Pour la lecture des jeunes, “il est urgent d’agir”
Les liens entre le livre, le numérique et la capacité dont nous disposons aujourd’hui de faire converger les deux au profit de la lecture intéressent de nombreuses personnes. Encore faut-il s’accorder sur l’idée que les nouvelles technologies représentent une véritable opportunité, pour le grand public, et les enfants. Les signataires de cette tribune soulignent qu’il s’agit d’un enjeu de souveraineté, de rayonnement, de développement intellectuel, économique et démocratique.
Le 30/11/2021 à 08:32 par Auteur invité
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30/11/2021 à 08:32
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Révolution numérique : une opportunité historique pour la lecture
Jamais les écrans n’ont été si présents dans nos vies. À toute heure, en tout lieu et en toutes circonstances, les écrans nous appellent et nous interpellent, nous façonnent et nous conditionnent, nous enferment et nous isolent autant qu’ils nous émerveillent et nous élèvent.
On a vite fait d’ériger les écrans en fossoyeurs du livre et de la lecture. Raccourci facile et tentation aisée. C’est pourtant tout l’inverse ! Et c’est là le paradoxe. Contrairement aux idées reçues, nous n’avons jamais autant lu. Médias en ligne, blogs, réseaux sociaux, messageries instantanées… les occasions de lecture sont infinies.
Gutenberg, en créant l’imprimerie, a révolutionné le livre et l’a démocratisé. Il a permis aux idées de circuler, de se propager et de se confronter. Ce fut l’avènement de l’ère moderne. La question qui se pose aujourd’hui, c’est de savoir quel sera l’impact de la révolution numérique sur le livre et plus généralement sur la culture. D’une certaine manière, nous pouvons être rassurés. Jamais les contenus culturels n’ont été aussi accessibles.
Netflix et Deezer, loin d’avoir annihilé les acteurs et les musiciens, leur ont bien au contraire permis de démultiplier leurs audiences tout en leur assurant des revenus, certes encore trop modestes. Art, musique, littérature, cinéma, séries, documentaires… nous n’avions jamais jusqu’à présent eu un accès aussi large et aussi facile à d’aussi vastes contenus culturels.
D’autres périls en résultent : marchandisation, concentration et uniformisation des pratiques ou des références culturelles. Quant au livre, cet objet auquel nous sommes si profondément attachés, quelle sera sa place ? Ne risque-t-il pas d’être relégué au rang d’objet muséal et patrimonial ? Là encore, tout semble indiquer l’inverse. À l’heure du numérique, les jeunes lisent et les librairies sont bel et bien vivantes. De fait, le développement de la lecture, quel que soit le support privilégié, n’est-il pas le meilleur moyen de promouvoir le livre en tant qu’objet ?
Alors qu’il y a quelques années seulement, nous avions toutes les raisons d’être inquiets, nous devons nous rendre à l’évidence : il n’y a pas de contradiction entre le livre et le numérique. Bien au contraire, littérature et écrans font même bon ménage ! L’enjeu aujourd’hui n’est pas de mener la bataille de l’un contre l’autre, mais bien au contraire de les réconcilier et de concrétiser leurs potentialités respectives.
La transposition pure et simple de contenus littéraires sur un support digital, la fameuse « liseuse », n’offre qu’une réponse partielle à cet enjeu. Le numérique propose en effet des possibilités infiniment plus riches. Il constitue aujourd’hui un moyen unique et privilégié, grâce à de nouveaux codes, de nouveaux formats, de nouvelles expériences et une offre infinie, de rendre la lecture et le patrimoine littéraire accessibles au plus grand nombre.
Pour les plus jeunes, il s’agit d’une question essentielle. Selon l’Observatoire des Inégalités, les enfants ayant eu un moindre accès aux livres et à la lecture sont 10 fois moins diplômés que ceux ayant eu accès à une bibliothèque dès leur plus jeune âge. Plus que jamais, la lecture représente un levier majeur pour, chez les enfants, réduire les inégalités de destin, contribuer à leur éducation et à leur épanouissement intellectuel.
Plutôt que de les abandonner à leurs écrans face à des contenus qu’ils subissent, ne serait-il pas préférable de mettre à leur disposition, sur ces mêmes écrans qui leur sont si familiers, des contenus de qualité qui leur permettront d’apprendre, de se construire, de se divertir, de s’émanciper, de s’évader, de mieux se connaître eux-mêmes et de mieux connaître les autres ?
Il est urgent d’agir. Alors que se tiennent aujourd’hui les Assises du livre numérique, l’ensemble des professionnels du secteur, mais également les pouvoirs publics, doivent tout mettre en œuvre pour faire converger lecture et numérique, pour développer une offre de lecture adaptée aux possibilités extraordinaires offertes par les nouvelles technologies et pour rendre la lecture accessible au plus grand nombre, en particulier les enfants.
Tout un écosystème à la fois inventif et entreprenant s’est développé et ne demande qu’à percer. La France a toujours été à la pointe de l’innovation culturelle et demeure une référence mondiale. Développer sur notre territoire une industrie culturelle novatrice et conquérante constitue une priorité en matière de politique publique. C’est un enjeu de souveraineté, de rayonnement, de développement économique et démocratique.
Premiers signataires :
Károly Fogarassy, CEO de Nabook.
Anne-Charlotte Monneret, directrice générale d’EdTech France, ancienne professeure de lettres en Réseau d’éducation prioritaire.
Christophe Rioux, universitaire (directeur de programmes de Masters spécialisés dans les industries culturelles et créatives), Président et fondateur d’Industries Créatives Conseil, chroniqueur sur France Culture et écrivain.
Olivier L’Hostis, directeur de la librairie indépendante l'Esperluète (Chartres), ancien délégué général du Syndicat de la librairie française.
crédits photo : bruce mars/Unsplash
Par Auteur invité
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6 Commentaires
DOMiNIQ BLANC/OFFER
01/12/2021 à 04:50
La lecture reste la clef des premiers pas de l'enfant vers sa destinée d'homme libre.
Stéphane Michalon
01/12/2021 à 06:00
Merci pour la lecture de cette tribune. Il nous faut effectivement à la fois comprendre et contenir ces réalités numériques.
LOL
01/12/2021 à 06:16
L'article se concentre sur la technique, alors que le problème est social. La véritable raison d'un certain abandon de la lecture est que les jeunes ne savent plus lire (il faut malheureusement faire ce constat accablant).
On ne fait pas d'emplâtre sur une jambe de bois. Ce n'est pas en rendant rose les livres que la lecture reviendra.
Ninja
01/12/2021 à 08:21
Regardons, c’est toujours utile, la réalité…
On nous dit « Contrairement aux idées reçues, nous n’avons jamais autant lu ».
Or une étude récente (16 nov. Évaluations nationales) nous montre que 50 % des élèves de sixième ne savent pas vraiment lire. Rappelons qu’une étude de 1995 montrait qu’en sortie d’école primaire, le niveau des élèves était inférieur à celui des détenteurs du certificat de fin d’études primaires en 1925. Comme les résultats des élèves de l’école primaires sont fortement décroissants depuis 1995, la réalité est malheureusement que « nous n’avons jamais moins lu ».
On hésite toujours à poursuivre, le temps est précieux, la lecture d’un article qui commence par une contre-vérité flagrante, mais regardons la suite…
On nous dit « le numérique constitue aujourd’hui un moyen unique et privilégié, grâce à… de nouveaux formats… de rendre la lecture et le patrimoine littéraire accessibles au plus grand nombre. » Il y a là une confusion grave entre « rendre un patrimoine accessible » et « entrainer à la lecture ». Malheureusement une adaptation théâtrale, cinématographique, télévisuelle, en série ou en manga ou sur TikTok rend un patrimoine accessible, ce n’est en aucun cas un entrainement à la lecture.
Il n’y a là rien de bien nouveau, les ouvrages de la bibliothèque bleue des Oudot vers 1620 servaient de support à la lecture orale collective, une des premières formes d’adaptation, les illettrés écoutaient avec attention et plaisir et n’apprenaient en rien à lire. D’ailleurs de nombreux ouvrages étaient illustrés pour accroître leur attrait pour ceux qui ne savaient pas lire. (toute ressemblance avec la situation actuelle est fortuite, etc.)
Notons aussi, que la plupart des études, elles sont nombreuses aux EU, tendent à montrer que l'usage d'une tablette en classe réduit la mémoire longue du contenu de la leçon chez les élèves, même à l'université.
On comprend bien, au vu de la liste des signataires qui font dans l’edtech que leur article a un petit côté publicitaire pour leur jardin, mais « à la française » avec un appel aux « pouvoirs publics » et, on l’imagine, au pouvoir de subvention. Rappelons quand même que la campagne de vaccination a été sauvée par une start-up de prise de rendez-vous dans lequel 200 codeurs (estimation personnelle) ont fait ce que 165 000 employés de la sécurité sociale ne sont jamais arrivés à faire, il me semble donc qu’en appeler à l’État pour s’occuper de numérique relève de la plaisanterie, ce que les écrivains, dessinateurs, auteurs savent assez quand ils se débattent avec une certaine caisse dans le Limousin.
Quant aux subventions pour le numérique, vu l’état des écoles primaires du côté de Marseille, un endroit où les enfants sont supposés apprendre à lire, il y a probablement des tâches plus prioritaires en matière de lecture, assises du livre numérique ou non. D’autant qu’un quotidien du matin assez connu donne les résultats ce matin d’une enquête ViaVoice qui indique que 78 % des citoyens pensent que l’éducation s’est dégradée ces dernières années, et que seulement 13 % d’entre eux pensent que l’école remplit son rôle de réduction des inégalités à l’enfance.
La réalité est bien rude…
Aradigme
01/12/2021 à 10:11
Bonjour Ninja,
J'approuve votre analyse. Le faible niveau d'apprentisage de la lecture constitue le premier problème auquel notre société fait face. C'est un problème d'importance, à l'origine de nombreux problèmes. Même la montée des incivilités et de la violence peut s'y trouver relié.
Quand les auteurs de l'article écrivent "Contrairement aux idées reçues, nous n’avons jamais autant lu. Médias en ligne, blogs, réseaux sociaux, messageries instantanées… les occasions de lecture sont infinies.",je m'interroge sur la qualité de ce que les gens lisent sur ces écrans. Si ceux-ci sont à la fois éclairés et lumineux, on ne peut hélas pas toujours en dire autant du contenu qu'ils affichent.
Un livre de 300 pages n'est pas équivalent à quelques milliers de tweets, même s'il compte le même nombre de lettres.
La plupart des textes publiés sur écran ont pour caractéristique la brièveté et l'instantanéité. En général, ils ont un but utilitaire (e-mail) ou répondent au besoin de faire le buzz et d'acquérir un instant de notoriété. Ils parlent du présent sans faire référence aux racines de la situation présente. Ils constituent des fragments d'information sans lien les uns avec les autres et donnent du monde une image chaotique, surtout pour ceux qui ne se sont pas dotés d'une solide culture générale par la lecture préalable d'ouvrages divers et variés.
Un livre, au contraire, raconte une histoire complète. Il constitue une structure réfléchie avec un début, un développement et une fin et conclusion. Il permet de développer à la fois l'imagination, la mémoire, la logique et la compréhension. Sa lecture nécessite un investissement en temps et attention pour en retirer un plaisir ultérieur. En ce sens, il va à l'encontre de l'époque présente qui privilégie la récompense immédiate et sans grand effort, mais aussi souvent sans grande profondeur, que procurent nombre de films ou de séries de type "blockbuster".
J'ajouterai que le livre papier me parait de loin préférable à la lecture sur écran. Un seul argument parmi d'autres: la lecture de quelques pages de qualité au lit constitue un rituel de fin de journée qui permet de s'endormir en toute quiétude (en tous cas pour moi). La lumière bleue des écrans, par contre, provoque une excitation peu propice au sommeil recherché.
Salutations
Aradigme
SamSam
01/12/2021 à 09:58
L'école ne peut faire mieux que ce que lui donnent et lui ordonnent les politiques. Elle fait déjà plus que le maximum, avec des personnels extrêmement dévoués, sous-payés et dirigés pr ds petits kapos.
On n' a pas dit non plus, dans ce publi-rédactionnel que si l'immense majorité des gosses savent lire en sortant du primaire, on ne les fait pas lire, chez les parents des classes populaires - pas le temps, pas les moyens. Salaires de merdes, livres et ordis trop chers...
Par ailleurs, les plateformes comme celle qu'offre Nabook - L&K Studios startup un an d'existence - sont payantes...C'est petit surfeurs de la mode, privé de chez privé, vomissent ss doute sur l'Etat, mais ils veulent bien se gaver de subvention. Le beurre et l'argent.
Faudrait savoir ce qu'on veut. Développper réellement la lecture, ou filer du pognon pour un service qui deviendra de plus en plus en cher et de plus en plus mauvais, c'est la loi des prédateurs marchands. Ni les enfants, ni les parents, ni l'Etat ni gagneront. Ni la lecture, puisque qu'il va falloir des formats "adaptés", c'est de la bouse formatée.
En plus, ça rappelle le gouffre à pognon (de dingue) que les tte la chaine des crétins de la Direction des Programmes au Ministère en passant par les médias toujours lèche-culs, ont salué avec un résultat minable, depuis deux décennies maintenant. C'est une nouvelle tentative de sabotage marchand de l'Ecole, de ses missions, qui ne servira que les firmes.
Et les moutons s'enragent, leurs petits levés, qui contre l'école, qui contre l'Etat. Allez-y, les gars, troisième dose de tout numérique.