Une étude met au jour les biais sexistes de la production littéraire
D’après une étude menée à la Viterbi School of Engineering de l’Université de Californie du Sud (USC) sur un corpus de textes anglophones, il y aurait quatre fois plus de personnages masculins que féminins dans la littérature. Usant d’une Intelligence artificielle pour mesurer l’utilisation des pronoms, l’étude révèle une importante disparité dans la fréquence des genres.
Le 10/05/2022 à 10:46 par Fasseur Barbara
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10/05/2022 à 10:46
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Mayanl Kejriwal est directeur de recherche à l’institut des sciences de l’information de la Viterbi School of Engineering de l'Université de Californie, aux États-Unis. Il s’est inspiré de travaux en cours sur les préjugés sexistes et de ses propres travaux sur le traitement du langage pour mener à bien ses expériences. Plutôt que de s’intéresser aux aspects qualitatifs de la représentation féminine dans la littérature et les médias, ses recherches se sont orientées vers la collecte de données quantitatives grâce à une série d’algorithmes automatiques déjà existants.
En se basant sur le corpus de 3000 livres faisant partie du Projet Gutenberg, en anglais et dans le domaine public, Kejriwal et son collègue Akarsh Nagaraj, ingénieur en apprentissage automatique chez Meta, ont pu mener cette étude sur plusieurs genres tels que l’aventure, la science-fiction, le mystère ou encore la romance sous forme variée allant du roman à la nouvelle en passant par la poésie.
Pour réaliser cette étude, ils ont utilisé la reconnaissance d’entités nommées (NER) pour extraire des caractères spécifiques au genre en examinant des éléments tels que les pronoms féminins et masculins. Ils ont également pris en compte le nombre de personnages féminins faisant figure de personnages principaux. Et les résultats sont sans appel...
« Les préjugés sexistes sont bien réels, et quand on voit quatre fois moins de femmes dans la littérature, cela a un impact subliminal sur les personnes qui consomment ces biens culturels », a déclaré Kejriwal. « Nous avons quantitativement révélé une manière indirecte dont les préjugés persistent dans la culture. » Et de poursuivre : « Les livres sont une fenêtre sur le passé, et l’écriture de ces auteurs nous donne un aperçu de la façon dont les gens perçoivent le monde et comment il a changé. »
D'importantes disparités
Les chercheurs ont rencontré des difficultés avec les pronoms qui ne correspondaient pas à un genre binaire. L’IA n’a pas été en mesure de déterminer s’« ils » faisaient référence à un pluriel ou à un « individu non dichotomique ». Pour autant, les résultats de l’étude ont permis d’établir un cadre de travail sans précédent afin de se pencher sur de tels soucis d’inégalités.
Kejriwal nuance : « Lorsque nous avons publié l’article sur l’ensemble des données, les examinateurs ont critiqué le fait que nous ignorions les genres non dichotomiques. Nous étions d’accord avec eux, d’une certaine manière. Nous pensons que ces genres ne sont pas vraiment représentés, et nous ne pourrons pas trouver beaucoup [d’individus transgenres ou d’individus non dichotomiques]. »
Outre les statistiques sur les personnages masculins et féminins, les chercheurs ont également examiné le langage associé aux personnages sexospécifiques. Nagaraj a déclaré : « Même avec des attributions erronées, les mots associés aux femmes étaient des adjectifs comme “faible”, “aimable”, “joli” et parfois “stupide”. Pour les personnages masculins, les mots les décrivant comprenaient “autorité”, “pouvoir”, “force” et “politique”. »
Kejriwal a ajouté : « Notre étude nous montre que le monde réel est complexe, mais qu’il y a des avantages à ce que tous les différents groupes de notre société participent à la production culturelle. Cela permet d'obtenir une vision plus réaliste de la société. »
Kejriwal espère que l’étude servira à souligner l’importance de la recherche interdisciplinaire, c’est-à-dire l’utilisation de la technologie de l’IA pour mettre en évidence les problèmes sociaux urgents et les inégalités qui peuvent être résolus. Les parties prenantes ayant une formation spécialisée, y compris les informaticiens, peuvent proposer des outils pour traiter les données et répondre aux questions, et les décideurs politiques peuvent utiliser ces données pour mettre en œuvre des changements.
Crédits photo : illustration ; Priscilla Du Preez / Unsplash
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9 Commentaires
Forbane
11/05/2022 à 09:35
Quelle triste société de comptables.
Dominique Boze
11/05/2022 à 15:48
Sur le fond, on peut peut-être imposer aux auteurs des quotas pour leurs personnages et des directives pour leurs intrigues. Sur la forme, il faut, sans aucun doute, qu'ils adoptent aussi l'écriture inclusive. Tout ça devrait plaire à ces chercheurs si soucieux d'une vision plus réaliste de la société. Vite relire Philippe Muray !
NAUWELAERS
11/05/2022 à 22:31
Absolument assez de ces recherches- et inévitables et répétitifs sermons qui s'ensuivent- à base technologique et d'IA maintenant, qui viennent polluer (potentiellement du moins) l'univers de la littérature à base de créativité et non d'acceptation de diktats à la chaîne...
ActuaLitté fait bien son travail en nous informant de ce genre de travaux californiens déprimants et financés par de l'argent jeté aux orties, selon moi.
Avec une certaine complaisance peut-être sur ce site mais après tout on en pense encore ce qu'on veut.
Et j'apprécie infiniment la liberté -presque démodée -qu'ActuaLitté laisse à celles et ceux qui le suivent, de s'exprimer sur l'espace de discussion idoine qui pourrait s'appeler «Champ Libre»: comme c'est précieux !
Elle est loin la Californie de Peace and Love où on ne connaissait pas de petits et petites
comptables voulant enfermer la littérature -à quand les autres arts, comme la musique -dans leurs obsessions et leurs souhaits de rééducation du peuple.
Et la conclusion de l'article est catastrophique...
Ramener les choses au terrain politique...
Laissez les écrivains et autrices libres des décisions politiques: c'est un territoire de liberté pour les créateurs et -trices et pour le public !
Qui est gavé de politique et polémiques sans fin, comment ne pas le comprendre...?
Boycott de livres français qui se soumettraient à de telles dérives faussement progressistes.
Il faut des quotas de telles ou tels dans les romans ?
Si un auteur n'inclut pas de transgenre -c'est un exemple évidemment - dans son roman parce que son histoire n'en comporte pas, il en faut obligatoirement -toujours les souhaits d'obliger, une manie, une passion triste - l'un ou l'autre juste pour ne pas se faire menacer de mort ou du moins de tentative de censure, les petits juges du web l'accusant alors de transphobie si l'histoire ne comporte aucun trans ?
Ou si on décompte avec une IA plus d'hommes que de femmes car c'est l'histoire spécifique qui le veut, et non le moindre effluve malodorant de misogynie ?
Tout cela est aberrant et glauque à pleurer.
Le totalitarisme «soft» est à rejeter, point barre.
L'enfer est pavé de bonnes intentions...
Enfin la France n'est pas encore la Californie, honte à l'esprit de vile soumission couarde et lâche...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Alex
12/05/2022 à 14:47
Ce qu'il faudrait commencer à comprendre, c'est que l'art et la littérature ont toujours été et seront toujours politique.
Lorsque toute votre œuvre contient peu de personnages féminin et qu'en prime celles-ci sont toutes décrites de manière sexiste et misogyne, évidement qu'il y a un problème. Ne pas représenter les femmes tout court dans une œuvre est un problème : les femmes existent dans la vie réelle !! Les personnes trans aussi !!! Une œuvre n'a pas besoin de tourner autour de la transidentité pour inclure un personnage trans. Parce que le monde n'est pas exclusivement composer d'homme ni d'uniquement de personnes cisgenre, ni uniquement de personnes hétéro.
Tout comme vous, les gens aiment lire des livres avec des personnages qui leur ressemblent, et tout le monde n'est pas un vieux monsieur blanc ! Les femmes/filles et les personnes queers -notamment les jeunes- ont BESOIN de voir des personnages qui sont comme eux afin de pouvoir s'identifier, avoir des modèles, comprendre qui iels sont et qu'iels ne sont pas seul.e.s. Et pour ce faire, non seulement il faut que ces personnages existent même si c'est "juste pour exister" (parce qu'en fait, on peut... "juste" exister. C'est ce qu'on fait déjà d'ailleurs), mais il faut également qu'iels soient écrit de façon ni transphobe, ni raciste, ni homo/lesbophobe. Parce que c'est juste la moindre des choses en fait.
Tout cela est, je m'en doute, très dure à entendre pour quelqu'un de votre âge sûrement bientôt préhistorique, mais il va falloir penser à réactualiser son cerveau afin de comprendre que non, ce n'est pas normal que les hommes blanc hétéro soient partout, tout le temps. Parce qu'il y en a marre de ne voir et n'entendre qu'eux.
Aleph
12/05/2022 à 17:32
Intolérant. Personne n'empêche d'écrire les livres que vous appelez de vos voeux, c'est l'inverse qui se produit, avec des pressions absurdes pour empêcher par toutes sortes de pressions, dénigrements, etc. les livres de faire autre chose qu'exalter la soif de reconnaissance de marginaux.
NAUWELAERS
15/05/2022 à 11:03
Au lieu de harceler les écrivains pour qu'ils ou elles incluent des quotas de tels et telles, la bonne attitude serait de créer soi-même des oeuvres selon vos voeux: avis aux petits comptables dont l'intelligence pas artificielle devrait servir un peu mieux et un peu plus souvent !
Laissez les gens LIBRES au lieu de vous rendre de plus en plus insupportables avec cette manie de déployer vos leçons, reproches et recommandations dont des adultes autonomes n'ont que faire...
Quant aux jeunes, même discours de non-infantilisation alors que l'influence des réseaux sociaux écrabouille celle des livres de toutes qualités !
CHRISTIAN NAUWELAERS
NAUWELAERS
12/05/2022 à 20:11
Alex,
Si vous viviez sur la même planète que moi, vous constateriez que les personnes de couleur, LGBT et autres sont très présentes partout aujourd'hui.
Dans tous les arts: enfin ouvrez les yeux et les oreilles !
Vous ne vivez pas au fin fond d'un monastère, sauf erreur, ou à flanc de montagne ou dans un phare en plein océan, sans moyens de communications ?
Donc dans tous les arts -cinéma, musique, théâtre etc., à commencer par les livres.
Je reçois presque tous les jours les communications de Hachette Books (donc pas les livres de Hachette France).
Abonnez-vous comme moi et vous verrez ce qu'il en est en 2022, au lieu de monter sur des grands chevaux de Don Quichotte un peu dérisoire.
Les personnes noires font vendre et sont très à la mode.
Restons réalistes concernant le progressisme très lucratif...
En parlant des grosses structures, surtout.
La preuve: les livres les concernant sont légion, et pas seulement durant le Black History Month -une institution tout à fait légitime et que j'approuve (désolé de vous décevoir et de pulvériser vos stéréotypes stupides -périssologie !- me concernant).
Et il est très bien que les projecteurs soient braqués sur elles, et sur les femmes, noires ou non, que ce soit des hétéros traditionnelles disons et puis les autres...
Les LGBT, queers, trans, lesbiennes etc. sont vraiment mises en avant à très grosse échelle, après une très longue visibilité très réduite, c'est vrai, durant des décennies.
Cela aussi est une évidence, dans l'autre sens.
Cela ne me dérange absolument pas, cette rectification de l'histoire; mais le déni du réel et la rage de moraliser, réglementer, quantifier et pontifier en opposition à ce que tout le monde (de bonne foi !) peut constater, là non.
C'est la façon dont certains veulent que cela se passe qui est imbuvable.
Toutes les censures et réglementations abusives et absurdes sont bien-pensantes dans la conviction d'avoir toujours raison et d'oeuvrer à la moralisation et la rééducation du peuple.
Les «sensitivity readers» des maisons d'éditions soit trop bien-pensantes soit, le plus souvent, couardes et opportunistes -qui y ont recours- ce sont des agents non d'une censure totale mais d'une censure «soft».
Jamais un James Ellroy ne s'y pliera !
Si vous aviez un peu plus de bon sens, vous vous rendriez compte à quel point une attitude comme la vôtre, hélas très répandue par mimétisme, est parfaitement contre-productive.
Les gens -pas seulement les «vieux messieurs blancs» (hétéros, cela aggrave leur cas ?) dans votre collimateur abusif et étroit -en ont assez d'une certaine propension galopante à toujours moraliser, censurer, mettre tout le monde au pas, tout en niant les réalités d'aujourd'hui (2022 !) avérées et prégnantes qui s'opposent à cette espèce d'idéologie de la contrainte et de la moralisation envahissantes qui se prend pour progressiste.
Les faits: eh bien, les minorités ne sont plus du tout invisibilisées.
Dans nos pays proches, aux States, Canada etc.
Prétendre le contraire en 2022 -pas en 1950 ! - est aberrant !
Dans d'autres contrées en revanche et hélas, il est certain qu'il y a de gros retards et des injustices criantes contre les minorités.
Et parfois des persécutions
Même contre toutes les femmes: Afghanistan, par exemple...
Cette idéologie dénoncée plus haut est stérile et j'ajoute -oui je m'avance -intellectuellement malhonnête même si vous croyez à ce que vous écrivez, sincèrement avec votre regard déformé par le prisme idéologique qui colle à celui-ci (votre regard).
Et merci d'arrêter vos attaques mesquines et de bas niveau contre «les vieux messieurs blancs».
Si vous estimez qu'ils sont tous pareils et (bien entendu) négativement, c'est le principe d'essentialisation que vous leur appliquez...l'ADN du racisme, tout simplement.
Oui, monsieur Alex.
Mais c'est un racisme normal, celui-là, sans doute...
Désolé mais non, je suis en désaccord total avec votre post.
Je ne voudrais surtout pas qu'on le censure.
Vous avez le droit de vous exprimer pleinement, selon la philosophie intelligente et honnête de ce site.
Mais je n'ai pas à l'approuver, votre message, face à une mauvaise foi qui me paraît aveuglante.
Selon l'expression anglaise que j'apprécie -signe de civilité, loin des invectives et rétrécissements effarants de la pensée sur les réseaux notamment -«we agree to disagree».
Il faut éviter une virulence excessive.
Ne vous en déplaise et même si cela devait vous déplaire...
Quelle que soient vos couleur, âge, sexe et genre, et orientation sexuelle, opinions politiques etc. que moi je ne veux pas connaître car pas besoin d'essentialiser les gens.
Et moi je m'en moque, de votre signalétique, monsieur (si c'est monsieur) Alex.
Même si vous dressez la mienne «ex nihilo»...
Pour prouver...
Vous prouvez vos préjugés et rien d'autre.
Liberté et non aux ennemis de la liberté et aux justiciers permanents alors que de vrais combats sérieux sont gravissimes et indispensables !
Salutations tout de même.
CHRISTIAN NAUWELAERS
M.
14/05/2022 à 10:58
Merci aux journalistes pour le relais de cette enquête. Quand on s'intéresse aux productions artistiques de la société, il est tout à fait louable d'étudier certains pans de celle-ci puisque les œuvres y sont diffusées. Il est tout autant louable d'étudier l'influence réciproque de ces mêmes œuvres sur l'environnement social. Assez édifiant de constater comme les gens se pressent à faire entendre leur agacement de ces études dès qu'un journal en parle. Tandis qu'aucune énergie n'est dépensée à commenter des articles faisant récit d'autres drames tels que la censure de documents considérés "obscènes" aux universités des États-Unis ou en Turquie par exemple. A-t-on le droit d'étudier, de remettre en question encore, ou la sacro-sainte littérature serait-elle exempte de toute critique du genre ?
NAUWELAERS
14/05/2022 à 22:31
Je remercie toujours ActuaLitté de nous tenir au courant de tout ce qui se passe, ce que ne fait pas la presse généraliste.
Je défends la liberté de création des auteurs et autrices contre la tyrannie des politiquement corrects (au pluriel) qui ont toujours des visées totalitaires en étant persuadés de représenter le Bien.
N'en déplaise aux esprits étroits et intolérants, la littérature et les arts doivent planer haut au-dessus de cela en laissant libre cours à la création.
Point barre.
CHRISTIAN NAUWELAERS