Un libraire doit-il proposer uniquement des livres qui se vendent bien ?
#BoycottBarnesAndNoble : L’éditrice française Sabine Wespieser l’avait prophétisé : « Il est à redouter que les libraires aiment ce qu’ils vendent, et non plus vendent ce qu’ils aiment. » Twitter s’est fait une nouvelle fois tribunal populaire. Une nouvelle politique économique nationale aurait été adoptée par la chaîne de librairies américaine Barnes & Noble : auteurs, agents et experts de l’industrie affirment que B&N limite désormais une partie de son offre aux titres s'étant déjà bien vendus. Une telle stratégie mettrait à mal les auteurs plus exigeants, mais aussi les premiers romans.
Le 23/08/2022 à 11:47 par Fasseur Barbara
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Publié le :
23/08/2022 à 11:47
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L’auteure Gabi Burton a pris le temps de trier le bon grain de l’ivraie. Elle explique dans un fil de discussion Twitter ce qu’il advient réellement en ce moment dans les établissements de la filiale américaine. Compilant des informations venant d’autres auteurs, d’agents, d’éditeurs ou encore de libraires eux-mêmes, elle résume : « #BarnesAndNoble refuse de stocker la plupart des auteurs sur ses étagères. »
Elle explique comment ce virage dans la politique d’achat et de commercialisation affecterait spécifiquement les auteurs marginalisés, les primoromanciers, mais aussi les auteurs de livres de niveau middle grade [les livres destinés aux lecteurs de huit à douze ans, NdR].
Preuve en est, des dizaines d’auteurs ont déjà commencé à recevoir des avis de refus de la part de Barnes & Noble. L’auteure Lindsay Currie a par exemple partagé un tweet dans lequel elle explique que son prochain livre, pour des lecteurs de huit à douze ans, a été rejeté de B&N, malgré des ventes honorables au sein de points de vente de la chaine. Il en va de même avec l'autrice Kelly Yang, dont le quatrième opus de la série primée Front Desk, actuellement vendu dans les établissements, s’est vu refusé une place sur les tables.
L'autrice Bethany Baptiste, utilisatrice de Twitter sous le pseudonyme @StorySorcery, explique comment le refus de soutenir les auteurs débutants est particulièrement dévastateur pour le reste de leur carrière.
En plus d’une large mobilisation pour faire état de la situation sur Twitter, la communauté appelle au boycott de la chaîne de magasins. Le tout, à la faveur des librairies indépendantes ou de la vente en ligne, directement sur les sites web des auteurs.
Le devenir de la fiction
James Daunt, à la tête de Barnes & Noble, contacté par Publishers Weekly, n’a pas souhaité commenter la situation. Pour autant, il n’a pas nié les changements soulignés par les internautes. Il affirme que des modifications ont eu lieu, allant dans le sens d’une plus grande autonomie pour les libraires à l’échelle locale.
Il a confié à PW que les retours de certains ouvrages grand format, en particulier ceux destinés aux 8-12 ans, pouvaient atteindre jusqu’à 80 %, attribuant ce volume à une méconnaissance des stocks par les équipes. « B&N a pendant de nombreuses années négligé cette responsabilité, remplissant ses magasins de tout et n’importe quoi et renvoyant simplement ce qui n’était pas vendu. »
« Ce que nous faisons avec les niveaux middle grade et adulte, la fiction comme la non-fiction, c’est faire preuve de goût et de jugement », explique Daunt. « Cela équivaut à acheter moins, mais, si cela est fait avec habileté, c’est vendre plus. Loin d’être réservé aux auteurs confirmés, ce sera pour permettre à la nouveauté qui en vaut la peine d’avoir l’espace et l’attention nécessaire pour trouver son public. »
Pour Daunt, ce changement aura surtout pour finalité que « B&N se comporte comme une véritable librairie, [...] à la manière des meilleures librairies indépendantes ».
Crédits photo : Rene Schwietzke (CC BY 2.0)
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6 Commentaires
Jean Da Luz
23/08/2022 à 15:39
Bonjour,
Pas la peine d'aller aux States. Il se passe la même chose chez nous, peut-être plus sournoisement. J'ai sorti mon premier thriller (MORTELLE MACHINATION) chez Librinova, Amazon, Fnac, etc et j'essaye de le mettre en dépôt en librairie à Marseille. Niet à la FNAC par exemple qui n'a même pas un carré à consacrer aux auteurs du cru. Très compliqué chez Gibert, impossible chez les Relay, complexe chez Maupetit...
Nous redoutions la pensée unique, nous allons tout droit vers l'ouvrage unique, le coup marketing, la meilleure vente... Bref on a du souci à se faire.
Bien cordialement
NB : d'ailleurs je vous avais adressé mon livre et je n'en ai pas vu mention non plus. Les médias sont-ils aussi frappés du même syndrome ?
Rieg Davan
25/08/2022 à 06:57
Bonjour,
Je cherche un cadeau votre livre va le faire (merci).
Très bon tarif Numérique (merci de jouer le jeu).
JC Heckers
29/08/2022 à 09:32
Ma foi, pensez aussi que vous (n')êtes (qu')un autoédité, auquel consentir même un petit dépôt se concevra mal ("ah ben on n'a déjà pas de place pour les nouveautés, alors bon, hein... un bouquin qui va nous encombrer sans qu'on en vende un seul..."), sachant aussi que les petits éditeurs sont obligés de se passer de ces canaux de diffusion qui, à bien y regarder, ne sont pas si nécessaires que ça. Quant à intéresser les médias, franchement, faut pas rêver. Même pour une simple mention quelque part (qui risque de passer inaperçue, d'ailleurs). Imaginez si tous les autoédités s'y mettaient, on n'en sortirait plus.
Et puis, quoi, l'ouvrage unique, le coup marketing, la meilleure vente... ça fait bien un quart de siècle qu'on ne jure que par ça, au fond, non? On n'y va pas, on y est en plein dedans. Reste à savoir si on est enlisés au point de ne plus pouvoir en sortir, ou si un espoir reste possible.
C.
24/08/2022 à 18:35
Bonjour,
Je confirme le commentaire précédent (même si j'ai un peu du mal avec les auteurs frustrés actuels, vu le nombre de bouzes qui sortent chaque année présentées comme de la "nouveauté littéraire"), il se passe déjà la même chose en France. C'est peut-être l'une des raisons qui poussent les critiques littéraires à ne plus rien critiquer négativement. Ce qui fait vendre fait vendre. C'est la dictature du capital qui prime sur la littérature.
Pierre TAILLADE / Piro
30/08/2022 à 12:04
C'est encore plus difficile pour la poésie et le théâtre mais il suffit de lie ou relire "Illusions perdues" d'Honoré de Balzac pour savoir que c'est la règle du jeu depuis toujours. Personnellement je n'ai trouvé qu'une librairie pour me prendre
L'Andriague éditions
31/08/2022 à 08:27
Bonjour. Merci pour cet article très documenté sur le marché du livre anglophone. C'est précisément pour lutter contre cette tendance qui arrive aussi aujourd'hui en France que j'ai créé "L'Andriague", minuscule maison d'édition associative dont le but est de publier des jeunes auteurs, des nouvelles, des premiers romans francophones. Certes, nous sommes tout petits. Nous publions très peu (deux à trois livres par an), nous n'avons pas la visibilité des grandes maisons d'édition, et notre naissance en pleine pandémie de Covid n'a pas facilité les choses. Mais les chroniqueurs sur les réseaux sociaux, les libraires indépendants courageux, les médias locaux et nos lecteurs nous aident et nous soutiennent. Pour l'instant nous visons une notoriété et une diffusion régionale. Nous voulons y aller tout doucement pour ne pas nous casser la figure en étant trop ambitieux. Mais ce que nous voulons démontrer c'est que l'art véritable et la logique économique sont absolument incompatibles. Et que même avec nos tout petits moyens et sans miser sur la rentabilité à outrance nous arriverons à faire connaître et aimer la littérature que nous défendons.