La désinvolture a de l’avenir, comme un atteste un texte du IIe siècle, affirmant un goût de la poésie antique pour le détachement – dont Rimbaud n’aurait plus l’apanage. Les recherches effectuées sur un ancien texte, peu connu et anonyme, démontrent en outre un travail sur la métrique, très distinct des formes en vigueur. Quand le fond rejoint la forme…
Le 08/09/2021 à 15:45 par Nicolas Gary
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08/09/2021 à 15:45
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Exeunt, les distiques élégiaques, examètres iambiques et autres strophes sapphiques : le professeur de lettres classiques Tim Whitmarsh, qui enseigne à Cambridge, assure avoir trouvé sur un texte un décalage notable d’avec les formes poétiques classiques de la Grèce antique. Et le tout avec un texte qui aurait des accents d’indifférence sublimes.
Greekcity, qui fournit le texte et sa traduction, insiste sur cette dimension nouvelle, en rupture avec les canons poétiques.
Ils disent
Ce qu’ils veulent
Laisse-les parler
Je m’en fiche
Allez, aime-moi
Ça te fait du bien
De quoi reconsidérer les textes de Ronsard et ses imprécations à Hélène. Tim Whitmarsh s’est d’abord concentré sur le texte : cette approche peu commune s’était popularisée dans l’Empire romain oriental. On retrouve d’ailleurs sur une vingtaine de pierres précieuses les deux derniers vers, bel et bien écrits en grec ancien.
Or, cette donnée en poche, l’enseignant s’est consacré à la forme : on sait que la poésie grecque s’appuie sur une question de rythmique fondamentale, puisque récitée avec un tambourin battant la mesure. Des syllabes longues, d’autres courtes : l’harmonie sonore importait bien moins que le respect des schémas d’écriture. S’ajoutait l’accentuation de certaines, suivant des modalités spécifiques, et d’autres non accentués.
Pourtant, ce modèle de poésie accentuée tel que révélé par le texte extrêmement bref n’était jusqu’à lors pas apparu avant le Ve siècle, par les Byzantins, pour les hymnes chrétiens. Par le passé, seule la longueur des vers importait.
Les conclusions de ses recherches, publiées dans le Cambridge Classical Journal, établissent alors, par ce texte, un lien — un chaînon poétique manquant — entre la poésie orale et les chants méditerranéens antiques et des formes plus modernes d’écriture poétique. En effet, à la lecture, on perçoit bien l’importance de vers de quatre syllabes, répétés, quand les vers antiques pouvaient varier de longueur suivant la valeur des syllabes et le procédé structurel choisi.
Bien entendu, reconnaît l’enseignant, personne n’ignorait l’existence d’une poésie populaire, à l’époque. Mais ce texte amorce « une culture distincte et florissante, principalement orale qui heureusement pour nous dans ce cas, a également trouvé sa place sur ces pierres précieuses ».
Et si cette découverte a échappé aux chercheurs depuis tous ces siècles, c’est qu’ils auraient étudié les éléments séparément les uns des autres. Les pierres par des savants, les textes par d’autres, et ainsi de suite. « Ils n’avaient pas été sérieusement étudiés par le passé en tant que littérature. Les gens qui les ont observés ne cherchaient généralement pas des changements dans les éléments métriques. »
De quoi, par ailleurs, confirmer les doutes de poètes médiévistes, sur le développement du vers byzantin, tirant ses racines de l’antiquité classique.
Quant à ces pierres précieuses, elles équivalent, plaisante le chercheur, à ces t-shirts aujourd’hui personnalisés et affichant une citation provocatrice. La simplicité du message est devenue telle qu’on pouvait la décliner pour nombre de sujets — et surtout la reproduire sans fin. Sa note érotique finale laisse évidemment entendre beaucoup, entre discours humoristique et chargé de sexualité.
Crédits photo : José Miguel Noguera Celdrán ; Aquincum Museum
2 Commentaires
L'albatros.
09/09/2021 à 17:35
Laissons là Rimbaud de côté.
Car de sa part, il n y a ni Désinvolture ni Détachement.
Mais une identification de la Poesie a l' Aventure existentielle experimentale individuelle de vivre en des lieux et sites extrêmes et qui nous plaisent.
La ' poesie objective'.
Ceci est loin de ce qui nous est rapporté ici, a propos de métrique et de rythmes.
Chamboulés,
mais oeuvrant toujours dans l' intelligible immediat exprimé de la Presence.
Apophtegmes, ou maximes.
Tout encore , dans la Mesure, même ' brisée'.
Bravo de la découverte , et merci.
peter hicks
10/09/2021 à 18:47
Pourquoi vous mettez un ostrakon/texte en tête qui n'a rien à voir avec l'article?