Les bibliothèques de la Virginia Commonwealth University (VCU) récupèrent la vaste collection Joseph Lyons Miller, composée de textes, d’illustrations et de documents médicaux uniques. Un trésor historique, dont les plus anciennes pièces datent de 1500, et dont l’acquisition a notamment été rendue possible grâce à une collecte de fonds. Cette collection offrira la possibilité aux chercheurs d’explorer ces livres qui ont façonné la pratique de la médecine, avec les Monsieur Purgon de chaque époque...
Le 28/01/2022 à 13:04 par Hocine Bouhadjera
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La collection de Joseph Lyons Miller (1875-1957) comprend 2250 livres, publiés entre 1500 et 1946, 78 silhouettes, 3500 tirages, ainsi qu'environ 400 articles manuscrits, y compris de la correspondance, des registres de comptes, des notes d'étudiants en médecine, ou encore des essais.
Une illustration de De humnani corporis fabrica libri septum, un manuel médical "révolutionnaire" du XVIe siècle d'Andreas Vesalius (Désormais conservé à la collection Joseph Lyons Miller des bibliothèques VCU)
Retour trois décennies après
Joseph Miller a commencé à construire cette vaste collection dès ses années d’étudiant à l'University College of Medicine, ancêtre de l’École de Médecine de la VCU. Ce dernier pratiquera ensuite la médecine à Thomas, en Virginie-Occidentale, tout en étant directeur médical de la Davis Coal and Coke Co. et chirurgien de la Western Maryland Railroad Co.
En 1927, Miller a officiellement proposé de faire don de sa collection à l’Académie de médecine de Richmond, en Virginie, à condition que l’institution construise, pour l’accueillir, une maison permanente avec une « bibliothèque ignifugée ». Le président de l’Université médicale de Virginie de l’époque, William T. Sanger, a alors proposé que les institutions coopèrent via un partenariat public-privé. De cette initiative est née la première installation permanente de l’Académie de Médecine de Richmond, en connexion avec la bibliothèque des sciences de la santé de la VCU, qui a ouvert ses portes en 1932.
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La collection fut disponible dans le bâtiment durant 56 ans, jusqu'à son transfert en 1988 à la Société Historique de Virginie, aujourd'hui le Virginia Museum of History and Culture. Cette acquisition des bibliothèques de l'université de Virginie constitue ainsi un retour dans le giron de la recherche en médecine pour cette précieuse collection.
Un achat rendu possible grâce à une collecte, et qu'ont complétée des fonds de dotation et la collaboration entre les bibliothèques de la Virginia Commonwealth University, nous apprend le site des établissements.
« La collection Miller contient de nombreux titres des XVe, XVIe et XVIIe siècles essentiels à notre compréhension de l'histoire et du développement de la médecine. Ces volumes précieux arrivent rarement sur le marché aujourd'hui. Seuls les collectionneurs privés et les grandes bibliothèques de recherche aux États-Unis et à l'étranger ont la chance d'en disposer dans leurs collections », explique Jodi Koste, chef de département par intérim et archiviste universitaire à la VCU Health Sciences Library.
Initialement publié en 1554 en latin et en allemand, De conceptu et generation hominis servait de guide pratique aux sages-femmes. La deuxième édition, publiée en 1580 par Jakob Ruff, à présent conservée à la collection Joseph Lyons Miller des bibliothèques VCU, contient des illustrations d'instruments, de scènes de naissance, du fœtus in utero et de malformations congénitales, à la fois réalistes et fantaisistes. (Kevin Morley, Bibliothèques VCU)
Le Chirurgia Minor de l'alchimiste Paracelse
La collection comprend d'innombrables titres aussi fascinants qu'intéressants du point de vue de l'histoire des sciences. L'un d'eux est un exemplaire du Chirurgia Minor de Paracelse datée de 1573, dans une traduction de l'alchimiste belge de la Renaissance Gérard Dorn. Père de la toxicologie, pionnier dans l'utilisation de la chimie en médecine, beaucoup des travaux de Paracelse ne seront publiés qu'après sa mort, y compris le Chirurgia Minor.
Ce texte du médecin, philosophe et alchimiste, mis en lumière par le psychanalyste et érudit Carl Jung qui lui consacra une étude, est notamment réputé pour ses passages jugés hérétiques par l'Inquisition espagnole. Des extraits ont d'ailleurs été obscurcis en pressant de la cire sur les parties jugées répréhensibles.
Chirurgia minor de Paracelse, médecin, alchimiste et philosophe suisse du XVIe siècle. Ce livre en particulier est un exemple d'expurgation par l'Église catholique. Les ouvrages contenant des informations que l'Église jugeait hérétiques pourraient rester en circulation si les passages étaient censurés. Ce volume contient des passages qui ont été brûlés au fer chaud et à l'acide pour obscurcir le texte. (Kevin Morley, bibliothèques VCU)
La collection comprend également le traité de 182 pages d'Edward Jenner sur la variole de la vache, comme un écho à la pandémie d'aujourd'hui et toutes les controverses autour des vaccins. En 1796, le Dr Edward Jenner utilisa du pus provenant d'une maladie apparentée mais bénigne, « la vaccine des vaches », pour protéger contre la variole, supplantant ainsi une ancienne technique, dite de la variolisation. C'est la raison pour laquelle nous utilisons maintenant le mot « vaccin », qui vient du mot latin vacca, vache, en lien à la variole de la vache, variola vaccina.
Parmi les trésors bibliophiliques, on peut également citer la deuxième édition de De Humani Corporis Fabrica (Le tissu du corps humain) de l'anatomiste belge André Vésale, publiée en 1555. Un pionnier qui apporta significativement à « la compréhension de l'anatomie humaine pendant des centaines d'années, et lança la pratique de l'anatomie », explique Teresa L. Knott, doyenne associée des bibliothèques VCU et directrice de la bibliothèque des sciences de la santé VCU. Le livre contient plus de 200 illustrations gravées sur bois, et constitue un exemple impressionnant de typographie du XVIe siècle.
Tiré de De humani corporis fabrica libri septum, par Andreas Vesalius. (Les bibliothèques de la Virginia Commonwealth University (VCU))
Outre ces manuscrits de grande valeur, la correspondance présente dans la collection date principalement des XVIIIe et XIXe siècles. Elle comprend des lettres d'éminents médecins américains, tels que Daniel Drake, S. Weir Mitchell et John Shaw Billings. 78 silhouettes offrent une diversité unique de portraits de médecins américains et britanniques, dont 14 sont attribuées à August Édouart, artiste français du XIXe siècle. Un nombre important d'estampes, de photos, de gravures et de lithographies consacrées à des personnalités marquantes de l'histoire de la médecine complètent le tableau.
“Festin visuel et historique”
Gonzalo Bearman, professeur de médecine à la VCU et président de la Division des maladies infectieuses, raconte sur son blog une récente visite à la collection Miller, la qualifiant de « festin visuel et historique ».
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« Cette collection de livres et de manuscrits rares, datant des années 1500, est à présent chez elle, pour les universitaires en médecine et les bibliophiles, et dans la bibliothèque historique de l'une des écoles de médecine les plus anciennes et largement reconnues de Virginie », déclare-t-il, avant d'ajouter, enthousiaste : « C'est merveilleux d'avoir la collection Miller sur le campus de la VCU. »
Anatomie de l'utérus gravide humain par William Hunter (1815). Edition 1815 imprimée des plaques de cuivre gravées d'originales de 1774." (Kevin Morley, Bibliothèques VCU)
« La collection est maintenant revenue dans notre campus et dans un environnement des sciences de la santé, où les étudiants en sciences de la santé auront l'occasion d'en apprendre davantage sur les antécédents de leurs professions », explique de son côté Jodi Koste, avant d'ajouter : « Les universitaires en histoire pourront en apprendre davantage sur le développement des soins de santé et les artistes en herbe pourront être inspirés par les images trouvées dans cette incroyable collection. (...) La collection offrira de nouvelles opportunités passionnantes pour la recherche, des expositions, et plus encore. »
Crédits : Une illustration du cerveau tirée de De humnani corporis fabrica libri septum, d'Andreas Vesalius, Edition originale 1543, ici édition de 1555 (VCU Libraries)
Paru le 28/01/1988
354 pages
Albin Michel
23,20 €
Paru le 20/02/2014
766 pages
Buchet-Chastel
27,00 €
Paru le 05/07/2016
Omniscriptum
16,80 €
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