Si l’origami incarne la plus noble discipline du pliage de papier, un groupe de scientifiques de l’École polytechnique fédérale de Lausanne a poussé le bouchon plus loin. Leur projet de recherche portait sur la modélisation des forces de frottement… quand on plie un ouvrage. Et ce, parce que le livre en tant qu’objet possède des caractéristiques amusantes en la matière.
Le 09/07/2021 à 17:03 par Clément Solym
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Publié le :
09/07/2021 à 17:03
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Nous voici partis bien loin des préoccupations d’Akira Yoshizawa, dont le monde a oublié qu’il fut le maître de l’origami — décédé en 2005. Voici pour le volet culturel. Car pour les trois scientifiques — Tian Chen et Pedros Reis, de l’EPFL et Basile Audoly, du laboratoire de mécanique des solides — l’idée était moins de plier des pages pour créer des formes que d’analyser la pression exercée sur un livre plié.
Pour la science revient en effet sur leurs travaux concernant la résistance assez particulière d’un ouvrage. Considérons en effet une feuille de papier : elle se plie sous l’exercice d’une pression. Mais l’empilement de feuilles de papier — dans le cas d’un livre — pose visiblement de vibrantes problématiques mathématiques.
En effet, plus on empile les pages, plus la formule devient complexe. Encore fallait-il donc modéliser le fonctionnement physique de cette pression : c’est chose faite. « Au départ, nous avons supposé que pour courber une plaque, il faut une certaine force, et que pour en plier deux, nous en avons besoin du double. Or, nous nous sommes rendu compte que lorsqu’il y a un nombre plus important de plaques, cette hypothèse ne fonctionne plus. La force à produire s’avère non linéaire. Cela signifie que la résistance à la déformation croît plus rapidement que le nombre de pages », explique Samuel Poincloux à l'EPFL.
« En ce qui concerne la force, nous avons par exemple constaté que plus le nombre de pages est élevé, plus on observe une différence marquée entre l’aller et le retour (un phénomène d’hystérésis), ce qui signifie que l’on dissipe de plus en plus d’énergie », indique le postdoctorant.
L’ensemble de leurs résultats se retrouvera à cette adresse, avec autant des calculs complexes que des applications assez concrètes. De fait, en mesurant les questions de frottements, les chercheurs envisagent de concevoir des objets pour lesquels cette question est cruciale : des matelas, par exemple, ou des amortisseurs, peu coûteux et plus efficaces. C’est le groupe Michelin, qui doit jubiler…
On peut retrouver toutes les explications, mais en anglais, dans cette vidéo :
Crédit photos, video: EPFL
3 Commentaires
Hacker
10/07/2021 à 08:02
Des amortisseurs de ce type existent... depuis le début de la voiture. Ça s'appelle des amortisseurs à lames (et ça utilise des lames d'acier). C'est une technologie primaire qui n'apporte qu'un confort très relatif (par rapport au couple ressort+piston). En revanche, c'est la seule technologie financièrement accessible pour des véhicules lourds (comme les poids-lourds).
Le char Leclerc possède un système d'amortisseur très évolués, mais le prix est astronomique.
Aradigme
10/07/2021 à 08:07
Intéressant comme modèle, avec nombre d'applications dont les tabliers des ponts.
Jujube
10/07/2021 à 23:08
Quelle belle idée, celle de construire des ponts avec des livres (de préférence là où il ne pleut pas trop) et l'autre, de les transformer en matelas (pratique surtout pour s'endormir quand le texte est barbant).
Les scientifiques de Lausanne ont l'air de bien s'amuser dans leur labo. Vive la Suisse!