normandie. Néanmoins, en parallèle, le chroniqueur Roger de Hoveden prête au souverain « des ardeurs libidineuses » à l’encontre de femmes qu’il n’hésitait pas à enlever...
Au sujet du grand auteur de l’Espagne, Miguel de Cervantes, Álvaro J. Sanjuán explique : « Aujourd’hui, nous pouvons penser qu’il était homosexuel. Il évoluait dans des milieux homosexuels dans une époque où être un inverti signifiait être potentiellement exécuté. Ce serait donc étrange qu’un hétérosexuel mette sa vie en danger de la sorte. » En outre, jusqu’au XXe siècle, son ascendance juive a également été cachée.
L’un des plus importants guerriers de la France d’Ancien Régime, Le Grand Condé, était lui célèbre pour son homosexualité, jusqu’à être contraint par le Roi Louix XIV lui-même, à épouser une femme. Virilité et hétérosexualité ne sont ainsi, historiquement, tout sauf liées.
À LIRE:Interdire la propagande gay... jusque dans la littérature classique ?
À propos de La Recherche de Marcel Proust, juif et homosexuel, Antoine Compagnon nous avait confié il y a peu : « Il n’était pas question pour Proust de faire de son héros et narrateur un juif ou un inverti. Les choses ont changé depuis : il m’est arrivé de dire que pendant longtemps, il était lu, bien qu’il fut juif et homosexuel, et puis il est arrivé une période, à partir des années 70-80, où, au contraire, on s’est beaucoup intéressé à cette œuvre, parce qu’elle était celle d’un juif et d’un homosexuel. Les sensibilités évoluent et peuvent encore évoluer. »
Depuis la saison 2 de son podcast, Álvaro J. Sanjuán traite aussi des lesbiennes cachées de notre Histoire partagée.
Crédits visuel : Plan B
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
Paru le 06/03/2019
105 pages
Presses Universitaires de France - PUF
8,50 €
Paru le 17/10/2001
286 pages
Editions de La Martinière
23,30 €
Paru le 20/09/2018
265 pages
Jourdan Editeur
19,90 €
8 Commentaires
Lectrice
03/11/2022 à 15:12
Bonjour ! Voilà un travail de recherche super intéressant !
Mais difficile de trouver le livre : l'article ne contient ni couv, ni date de parution, ni prix. Pas de référence non plus sur le site internet de la maison d'édition Plan B, ni sur ses réseaux sociaux, ni sur Electre...
amparo
14/05/2024 à 16:00
En Espagne on peut le trouver ici
ISBN: 9788418051623
https://www.casadellibro.com/libro-grandes-maricas-de-la-historia/9788418051623/13099311
Planel
04/11/2022 à 18:08
Quel est le titre du livre? L'éditeur?
scorpio
06/11/2022 à 08:15
Rien de nouveau : "Dictionnaire historique des homosexuel.le.s célèbres", Michel Larivière, La Musardine, 2017. Précédé de "Homosexuels et bisexuels célèbres: le dictionnaire", du même auteur, Delétraz, 1997.
https://www.babelio.com/livres/Lariviere-Dictionnaire-historique-des-homosexuelles-celebr/992199
https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Larivière
Kings
08/11/2022 à 16:11
Allez, bien sûr, encore le fruit de recherches de militants qui essaient continuellement de démontrer que l’homosexualité est un signe de supériorité intellectuelle et créative. Combien en ai-je entendu avoir ce discours !
Tissu de foutaises. Les époques étaient bien plus libérales et crues sur la sexualité et probablement la sexualité était-elle découverte avec des garçons, comme dans les collèges sélect c’est Angleterre du 19e et 20e siècle, ou avec des femmes de bonne société ayant les pratiques adéquates pour rester « vierges ». En dehors de cela, ou abstinence ou prostituées avec les maladies afférentes. Cela ne faisait pas de ces hommes des « Gay », qualité pour laquelle cet historien de l’Art précise d’ailleurs le fond de sa pensée en prétendant qu’ « être gay c’est plus que coucher avec un autre homme », CQFD.
Et au passage, plusieurs ouvrages ont été publiés sur le sujet depuis un moment.
Pierre D
14/09/2024 à 00:48
Vous avez tort, il y'avait autant d'homosexuels dans le passé qu'aujourd'hui, expérimentations de collège ou non. Prenez Tchaïkovski, son frère Modest écrit bien dans son autobiographie qu'il était exclusivement attiré par les hommes, ce que la correspondance du compositeur corrobore d'ailleurs. Modest lui-même évoque ses amours adolescentes gay et est resté gay par la suite. Les cas de figure de ce genre sont très nombreux, on pourrait en citer beaucoup.
https://www.theguardian.com/music/2018/jun/02/tchaikovsky-letters-saved-from-censors-reveal-secret-loves-homosexuality
PS : il ne s'agit pas de parler d'une supériorité des gays, mais de dire la vérité. D'ailleurs, je pense que quelqu'un comme Ernst Röhm est mentionné dans ce livre et ce n'est pas vraiment de nature à démontrer une supériorité. ^^
Très cordialement
Hubert Jean
10/11/2022 à 17:36
Je trouve malsain de faire le coming out de personnes décédés qui ne peuvent pas répondre. On leur pose une étiquette pour faire plaisir à certains qui veulent des exemples sans connaitre la vérité.
C'est comme dire que certains génies sont atteints de certaines maladies ou du syndrome d'Asperger. Les médecins (dont les psychiatres) refuseraient de le faire car on ne diagnostique pas un TSA sans une batterie de tests. ON NE DIAGNOSTIQUE PAS LES MORTS. surtout sur des sujets où il faut leur parler de face à face. Cavendish, Darwin ou Turing ont été soupçonnés d'avoir le syndrome d'Asperger mais j'entends des médecins refuser de poser un diagnostic sur eux car ils sont morts. Ces médecins ont raisons.
Alors pourquoi accepter de dire que tel ou un tel décédé depuis des dizaines d'années ou des siècles est homosexuel ou bisexuel?
Pierre D
14/09/2024 à 00:48
Pourquoi pas quand il y'a des sources ?