Coordonné avec quatre médiathèques départementales — Charente, Charente Maritime, Deux-Sèvres et Vienne —, le Prix des Lecteurs rassemble chaque année de nombreuses bibliothèques et leurs lecteurs, autour d’un thème commun. Alors que la littérature allemande est mise à l’honneur, ActuaLitté a décidé de se glisser dans les coulisses du prix, en interrogeant les premiers concernés par son bon déroulement : les bibliothécaires en charge de la sélection des romans proposés aux lecteurs.
Le 19/11/2021 à 16:01 par Valentine Costantini
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Depuis 1988, année du centenaire de la naissance de Jean Monnet, le LEC Festival permet la promotion des littératures européennes, afin de créer un dialogue « entre les auteurs, autrices, illustrateurs, illustratrices, les artistes et le public ». Comme chaque année, le salon se déroule le troisième week-end de novembre où, depuis 2004, il récompense un auteur ou une autrice par le Prix des Lecteurs. Pour cette nouvelle édition, le prix présente quatre romans qui explorent l’Histoire et les histoires de l’Allemagne. La remise du Prix 2021 se déroulera ce samedi 20 novembre, au théâtre L’avant-scène de Cognac.
SALON: Cognac, s’ouvrir à l’Europe et ses littératures
Chaque année, l’organisation est la même, avec une élaboration de la sélection et la coconstruction du prix entre les quatre bibliothèques départementales, l’équipe du festival et la ville de Cognac. La sélection est proposée à l’ensemble du réseau, avec, en avril, le lancement officiel du prix grâce à une journée professionnelle, qui permet aux bibliothécaires d’appréhender au mieux cet évènement. En novembre, les lecteurs peuvent rencontrer les auteurs et autrices de la sélection en bibliothèque, avant de participer à la remise du prix au sein même du festival.
Pour mieux saisir l’impact du Prix des Lecteurs, il semblait nécessaire de se pencher sur l’implication des bibliothécaires, élément essentiel à cet évènement littéraire pour la région. Nous avons eu la possibilité d’interroger quatre bibliothécaires, issus des médiathèques départementales qui sont les partenaires du LEC Festival pour ce prix.
Interrogés sur la signification d’un travail en collaboration avec un festival littéraire local, un mot résonne, significatif : « découvertes ». Pour les lecteurs, bien sûr, mais aussi pour les bibliothèques, qui s’ouvrent à des auteurs et autrices qui, sans ce prix, n’auraient peut-être jamais trouvé leur place sur une étagère, ici, en France.
Participer à un tel évènement, c’est avant tout une manière de « développer les découvertes de la littérature européennes, des auteurs étrangers auprès des bibliothèques, et favoriser la création d’ateliers pour des lecteurs adultes, autour d’artistes que les bibliothèques ne seraient pas amenées à découvrir autrement », affirme Laurence Chenel (Charente-Maritime).
L’idée ici, simplement dit, est de réunir les curieux autour d’une littérature nouvelle, insoupçonnée, et capable de surprendre, d’émouvoir, de transporter. Mais aussi d'échanger autour des thèmes de ces différents romans. « Pour nous, la participation à ce prix permet de fédérer un certain nombre de bibliothèques autour d’un projet commun, c’est-à-dire faire lire et réunir les lecteurs », nous explique Adrien Charbeau (Vienne).
« La Charente est une terre de festivals », a affirmé Sophie Dumas (Charente) lors d’un échange téléphonique. « Et tout le travail qui se fait avec l’ensemble des festivals autour du domaine culturel devient une véritable porte d’entrée pour se rendre dans les bibliothèques. Participer au Prix des Lecteurs semble donc logique. »
Le Prix des Lecteurs, cocréé par les bibliothécaires de Charente et le LEC Festival, était une manière de permettre aux bibliothèques de trouver une place à part entière — alors que le Prix Jean Monnet, donc la dotation est financée par le conseil départemental, n’offrait pas une telle opportunité créative. Par la suite, les autres BDP de la région ont pris part à cette aventure.
La première année, comme nous l’explique Sophie Dumas (Charente), « il n’y avait au départ que cinq bibliothèques. Maintenant, elles sont trente. » L’engouement pour cet évènement n’a cessé de croître, avec un public séduit par l’idée de sélections peu communes. Et les bibliothécaires se montrent depuis tout aussi enthousiastes, avec une organisation de plus en plus travaillée autour du prix et de son thème. De quoi attirer toujours plus de lecteurs…
À LA LOUPE: petites (et grandes) mains d'un festival littéraire
En effet, avec un nombre de participants qui a vraisemblablement doublé dans le département de Vienne — avec 43 communes, donc autant de bibliothèques concernées —, il est alors possible de maintenir une certaine vitalité, bien que fragile, pour l’engouement qui existe autour de la lecture. De la même manière, en Deux-Sèvres, le prix a réellement pris de l’ampleur en 2011 — avec pour thème la littérature espagnole —, avec une forte augmentation du nombre de bibliothèques participantes. « En 2015, face au succès du prix dans les 4 départements il est devenu nécessaire de structurer les rencontres et d'uniformiser le fonctionnement sur ces départements », nous a expliqué Catherine Cotard (Deux-Sèvres).
Cette année, la littérature allemande est donc sur le devant de la scène. Quatre titres ont été proposés aux lecteurs, qui ont eu jusqu’en octobre pour les lire et s’en faire une opinion. Et comme pour chaque nouvelle thématique, les avis peuvent différer…
Laurence Chenel (Charente-Maritime) nous indique des retours « plutôt positifs sur la sélection » en général, bien que toutes les bibliothèques du département n’ont pas encore donné leur avis.
De son côté, Adrien Charbeau (Vienne) nous explique que, cette fois-ci, les retours ont été un peu mitigés dans son département, au vu d'un thème jugé « trop historique ». Les lecteurs n’ont pas été emballés, « même si tout le monde a participé de bonne grâce », précise-t-on. Car bien évidemment, les lecteurs savent toujours se montrer particulièrement curieux.
En effet, la sélection 2021 s’axe autour de l’histoire de l’Allemagne, ce qui comprend, entre autres, des histoires de guerre — loin des sujets contemporains. De quoi assombrir les visages, alors que la période actuelle n'est pas non plus très rose… De plus, la littérature allemande avait déjà été choisie par le Prix des Lecteurs par le passé, avec une certaine redite signalée çà et là : finalement, « tout s’est bien passé », nous assure Sophie Dumas (Charente).
Par écrit, Catherine Cotard (Deux-Sèvres) nous explique que l’augmentation du nombre de lecteurs rend difficile la satisfaction générale. En effet, « [i]l existe un noyau dur de lecteurs qui suit le prix depuis le début et qui au fil des ans a connu de fortes émotions littéraires lors de la découverte d'un pays ou d'un autre. Dès lors, ces lecteurs deviennent nostalgiques de “LEUR” sélection idéale et attendent tous les ans quelque chose d'encore plus fort. Évidemment ils peuvent être déçus ». Cependant, elle note l’importance d’offrir aux nouveaux participants des lectures peut-être plus « faciles » d’accès, afin d’attiser leur intérêt.
Depuis sa création, le Prix des Lecteurs a évolué, trouvé ses marques, avec des changements voulus — ou non. Et, on s’en doutait, ses belles surprises...
Malgré une année 2020 décrite comme « chaotique » par Laurence Chenel (Charente-Maritime), en raison d'une situation sanitaire bien encombrante pour les bibliothèques et autres structures culturelles, cette nouvelle édition du prix a été l’occasion, aussi, de regarder en arrière.
Par le passé, nous explique-t-elle, « des animations supplémentaires ponctuaient le prix ». Elle mentionne des balades, la diffusion de films en lien avec le choix du pays, des concerts ou encore l’intervention de groupes de musique. « Toutes ces choses n’ont malheureusement pas été maintenues, alors que cela permettait d’offrir autre chose que des rencontres littéraires pour présenter le prix lui-même aux lecteurs. » De beaux moments qui, espérons-le, sauront retrouver une place dans ce Prix des Lecteurs.
Catherine Cotard nous raconte que l’année 2009, alors que la Grèce et sa littérature étaient à l’honneur, avait été particulièrement touchante. « La crise traversée par la Grèce à ce moment-là a été très fortement suivie par les lecteurs qui se sont sentis pleinement concernés par les évènements. Leur empathie était clairement liée à la découverte de ce pays au-delà des clichés touristiques, grâce aux lectures et à la journée professionnelle. » Un phénomène qui se répète tous les ans, « avec plus ou moins d’intensité ».
Dans tous ces échanges, un détail frappe : le souhait de partage, abondant, entre les bibliothécaires et les usagers. Des dialogues qui s’ouvrent, bourgeonnent, et permettent à tant de personnes, si différentes, de se rencontrer le temps d’une lecture.
« Chaque année, il y a toujours des lecteurs qui sont curieux de savoir comment s’est déroulée la sélection », affirme Sophie Dumas (Charente). « C’est le pouvoir de la littérature. »
Crédit photo : ninocare / Pixabay
Par Valentine Costantini
Contact : valentine.costantini@gmail.com
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