Les Sept dormants (1896), Confession de Sainte-Croix (1902), les deux volumes de poèmes Feuilles sous la glace écrits entre 1899 et 1913 ou encore l’autobiographie posthume Mon Bourreau, vous connaissez ? Ce sont quelques-unes des œuvres du poète Mathias Crismant (1882-1913), dont Raymond Schwab (1884-1956) entreprit de raconter la vie singulière et tourmentée dans un livre simplement intitulé Mathias Crismant, paru chez Plon en 1925. Par François Ouellet.
Le 27/03/2022 à 08:25 par Les ensablés
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27/03/2022 à 08:25
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Or, ce livre, qui se présente et se lit comme une biographie certifiée, est pourtant un roman. À cette très sérieuse mystification littéraire, plusieurs se sont laissés prendre, des lecteurs ayant même cherché à se procurer les œuvres du poète auprès des libraires. C’est que Schwab, en bon exégète, a joint à son récit d’abondantes notes, des commentaires précis, nuancés et fort documentés, des références bibliographiques et des appendices, bref tout ce qui peut évoquer un travail savant impeccable.
Ainsi doit-on croire qu’un certain Michel Anxionnat, professeur à la Faculté des lettres de Strasbourg, a publié une thèse sur Mathias Crismant, thèse recensée par Georges Duhamel, Henri de Régnier ou Edmond Jaloux dans le Mercure de France, le Figaro et Les Nouvelles littéraires. Le lecteur apprend aussi que la correspondance du poète a fait l’objet d’une traduction néerlandaise, que des poèmes non parus en volume ont été publiés dans La Revue de Paris, que La Nouvelle Revue française doit bientôt consacrer un numéro au poète, etc. De nombreux poèmes de Crismant, des extraits de lettres et de témoignages sont cités et donnent du relief à la vie misérable du poète. La réussite était à ce point qu’André Billy pouvait écrire, admiratif : « Toujours est-il, et c’est le plus bel éloge qu’il [Schwab] puisse désirer, qu’on se prend à regretter que Mathias Crismant n'ait pas vécu réellement » (L’Œuvre, 22 juillet 1925).
L’ouvrage suit l’évolution du poète à travers ses années de formation, d’expériences, de maturité et de migration (Crismant voyagea tout à la fin de sa vie), présente les premiers écrits qu’on lui connaisse jusqu’au poème épique grandiose composé dans les dernières années.
Sorte de poète maudit, Mathias Crismant est né en 1882, ce qui en fait le contemporain de Jean Giraudoux, de Pierre Mac Orlan ou de Schwab lui-même, alors qu’on pourrait plutôt le croire de la génération d’un Rimbaud ou d’un Huysmans. Étranger à son temps, Crismant meurt à l’aube de la Première Guerre, alors qu’il n’a pas trente ans. C’est un poète mystique épris d’absolu, un orgueilleux qui se déteste et qui en veut à l’univers entier, un fou (il sera quelque temps interné), un rêveur chronique, viscéralement solitaire et meurtri par le sentiment d’une profonde incommunicabilité entre les êtres.
Avide de changer de peau, il sait pourtant que personne ne change jamais : « L’ange de la mort et la fée du berceau ont la même figure. » Seul de son espèce, il est un « homme sans contemporains ». « Qu’un grand homme vive à contre-courant, on le conçoit ; mais Mathias fut moins contre son époque que hors d’elle, et même hors de son espèce. » Profondément instable, inadapté et désorganisé, il a su mettre de l’ordre dans une seule chose : son œuvre, dont la grandeur, et bien qu’elle soit à peu près ignorée, rachète le ratage de sa vie.
Mais ce Mathias Crismant, à la fois roman inusité et supercherie biographique, est peut-être plus encore une autobiographie intellectuelle. Schwab y aurait versé beaucoup de lui-même. À son ami Pierre Bost, il explique que « Mathias n’est pas, en beaucoup de moments, autre chose que la déformation extrême, excessive, d’une tendance, un solitaire trop solitaire et dont c’est toute la souffrance ; non qu’il doute de la valeur de l’élan vers les êtres, mais de son efficacité et de leur réponse ». Et son ami et poète Guy Lavaud écrit que, dans ce roman, « Schwab ne s’est pas seulement psychanalysé, il a dessiné la courbe d’un destin sur lequel il ne s’est pas mépris, indiqué les œuvres qu’il écrirait dans le mépris du siècle et léguées moins au monde d’aujourd’hui qu’à une civilisation future ». Le Mathias Crismant de Raymond Schwab est, dans un sens, un poète selon son cœur.
Écrivain hors dimension comme le sont pour lui Hugo et Goethe, Schwab est un penseur à la vision cosmogonique, un lettré nourri des textes bibliques, des mythes, des contes, de la culture orientale aussi bien que de la culture occidentale. Mais qui se souvient de Raymond Schwab ? S’il a existé, ses œuvres sont tombées dans un tel oubli qu’il est devenu presque aussi fictif que Mathias Crismant. Il y a chez lui un écrivain-penseur surdoué, mais sans doute cela ne suffit pas : un peu comme Mathias Crismant, Schwab n’était pas de son temps, et sans doute n’a-t-il jamais été beaucoup lu.
D’origine juive mais converti au catholicisme, Raymond Schwab est né à Nancy en 1884, une ville dont il fera le portrait pour la collection « Portrait de la France » des éditions Émile-Paul frères en 1926. Venu à Paris, il y fait des études de lettres, puis, après son service militaire, choisit de faire carrière au Sénat, où il sera rédacteur, puis directeur du Service des comptes rendus analytiques. Disciple d’Élémir Bourges, à qui il a consacré une biographie profonde, ami de Madame Bulteau, de Gertrude Stein ou de Pierre Bost, poète et romancier, directeur de la revue de poésie Yggdrasil avant la Deuxième Guerre, il soutient une thèse de doctorat à la Sorbonne, en 1949, qui fera date : La Renaissance orientale (Payot, 1950), ouvrage précurseur de L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident (Seuil, 1980) d’Edward Saïd. Schwab signera aussi la partie sur le « domaine oriental » dans le premier volume de l’Histoire des littératures publiée dans la Pléiade sous la direction de Raymond Queneau en 1955. Si on cite parfois son nom aujourd’hui, c’est pour ses travaux universitaires.
Sans ce travail fondateur sur l’Orient, disait Guy Lavaud, « nul quotidien n’aurait, peut-être, signalé la disparition de celui que « l’histoire littéraire désignera, un jour, comme le plus original poète du demi-siècle ». Et le critique André Rousseaux pourra écrire : « Raymond Schwab, au lendemain de sa mort, a pu apparaître comme un grand méconnu. Mais faudra-t-il beaucoup de temps pour qu’on voie en lui un précurseur de génie : un de ces hommes qui, de tout l’espace d’une vie et de tout le poids d’une œuvre, devancent les mouvements de pensée et préparent les révolutions de l’esprit ? Dans le renouvellement et l’élargissement de l’humanisme à notre époque, on citera bientôt Schwab comme on cite les poètes de la Pléiade quand une autre étape de notre culture est évoquée. » L’éloge est senti, magnifique. Dernier témoignage : celui de Jean Cassou, qui considérait le vaste poème épique Nemrod (Éditions de la Pléiade, 1932) comme « une des plus nobles tentatives qu’on l’ait jamais faite pour traduire physiquement et par des signes sensibles d’une grande violence les affres de la pensée métaphysique ».
Tout cela n’est pas rien. Mais cette œuvre qui autrefois déjà tournait le dos au présent et à la modernité, il n’est pas aisé aujourd’hui de la relire, de la redécouvrir. En 1995, les éditions du Bastberg, en Alsace, ont réédité Mengeatte, un roman historique de 1914 qui évoque la Lorraine durant la guerre de Trente ans et que l’éditeur présente comme « un chef-d’œuvre, âpre et pudique, enfin retrouvé ». Peut-être pourrait-on commencer par là.
Je profite de cette chronique pour lancer un appel aux ayants droit et héritiers de Raymond Schwab pour qu’ils communiquent avec moi, afin que je puisse alimenter mes recherches.
François OUELLET — Mars 2022
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Un jeune homme décide, du jour au lendemain, sans aucune préparation ni préméditation, de s’isoler dans la forêt, à l’abris des regards. Il y restera caché durant 27 années, vivant de chapardages dans des cabanes environnantes, parvenant à ne laisser aucune trace derrière lui, seulement le mystère de son geste et son désir d’invisibilité.
24/03/2023, 16:40
Il lui restait encore deux ou trois choses à écrire, et, manifestement, il s'est trouvé bien des lecteurs pour l'écouter : Éric Zemmour réalise un décollage fulgurant avec son nouvel essai. Plus de 25.000 exemplaires écoulés en l'espace de quelques jours pour Je n'ai pas dit mon dernier mot, qui prend la tête des ventes en cette 11e semaine.
24/03/2023, 11:43
BONNES FEUILLES - Châtillon-sur-Indre. L'été 2018 s'annonce mouvementée pour Lisa : tandis qu'elle s'apprête à recueillir sa mère fragilisée par la violence de son ex-compagnon, elle doit également héberger son grand-père, Loulou, dont la maison est en travaux.
24/03/2023, 09:00
BONNES FEUILLES - « Qu’elles soient imprimées, photographiques, cinématographiques, télévisuelles ou numériques, les technologies de l’esprit risquent toujours de devenir des technologies persuasives : en tant que conditions matérielles de la pensée, elles peuvent aussi se transformer en instruments de domination et de manipulation.
23/03/2023, 09:30
À des kilomètres de la civilisation et à bonne distance des projets documentaires habituels, où des bédéistes partent en reportage à la rencontre des travailleurs, Environnement toxique est un témoignage total, englué dans les sables bitumineux. Il donne à lire la réalité de la condition ouvrière au XXIe siècle à travers l'expérience de Kate Beaton, jeune étudiante qui quitte sa Nouvelle-Écosse natale pour se mettre au service de l'industrie du pétrole. Et d'espérer que le bon salaire compensera les conditions de vie déplorables.
23/03/2023, 09:12
BONNES FEUILLES - Récit au jour le jour de la contestation de 2020 au Bélarus par ceux qui l’ont faite. Alors que le Bélarus est comme figé depuis vingt-cinq ans sous l’emprise d’un régime autoritaire dirigé d’une main de fer par Alexandre Loukachenko, naît un espoir de changement à l’approche de l’élection présidentielle de 2020.
23/03/2023, 09:00
BONNES FEUILLES - « À la lie de la vie / de perfidie en trahison / à la première personne / des vanités pipées / le regard menteur / du sourire ravageur / espoir de feuille morte. » Dans le courant des vers libres, sans ponctuation ni majuscule, des poèmes se succèdent.
23/03/2023, 08:00
BONNES FEUILLES - « Si tu veux savoir une certaine chose et que tu ne puisses y parvenir par la méditation, je te conseille, mon cher et judicieux ami, d'en parler avec le premier homme de ta connaissance que tu rencontreras. Il n'est pas nécessaire que ce soit un esprit subtil ; il ne s'agit pas non plus de l'interroger sur ce qui t'occupe : non ! C'est toi qui dois plutôt commencer par lui conter ton affaire. »
22/03/2023, 19:12
Les chants des ferrailleurs de Gabriel Boksztejn (publié aux éditions unicité) se présente comme une position tenue face au monde doublée d’une tentative (tentation ?) de le respiritualiser. Voire de le « ré-angéliser » à travers ce qui n’est rien moins qu’une mini-épopée sociale. Par Pierre Cormary.
22/03/2023, 09:46
BONNES FEUILLES - « Ils sont peu nombreux, ceux qui ont le courage de transgresser l’interdit et de se comporter comme l’un des patriarches de ma discipline, Leo Spitzer, qui, un jour, comme un ami le trouvait assis à son bureau et le saluait de ces mots : 'Tu travailles ?', eut cette réponse digne d’être méditée : 'Moi, je travaille ? Mais non, je jouis !' »
22/03/2023, 09:00
BONNES FEUILLES - Naïri Nahapétian a vu sa vie basculer à l’âge de 9 ans, au moment de la révolution islamique en Iran. Elle quitte Téhéran pour Paris avec sa mère, pensant revenir quelques semaines plus tard. Mais l’exil dure. Et son père ne les rejoint pas.
22/03/2023, 08:00
BONNES FEUILLES - Le seul « cold case » d'Agatha Christie n'est pas dans son œuvre, mais dans sa vie. Tout semble avoir été écrit sur ces 11 jours mystérieux. Pourtant, Nan O'Dea, l'autre femme, a sa propre version de l'histoire. - Un roman d'amour, de meurtres et de mensonges.
21/03/2023, 09:00
BONNES FEUILLES - Charif Majdalani est passionné par les mélanges culturels et les identités plurielles, dans toute leur richesse, drôlerie et complexité. Il nous fait part de ses réflexions sur ces sujets alors qu'il revient d'un voyage lointain et qu'il survole de nombreux lieux qui le font rêver, avant d'atterrir à Beyrouth, sa ville, son lieu de vie, si emblématique de ces carrefours de populations.
21/03/2023, 08:00
BONNES FEUILLES - Une vaste fresque romanesque qui fait revivre les rivalités, les engagements, les innovations d'un mouvement artistique révolutionnaire, l'expressionisme abstrait, emmené par la personnalité fascinante de Jackson Pollock.
20/03/2023, 19:37
BONNES FEUILLES - D'Astérix à Louise de Vilmorin, ce dictionnaire rassemble les personnalités françaises qui ont fait du panache une ligne de vie. Une balade buissonnière dans l'histoire de France, menée avec un style unique.
20/03/2023, 19:31
Kiwa peine à trouver un emploi, au grand désespoir de sa petite amie. Mais il possède une carte maîtresse – quand il souhaite sincèrement quelque chose, il est toujours exaucé. Sauf qu’à chaque fois, il y a une contrepartie à payer… Kiwa osera-t-il jouer le tout pour le tout ? Les conséquences risquent bien de le dépasser.
20/03/2023, 14:47
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