On l’imagine de plus en plus aseptisée, transpirant d’une odeur de caramel beurre-salé, pétant des arcs-en-ciel et toujours chatoyante… Il se pourrait qu’il en soit bien autrement. De récentes découvertes montrent que la licorne aurait plutôt l’apparence d’un rhinocéros, plus ou moins velu, voire laineux, avec une peau bien rugueuse. Pas vraiment l’image qui scintille. Mais alors, les licornes ont vraiment existé ?
Les licornes… si elles font fantasmer la start-up nation, à coups de valorisation capitalistique supérieure à un milliard de dollars, elles ont surtout alimenté la féérie populaire et les mondes d’heroic-fantasy. Mais bien avant, cette créature, au croisement du cheval blanc immaculé, doté d’une corne façon narval, se voyait prêter des pouvoirs magiques — ou a minima, une rareté qui la rendait précieuse.
Et la littérature ne manque pas sur ces légendaires bestioles. Notre partenaire ORB, base de données et outil de recherche bibliographique, nous indique que les références abondent : entre les albums de coloriage, les essais les plus sérieux, les romans, les agendas, les ouvrages jeunessse ou encore les cahiers d’activités et de jeux, des milliers d’ouvrages évoquent cette créature fantastique. On décline la licorne sous toutes ses formes : qu’importe le flacon, pourvu qu'on ait le glossy.
Et ce n'est pas fini : une saga jeunesse américaine, Skandar and the Unicorn Thief, a fait les délices d’Annabel Steadman, son autrice. Originaire de Canterbury, elle a décroché une avance sur droit d’un montant indécent, pour ses histoires de licornes sanguinaires. Un chèque à 7 chiffres, qui serait le plus important jamais libellé pour un titre jeunesse, d’un primoauteur. Hachette Livre ne s’y est pas trompé : la traduction française d’Alice Delarbre, sortira ce 4 mai — Skandar et le vol de la licorne. Bien.
Mais du rêve aux fossiles, il se trouve souvent un scientifique pour vous remettre les pieds sur terre... Discover a dernièrement fait paraître un article, qui nous éloigne quelque peu du symbole de pureté et de grâce que l’animal a acquis au fil des livres. Rappelons, pour commencer, que la licorne est une création très probablement originaire d’Inde, puisque les premières représentations dont l’humanité dispose émanent de la civilisation de l’Indus. L’Ekashringa, un des Vishnous, découle de l’union d’une antilope et d’un homme, qui aura donné vie à un enfant avec une corne sur la tête, et des superpouvoirs.
Les Grecs s’approprièrent par la suite l’idée d’une bête à corne unique — au point que certains émirent des commentaires sur la qualité de la chair. Ctésias indiquait en effet que la viande de licorne était détestable du fait de son amertume. Qu’avait-il mangé pour l’affirmer, difficile à dire…
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Là encore, les recherches archéologiques font déchanter. Depuis quelques années, les scientifiques s’intéressent en effet à l’Elasmotherium sibiricum, mammifère autrement connu sous le nom de Licorne sibérienne, une bestiole (voire l’illustration ci-dessus) qui a très clairement un lien avec le rhinocéros. Ce dernier, qui pèse entre 700 et 1400 kg, semblerait toutefois chétif face à son ancêtre, dont les dimensions étaient manifestement de deux fois la taille d’un rhino adulte contemporain.
En outre, le rhino moderne est plutôt un animal paisible, quand son ancêtre traversait un territoire allant du Kazakhstan et de la Sibérie à l’Ukraine et au sud-ouest de la Russie. Et les premières estimations et datations au carbone 14 faisaient remonter son extinction à 350.000 avant notre ère.
DESSINER: La Dame à la licorne de Cluny
Sauf qu’en 2018, une nouvelle étude paraît, et cette fois, la Licorne sibérienne obtient un délai inédit : elle aurait survécu jusqu’en 35.000 avant notre ère – suggérant, et les choses deviennent ici intéressantes, qu’elle aurait côtoyé les Néandertaliens. Autrement dit, une réminiscence remontant au fin fond des âges, transmise autant par l’inconscient collectif que par une véritable créature, aurait alimenté les fantasmes littéraires.
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Mieux encore : on ignore tout des raisons qui ont conduit à l’extinction de la bête. Les scientifiques n’excluent en rien la possibilité d’une chasse intensive — un potentiel de 6 tonnes de barbaque a de quoi séduire ! — bien que les changements climatiques soient également dans la balance. La Licorne sibérienne était herbivore (et pas encore attirée par l’odeur de la virginité des jeunes filles comme le Moyen Âge l’écrira), des froids hivernaux trop rudes ont pu avoir raison de l’espèce.
En outre, les tests réalisés sur 23 fossiles montrent que l’Elasmotherium sibiricum et le rhinocéros ont bien des racines communes… qui ont génétiquement divergé au cours de l’Éocène, qui débuta voilà 56 millions d’années. Selon les estimations les deux branches se seront créées autour de 43 millions avant notre ère (à plus ou moins 10.000 ans, n’est-ce pas).
La Licorne sibérienne reléverait de la chrono-espèce, autrement dit un dérivé d’une bête plus ancienne, qui aura évolué avec des caractéristiques divergentes sur le long terme. Mais qui n’aura pas aussi bien résisté que celle ayant donné le rhinocéros.
Dans un autre ordre d'idées, la rédaction ne peut que vous inviter à retrouver les chroniques de La Licorne qui lit, une des lectrices les plus arcencielesques de notre journal.
crédits photo : Gore Corn, la licorne de la rédaction – ActuaLitté, CC BY SA 2.0
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