ENTRETIEN – Comptant aujourd’hui quelque 250 titres répartis en une quarantaine de box, Novellix entend changer la vision des lecteurs sur la nouvelle. Et si peu de personnes croyaient au projet à ses débuts, depuis 2011, ce sont plus de 2 millions d'exemplaires qui ont été vendus en Suède. Aujourd’hui Novellix arrive en France avec une première box de classiques francophones. Nous avons rencontré Lena Hammargren, fondatrice suédoise de la maison et Sophie Langlais qui accompagne le projet en France.
Le 16/06/2022 à 12:08 par Fasseur Barbara
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16/06/2022 à 12:08
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Tout commence par un voyage en train. Lena Hammargren quitte Uppsala pour Stockholm, un trajet d’une heure l’attend et rien à lire dans ses bagages. « J’ai d’abord regardé les magazines, mais je voulais lire de la fiction alors je me suis tournée vers les livres en sachant pertinemment que cinq m’attendaient à la maison, déjà bien entamés. Pas question d’en commencer un autre. Et en passant par la caisse, je vois ces petits livrets pour enfants. Ils existent depuis les années 50 en Suède – c’est un format très court, mais d’une grande qualité – qui racontent une histoire complète. Quelque chose que l’enfant peut lire rapidement, on the go. Il n'existe rien de tel pour les adultes. De là est née l’idée de réinventer les nouvelles, de les éditer autrement. »
Pour Sophie Langlais, qui commercialise Novellix en France, l’histoire est tout autre. Elle passe l’été 2019 en Suède et malheureusement, elle n’a pas amené assez de lecture. « Je me suis rendue en librairie, mais ne parlant pas suédois mon choix de lecture se restreignait à des livres feel-good comme Jojo Moyes ou des policiers en anglais. Et puis dans une petite boutique, je suis tombé sur la box de classiques suédois. Les noms des auteurs me disaient tous quelque chose, mais j’étais incapable de nommer un titre de chacun d’eux. J’ai décidé de me faire une petite culture de la littérature locale et j’ai été bluffée. Après avoir terminé les quatre nouvelles, j’avais l’impression d’avoir une vision très claire de la littérature classique suédoise. »
Puis elle s’est rendue au Salon du livre de Göteborg. Rapidement, Sophie Langlais fait le rapprochement entre la box qu’elle avait dénichée et ce double stand dynamique qui respire littérairement la joie de vivre. « Lena avait trouvé un moyen de rendre les nouvelles vendables. Il y avait un stand classique qui présentait les coffrets tels que je les avais découverts. L'autre était disposé comme un magasin de friandises : on y achetait ses nouvelles au poids, comme des bonbons. »
Tout est là : Lena Hammargren entend redorer l’image de la nouvelle, un format qui a mauvaise presse de nos jours, en France comme en Suède. « Une nouvelle, c’est comme un expresso. On extrait l’essence d’un texte, en ne gardant que le nécessaire, le meilleur. Chaque phrase, chaque mot a son importance. Souvent lorsqu’un auteur écrit une nouvelle les lecteurs lui demandent “Quand allez-vous écrire un vrai livre ?”. Un roman, en somme. C’est cette image que je voudrais changer. »
Lena Hammergren, Novellix
Pour cela, elle imagine et conçoit un emballage chaleureux. Publiées une par une, ces nouvelles se suffisent à elles même tout comme un véritable roman. De quoi rendre également plus accessible cette première marche vers la littérature et permettre au plus grand nombre d’accéder partout et tout le temps à la lecture. « Tout le monde a peur de s’attaquer directement à un livre de Proust. Ce sont souvent des ouvrages imposants et longs, réputés pour être difficiles. En nouvelle, l'ouvrage devient nettement moins intimidant » souligne Sophie Langlais.
« Les textes courts se changent en véritables portes d’entrée vers la lecture : on s'essaye à de nouveaux genres ou de nouveaux auteurs sans redouter le volume d'un ouvrage complet. C’est une expérience de lecture à part entière avec un début, une fin et une véritable intrigue. Le lecteur expérimente de nouvelles choses et au final, lit plus. Par exemple, quelqu’un qui n’a pas l’habitude de lire du Jojo Moyes ou bien Sally Rooney va s’y aventurer avec nos nouvelles : s'il est convaincu, il y a fort à parier qu’il lira les autres ouvrages de l’auteur en question. C’est une très bonne façon de promouvoir les auteurs et la lecture », renchérit Lena Hammargren.
La structure collabore avec les maisons pour les auteurs, mais surtout et avant tout pour les lecteurs. Au commencement, les nouvelles étaient écrites spécifiquement pour les box. Ces dernières étaient exclusives à Novellix pour quelques mois avant de revenir à l’auteur qui en disposait à sa guise. « Par la suite, nous nous sommes intéressés aux classiques. Et aujourd’hui, selon les thèmes, nous aimons créer des mélanges, associant, par exemple, deux grands noms et deux moins connus. » Jusqu'à retenir des textes alors traduits pour la première fois en suédois.
Le marché du livre audio connaît un véritable engouement en Suède, pourtant Lena Hammargren croit en ses nouvelles : elles comblent un autre besoin qui se fait sentir sur le marché scandinave. « Il fallait réinventer le packaging, il fallait refaire de la littérature un cadeau que l’on peut offrir et s’offrir. Si aujourd’hui il n’est plus question de s’occuper dans les transports — tout le monde écoute des livres audio – c’est une autre facette qui prend le relais : le besoin d’un retour à quelque chose de physique, loin des écrans. »
Elle explique que ses compatriotes achètent moins d’ouvrages physiques au profit des formats digitaux, sans que le livre-objet ne perde sa place dans la vie culturelle. « Ces nouvelles s’inscrivent d’autant plus comme des passerelles, pour ramener la lecture dans la vie de chacun, aussi chargée soit-elle. On cherche avant tout à adapter la littérature aux lecteurs d’aujourd’hui. »
Ainsi, les textes s'adresseraient à qui souhaite lire, sans en avoir réellement le temps. Pourtant, d’après Lena et Sophie, les éditeurs rechignent à publier des nouvelles, ce format court trouve donc difficilement sa place dans le monde de l’édition actuelle. « Au début personne n’y croyait, on me demandait "mais tu vas vraiment publier des nouvelles ?" et heureusement j’étais innocente et nouvelle venue dans l'industrie. Je croyais dur comme fer en mon idée alors je l’ai suivie. » Onze ans plus tard, Lena Harmmargren semble avoir remporté son pari.
A Sophie Langlais de renchérir : « En France également la nouvelle a un côté ringard. Mais appeler cela une histoire courte peut porter à confusion sur la nature du texte. Les gens imaginent trouver une version abrégée d’un ouvrage. Il arrive d’ailleurs qu’on nous demande comment l’on fait rentrer tout un roman dans un si petit format. Il semble pour beaucoup encore difficile de concevoir que des auteurs comme Agatha Christie ou Marcel Proust aient écrit des nouvelles c'est comme improbable. Et pourtant ce sont tous des textes intégraux, de véritables univers de poche. »
« L'un des secrets de notre succès réside dans ce format unique. Des nouvelles et des nouvelles seulement, même dans le futur. On compare parfois nos coffrets à des boîtes de pralines ou de chocolats, dont les textes sont les gourmandises à cette différence que nos livres subsistent dans le temps. C’est une forme de durabilité littéraire et culturelle. On y mêle les genres, les auteurs, les thèmes et aussi les générations », reprend Lena Hammargren.
Raison qui pousse Novellix à consacrer une grande énergie au design. « Nos coffrets et nos livrets sont illustrés par des illustrateurs suédois de talent. Il faut que cela soit attrayant et créatif, que cela donne envie de s’en emparer et de dévorer l’ouvrage… comme des chocolats » s’amuse-t-elle.
« Sur le marché français, la problématique était un peu similaire », observe Sophie Langlais. L'essor de l'audiolivre demeure discret et malgré un vif intérêt pour la littérature, la nouvelle reste un format qui subit de plein fouet les préjugés. « Mais je ne pouvais pas accepter cette réponse négative des éditeurs pour qui le format de la nouvelle ne fonctionne pas. C'est vrai qu'il a encore un côté ringard, très scolaire. Mais on observe aussi cette consommation de séries, découpées en épisodes courts... En fait, la nouvelle correspond au temps dont les gens disposent pour lire. Et quand j'ai vu tous ces jeunes clients sur le stand de Novellix acheter leurs nouvelles au kilo avec leur totebags et leurs tatouages éphémères d'écrivains célèbres, ça a été d'autant plus une certitude. »
« Ce qui m'enthousiasme, dans le projet de Lena, c’est que les auteurs n’appartiennent pas à Novellix. C’est une forme de récupération des histoires qui efface l’aspect compétitif de l'industrie. Il s'agit d'une conception très ouverte de la littérature, loin de toute territorialité. On collabore avec tous les auteurs, morts et vivants », poursuit-elle.
Et Lena Hammargren de conclure : « Aujourd'hui, ces mêmes maisons d'édition viennent vers nous, afin de pousser certains auteurs. Nous avons d'ailleurs reçu de nouvelles d'un auteur, dont le livre sortirait plus tard dans l'année. Chacun est gagnant avec cette méthode. En outre, cela répond à une véritable envie, presque une demande de la part des auteurs. C'est un exercice d'écriture complexe : ils n'ont que quelques pages pour créer un autre univers et rassembler toute une expérience de lecture. C'est la création d'un véritable shot d'émotion. »
Crédits Photo : Novellix
2 Commentaires
Jean-Patrick
17/06/2022 à 14:56
Superbe idée qui se limite à 3 coffrets d'auteurs du domaine public, et dont la présentation débute par ces mots : "Ce coffret en anglais contient..."
L'onglet contact annonce : "MANUSCRITS - À ce jour, nous ne pouvons accepter de nouveaux manuscrits. Merci pour votre intérêt !"
Voir l'évolution de Novellix ou si d'autres éditeurs s'intéressent aux auteurs francophones contemporains pour vraiment changer l'image des nouvelles.
Kochka
25/12/2023 à 22:06
Je viens de recevoir comme cadeau de Noël un coffret Novellix "Histoires de Noël" et je me réjouissais d'en commencer la lecture. Quelle ne fut pas ma déconvenue, et ma colère, en ayant lu la première "nouvelle" "Un chant de Noël" qui s'avère dans ce coffret non pas une "nouvelle" mais le premier couplet (chapitre) d'un chant de Noël qui en compte cinq. Je suis très en colère car vous nous vendez comme nouvelle le premier chapitre d'un texte qui en compte cinq. Il y a donc tromperie sur la marchandise et, en plus, dans ce premier texte les césures des mots en fin de ligne sont mal faites...
Je vais lire les trois autres "nouvelles" contenues dans ce coffret pour voir si vous utilisez cet infâme procédé pour les autres auteurs. Si c'est le cas, je ne compte pas en rester là, en faisant de la publicité sur ce que je considère comme une fumisterie !