En salles le 22 septembre prochain, Le Sommet des Dieux adapte le récit homonyme de Jirō Taniguchi, en 5 tomes (parus aux éditions Kana dans une traduction de Sylvain Chollet). L'histoire d'une passion vertigineuse pour l'alpinisme, où chaque sommet vaincu n'est qu'un seuil devant le prochain... Entretien avec Patrick Imbert, le réalisateur du long-métrage.
ActuaLitté : Comment avez-vous découvert Le Sommet des Dieux, œuvre bien particulière de Jirō Taniguchi ?
Patrick Imbert : Je connaissais bien Jirō Taniguchi, mais plutôt sa veine « auteur » : je pense à Quartier lointain ou Journal de mon père. Mais je ne m'étais jamais attardé sur Le Sommet des Dieux, considérant que la montagne, « ce n'était pas mon truc ».
Je travaillais avec Folivari sur Le Grand Méchant Renard [coréalisé par Patrick Imbert avec Benjamin Renner, et inspiré de l'œuvre de ce dernier, NdR] quand les producteurs m'ont demandé de faire des designs de personnages pour une adaptation du Sommet des Dieux, quelques dessins sommaires. C’est à cette occasion que j’ai découvert la BD, et je ne l'ai pas lâchée.
Comment Taniguchi parvient-il à si bien raconter l'alpinisme, et à captiver avec ce sujet ?
Patrick Imbert : Cela tient vraiment à son talent de conteur. Chez Taniguchi, je sens toujours une tonalité humaine, avec des personnages qui sont assez profonds. Il y a cette dimension humaniste, à travers toute son œuvre, qui transforme véritablement une histoire. Dans Le Gourmet solitaire, ou L'Homme qui marche, le fil narratif est parfois ténu, et pourtant le lecteur sent les émotions du personnage, son évolution intime.
Quel a été le travail pour porter 5 tomes d'un manga à l'écran ?
Patrick Imbert : La majorité des éléments du film sont dans les premier et deuxième tomes, ainsi que dans le dernier. Aussi, je ne saurais que trop conseiller aux spectateurs de se tourner vers l'œuvre originale, après le film ! Nous avons voulu conserver la dimension épique du récit, mais aussi l'introspection que l'on y retrouve.
Nous avons modifié l'enquête menée par le journaliste du récit, Fukamachi, pour la rendre plus efficace, avec plus de suspens. Dans la bande dessinée, elle est plus complexe, avec des détails personnels sur celui qui la mène. Là, Fukamachi est un personnage plus simple, qui passe de spectateur à acteur. Son cheminement dégage un axe pour le film, parallèlement à la quête de l'alpiniste, Habu.
Le grand écart est flagrant entre les expressions cartoonesques du Grand Méchant Renard et le visage assez fermé de l'alpiniste Habu... Comment passe-t-on de l'un à l'autre ?
Patrick Imbert : Dans les deux cas, même si les genres sont totalement à l'opposé, le rendu de cette expression représente énormément de travail. Chez les jeunes animateurs de la nouvelle génération, qui ont souvent grandi bercés par le manga et l'anime, l'envie de rendre compte des émotions est très forte. Dans le cas de Habu, l'exercice était difficile, car il fallait que l'animateur règle précisément son acting : le personnage s'exprime avec quelques mouvements subtils. Si on en fait trop, l'ensemble est gâché.
Pour Le Sommet des Dieux, l'autre défi était technique : il a fallu faire des recherches sur le matériel d'alpinisme et son fonctionnement, la manière dont on grimpait. Nous avons regardé énormément de vidéos sur le sujet, et des conseillers nous ont accompagnés.
Des dessins statiques aux scènes animées, quel est le processus ?
Patrick Imbert : Pour le jeu d'acteur, on mime, tout simplement, ce que j'ai beaucoup fait devant les animateurs. Ensuite, on exécute un rough, un brouillon, pour voir si l'on va dans la bonne direction ou non. Ensuite, on y ajoute quelques bruitages rudimentaires, des voix « maquettes », qui ne seront pas le doublage définitif. Et toute la mise en scène est déjà là, à cette étape. Si l'animatique ainsi obtenue ne marche pas, alors le film ne marchera pas non plus. Dans l'animation, on crée la narration du film avant la création de l'image à proprement parler.
Concernant l'aspect visuel du film, que recherchiez-vous ?
Patrick Imbert : Je voulais quelque chose de réaliste, d'adulte et de cinématographique. À ce titre, j'ai été beaucoup aidé par les chefs décorateurs et David Coquard-Dassault [directeur artistique, NdR], qui pensent vraiment l'animation comme du cinéma. Mikael Robert, qui a notamment travaillé sur la série Last Man, a pour sa part dirigé l'équipe des peintres, réalisant de petites vignettes, des color scripts, qui ont aidé à aboutir sur l'image finale. Ensuite, pour les effets de lumière, de flou ou de focale, on ajoute un peu de compositing.
Concernant l'animation des personnages, nous avons utilisé exclusivement de la 2D, une méthode très classique, avec un peu de 3D pour nous aider sur certains véhicules ou pour réaliser des décors de ville ou d'intérieur, ensuite redessinés à la main.
Les décors naturels, eux, ont été réalisés sous forme de peinture, à partir d'une base documentaire. Quand on souhaite du réalisme, il faut de toute façon aller chercher le rendu le plus cinématographique possible. Ainsi, même avec un simple crayon, le rendu sera incroyable.
Cette expérience vous a-t-elle décidé à gravir un sommet ?
Patrick Imbert : Je trouve cela toujours assez fou de faire des choses aussi dangereuses. Mais le parcours et la réflexion de Habu m'ont aidé à faire le film. Chacun peut voir un parallèle avec l'alpinisme dans son propre cas. Pour moi, qui suis dessinateur-animateur, c'est le dessin : pourquoi je dessine, je ne me l'explique pas, je le fais.
Paru le 17/09/2010
333 pages
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18,00 €
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