En prévision du Festival Italissimo, qui se déroule du 6 au 10 avril à Paris, une table ronde a eu lieu le 4 avril 2022 à l’Institut italien de Culture à Paris – L’édition en France et en Italie : problématiques, transformations et traductions. Diego Marani, l’actuel directeur a rappelé les paroles d'Umberto Eco, « la traduction est la langue de l’Europe ». « Le rêve », souligne encore Marani, est celui d’un « monde bilingue avec une distribution commune. »
Le 06/04/2022 à 17:02 par Federica Malinverno
1 Réactions | 304 Partages
Publié le :
06/04/2022 à 17:02
1
Commentaires
304
Partages
La première interrogation que le modérateur Fabio Gambaro, ancien directeur de l’Institut Culturel italien de Paris, pose aux intervenants concerne l’état de l’édition aujourd’hui. Ricardo Franco Levi, président de l’AIE (Associazione Italiana Editori), affirme que « le livre traverse sa meilleure saison, presque partout en Europe ». Et ajoute que « l’année de la pandémie a été vécue comme une année de grande satisfaction ». Le livre a donc survécu aux côtés des autres médias, « comme un moment de divertissement et de connaissance ».
Selon lui, « il y a eu un certain ralentissement du marché dans les premiers mois de l’année en cours, ce qui, à bien des égards, était prévisible ». Mais il souligne l’engagement des éditeurs italiens et européens envers l'Ukraine, à travers les publications effectuées, « de livres en ukrainien pour les enfants ukrainiens réfugiés dans les pays voisins de l’Ukraine ».
L'avenir du marché du livre dans le Bel Paese le préoccupe cependant : il importe de « comprendre quelle sera la capacité de dépense des familles », pointant la « crise du papier, une crise des prix suite à l’augmentation des coûts de l’énergie ». Mais il reste confiant : « Les perspectives restent celles d’un marché solide, l’édition est la plus grande industrie culturelle en Italie et la quatrième en Europe après celle de l’Allemagne, de l’Angleterre et de la France. J’aime rappeler que l’industrie du livre est l’un des rares secteurs où l’Europe est numéro un dans le monde. »
En ce qui concerne les investissements futurs, « le soutien aux traductions sera un élément fort », notamment en raison du fait que l’Italie sera le pays invité à Livre Paris en 2023 et à la Foire du livre de Francfort en 2024. Enfin, Levi rappelle que « sur 100 livres italiens publiés, 15 sont vendus à l’étranger », et que la vente de droits est une activité en pleine expansion pour le Bel Paese.
Vincent Montagne, PDG de Média-Participations et Président du Syndicat National de l’Édition, dresse la liste des liens entre les deux pays : « Nous sommes comme des sœurs jumelles », et « l'on a vécu également une surprise en 2020, en France » devant les résultats de l’industrie. Il insiste aussi sur l’importance des festivals pour la création de relations entre les deux pays ainsi que l’importance de la lecture, Grande cause nationale en France.
Levi, qui est aussi le vice président de la Fédération des Éditeurs Européens, rappelle ensuite que « l’un des objectifs que nous avons en tant qu’éditeurs européens est de comprendre quelles sont les meilleures actions à mettre en place » pour résoudre le problème de la concurrence des Gafam ainsi que les questions relatives à la défense du droit d’auteur.
Cependant, il y a aussi de bonnes nouvelles : nous assistons actuellement à un « ralentissement de la croissance d’Internet et à une reprise des librairies physiques », d’après Levi. En outre, la culture est un élément essentiel du dialogue entre les deux pays : « Ce sera une grande fête d’être ici à Paris l’année prochaine », ainsi qu’une étape pour construire des relations toujours plus solides.
En ce qui concerne l’importance de la diffusion internationale du livre italien, il ne faut pas oublier la plateforme multilingue NewItalianBooks apparue voilà deux ans. Paolo Grossi, son responsable, y voit un « portail institutionnel qui a l’ambition de mettre en relation les acteurs italiens et étrangers de la filière du livre ».
Il est aussi un « instrument au service de ceux qui travaillent dans la filière du livre, qui produit et met à disposition une série d’enquêtes, interviews et une base de données de traducteurs ». Pour l’année prochaine, une version en allemand du site est prévue. Grossi rappelle ensuite qu’il existe deux formes de soutien financier pour la diffusion du livre italien à l’international : des contributions (pour des livres à paraître) et des prix (pour des livres déjà traduits).
En 2022, le montant total des aides (données par le Cepell — Centro per il Libro e la Lettura — via le Ministère de la Culture et par le Ministère des Affaires étrangères) est de 1,8 million €, un chiffre supérieur à celui des années précédentes, qui est un signe de l’attention que l’Italie porte à son rayonnement international.
Karina Hocine (secrétaire générale des éditions Gallimard) note pour sa part les répercussions de La vie mensongère des adultes (juin 2020, trad. Elsa Damien) d'Elena Ferrante. Au sortir du confinement, il « signait en quelque sorte une sortie de la première pandémie » pour la maison.
Elle est la première à faire ressortir dans le débat un thème intéressant et clivant, celui de la « bestsellerisation » : selon elle il faut « essayer d’accompagner une espèce de vitalité, une joie de création des écrivains qui ne font pas de grandes ventes, mais représentent l’identité de la littérature française ».
Massimo Turchetta (directeur de Rizzoli) affirme par ailleurs que « jusqu’à il y a vingt ans, la fiction était considérée par les éditeurs comme un investissement coûteux en termes d’image ». Puis une « métamorphose s’est opérée en deux temps » en Italie : la « redécouverte du roman policier de qualité avec Camilleri et la renaissance de la ligne Fallaci-Saviano-Scurati », selon laquelle la littérature doit avoir une dimension plus éthique.
Il affirme également qu’une augmentation des lecteurs de livres français traduits a été constatée, « au point de produire une sorte de déclin de l’empire anglo-américain et une croissance du volume des exemplaires vendus par les auteurs français et européens ».
L’élément nouveau lui semble être le suivant : les deux mondes, celui des best-sellers et celui de la littérature, ne sont plus si séparés. Aussi Ricky Cavallero (fondateur de SEM, Società Editrice Milanese) croit qu’« il n’existe pas une littérature de niveau a et une de niveau b, inférieure ; aujourd’hui il y a moins de distinction entre une culture haute et une perçue comme plus basse ».
D’après Olivier Nora (PDG des Editions Grasset), il faudrait « essayer d’être plus forts ensemble comme Europe dans nos traductions ; en effet la traduction aux États-Unis est un élément déclencheur pour la traduction ailleurs ». Il suffit de penser au phénomène Ferrante… Il évoque ainsi une sorte de prise de conscience, de « conscientisation de l’Europe par elle même » qui l’amène à « acheter moins cher de bons livres européens et pas seulement des produits américains ».
Aussi, d’après Massimo Turchetta, « le monde européen se reconnaît davantage qu’il y a trente ans ». Il semble donc qu’il y ait des éléments de renaissance, ou plutôt de redécouverte d’une identité éditoriale et littéraire européenne, face à la « colonisation du divertissement anglo-américain ».
Ricky Cavallero rappelle néanmoins le risque de se laisser entraîner par une sorte de nationalisme quand on oppose la culture américaine à celle européenne.
Les rapports entre France et Italie ont-ils évolué dans le temps ? Olivier Nora perçoit « moins d’échange que dans les années 1960, car le bouillonnement de la vie intellectuelle est moins présent dans les deux pays respectifs ». Karina Hocine nuance : même si on n’est plus dans l’âge d’or des sciences sociales, « l’Italie est un laboratoire à ciel ouvert de ce qui se passe en Europe » — et cela peut se révéler très instructif.
Les livres italiens ont de plus en plus de succès en France : dans le top 10 de meilleures ventes 2021 de primo-romanciers en France, on compte trois romans italiens, tous traduits chez Albin Michel. En outre, des ouvrages comme Le dernier été en ville de Gianfranco Calligarich, traduit par Laura Brignon et publié par Gallimard en 2021, ont été vendus à plus de 15.000 exemplaires. Mieux : la littérature française, en Italie, n'est plus considérée comme autoréférentielle et nombriliste.
Selon Turchetta, « certains livres que nous pourrions définir comme de la haute distraction (entertainment) ou de la littérature facile ont rapproché les gens de la lecture (...) Nous avons encore dans les livres de poche les grands ouvrages de sciences humaines des années soixante, mais nous avons aussi une littérature tout court avec un niveau d’accès facile. »
Cela a notamment favorisé la découverte de nouveaux auteurs français qui sont devenus des auteurs à succès en Italie. D’après Sandro Ferri, fondateur des éditions E/O, en effet, la perception de la littérature française en Italie a changé, grâce à des succès comme celui de Valérie Perrin qui ont permis de montrer des nouveaux aspects de la littérature française, dont l’image ne se limite plus à celle de l’autofiction.
D’après Sandra Ozzola, qui avec Sandro Ferri a créé les Éditions E/O, en Italie passionne encore la tradition du grand roman français et en particulier « la capacité de raconter des histoires ».
Un autre point très abordé : les projets transmédias : d’après Turchetta il y a « de plus en plus d’auteurs qui conçoivent des nouvelles ou des non-fictions qui peuvent avoir une retombée naturelle dans le domaine des plateformes ou de l’audiovisuel. Certains auteurs de genre français sont lus et achetés en Italie aussi parce que les séries télévisées ont habitué les lecteurs à une langue qui était auparavant plus lointaine. »
Selon Massimo Turchetta, cette transition peut aussi provoquer des « risques » inhérents à la langue, mais en général « l’écrivain commence à écrire en pensant non seulement au livre, mais aussi à d’autres médias ». Karine Hocine parle également d’une « espèce de besoin de fiction », quand Olivier Nora note que « des auteurs entament la création avec une idée d’adaptation » et « la création a une vocation a être sur plusieurs supports ». Cela change aussi l’écriture.
Sandro Ferri n'a aucun doute : « La culture européenne peut être traduite dans le monde. » En effet il a fondé Europa Editions, la filiale anglo-américaine de E/O, qui depuis 16 ans vend des livres aux États-Unis et au Royaume-Uni (livres traduits ou bien écrits directement en anglais). D’après lui, « il faut oublier la culture des années 1960 et l’espace politique des années précédentes et comprendre ce que c’est l’Europe aujourd’hui », avec ses nouvelles expressions culturelles.
Il raconte ensuite qu’un blocage principal subsistait au moment où il a cherché de transférer sa structure aux États-Unis : l’Europe serait en effet perçue comme « une culture de cinéma d’essai ». Avec l’expérience de E/O, Muriel Barbery et Elena Ferrante sont ensuite devenues de best-sellers dans un pays qui n’était pas habitué à avoir un tel regard sur la culture européenne.
Anne-Marie Métailié s’intéresse non pas à l’exportation d’une culture nationale française, mais plutôt à l’importation des littératures étrangères. Son activité se concentre... sur le reste du monde, hors États-Unis. Elle consacre une collection à l'Italie, La Bibliothèque italienne, dirigée par Serge Quadruppani – avec beaucoup de romans noirs.
Elle recherche ces « auteurs de romans noirs qui comme des Balzac nous racontent notre époque ». En effet, d’après Ricky Cavallero, le « polar a toujours permis de faire une analyse de la société en passant par le divertissement ».
Mais de l'autre côté des Alpes, comment se perçoit la valeur ajoutée des éditeurs ? Les maisons sont-elles identifiées par le public ? Le taux de lecture est plus bas en Italie que dans d’autres pays d’Europe, mais d’après Cavallero, la marque rassure (comme le démontrent les cas de Sellerio, La Bianca de Einaudi, ou de Adelphi).
Le logo de la maison d’édition est d’ailleurs visible sur les publications de la maison E/O qui sortent aux États-Unis. Sandro Ferri explique ce choix : « Je ne crois pas dans le modèle Amazon de l’algorithme, et je pense que s’il y a un éditeur qui donne aux lecteurs une boussole, cela aide à naviguer dans le monde de l’édition. »
D’après Olivier Nora, enfin, l’identité éditoriale apparaît très importante dans l’époque contemporaine, d’autant plus que la masse des lecteurs occasionnels a augmenté.
Quels sont enfin les prochains défis qui apparaissent pour l’édition italienne et internationale ? Levi a déclaré que l’un des chantiers de la Fédération des éditeurs européens est d’ouvrir une porte vers l’Afrique, et que la langue française pourrait représenter une voie.
Au sujet de la lecture, il a déclaré : « J’ai quelques inquiétudes quant à l’affinement des statistiques sur la lecture, qui sont quelque peu impressionnistes et différentes d’un pays à l’autre », et a rappelé la nécessité de lutter contre les inégalités sociales mises en évidence par la pandémie.
Un dernier point qui lui tient au cœur concerne le piratage : « Sur les 2,5 milliards qui constituent le CA du secteur de l’édition italienne (hors livres scolaires et exportations), le piratage représente environ 750 millions. »
1 Commentaire
Mme Anne Laure
15/02/2023 à 03:16
Anne
Ne serait-il pas de l'ingratitude de ma part si je ne vous présente pas cette dame chez qui j'ai pu obtenir mon premier prêt entre particulier????
Vraiment , ! des fois le doute nous éloignes des prêteurs fiable.
Moi qui-ai pour habitude de ne pas croire au prêt entre particuliers en ligne, aujourd'hui me voilà face à la réalité.
Après avoir suivi les conseils et conditions, j'ai reçu un virement bancaire d'une somme de 35 000euros ce matin comme prévu.
C'est une très grande joie qui m'anime aujourd'hui. Ce site m'a prouvé le contraire. Pour vous qui êtes dans le besoin d'un prêt, voici son adresse email : nathalietreinen4@gmail.com