L’idée semble saugrenue, mais dans la perspective qu'un virus nous force de nouveau à camper chez soi, il faut bien s’occuper l’esprit… Pour Andy Murdock, ce qui n’était à l’origine qu’une simple observation s’est transformée en activité pandémiquement obsessionnelle : cartographier les polices de caractère associées à toutes les villes et autres localités des États-Unis d’Amérique. Rien que ça !
Le 28/06/2021 à 11:22 par Valentine Costantini
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Publié le :
28/06/2021 à 11:22
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Tout a commencé en 1984, avec Chicago. Police d’écriture simple, sans réelle rigidité, créée par Susan Kare, elle est utilisée par le système d'exploitation de Macintosh. Pour Andy Murdock, co-fondateur de The Statesider, cette police représentait parfaitement « la nouvelle ère de l'informatique conviviale et accessible qui a rendu le Mac si révolutionnaire ».
Cette découverte, lors de sa toute première utilisation de cet objet Apple mythique, aura allumé une petite étincelle de curiosité dans son esprit. Pour Murdock, il semblait important d’explorer le lien avec la géographie : de la typo à la topographie, n'y aurait-il qu'un espace insécable ?À mesure que le nombre de polices en ligne augmentait, c’était comme si avait chaque lieux avait ses propres caractères. Alors, la question s'est posée : « Combien de polices portent le nom de lieux américains ? »
Verdict ? Murdock a en trouvé 222.
« Ce n'est pas vraiment la réponse », affirme-t-il à la volée, « c'est juste là où je devais m'arrêter, car plus je regardais, plus je trouvais. » Avec une telle superficie à couvrir, rien de moins surprenant...
Pour la plupart, il y a une réelle corrélation entre ces polices et leur situation géographique. En effet, Murdock observe qu’elles sont réparties selon la population : on en retrouve en grand nombre là où la densité de population est plus importante, comme sur les côtes ou encore près des Grands Lacs, tandis que les régions intermédiaires sont moins bien pourvues.
Le grand gagnant est l’État de la Californie, avec pas moins de 23 polices répertoriées par Murdock, suivie de celui du Texas, avec 15, et enfin de New York, avec 9.
La fameuse Route 66 a de quoi être fière : presque – oui, seulement presque – toutes les villes citées dans la chanson signée Bobby Troup ont droit à une police correspondante. Les seules manquant au bataillon sont Gallup et Barstow.
À l’inverse, Murdock relève que certaines régions sont tout bonnement laissées à l’abandon, sans aucune police de caractère. Le Maine, le Missouri et le New Jersey ne sont que quelques exemples. Après tout, les 222 polices recensées par Murdock ne sont qu’un début : « Cela ne veut pas dire que l'Amérique n'a plus de place pour les polices, en fait, il y a beaucoup de pays ouverts à explorer pour l'inspiration typographique. »
Reste donc à produire une carte du tendre typographique ? Celle de Murdock se trouve en tout cas à cette adresse.
D’ailleurs, si l’on attend le relevé des villes françaises et des fonts associées, on rappellera, pour l’anecdote, comment le conseil municipal de Saint-Maurice-Montcouronne (Essonne) avait envisagé en 2014 de changer la police d’écriture pour ses documents officiels. Selon Le Figaro, cette logique de transition entre Times New Roman et Arial, les deux en vigueur, qui seraient remplacées par Garamond. Et ce, pour faire des économies, dans un contexte de diminution du fonds de dotation aux collectivités locales. Futé.
En attendant que l'on compose cet inventaire à la Prévert, quelques petites perles se remarquent.
On peut ainsi noter la création, entre 1951 et 1953, de Mistral : police de caractère créée avec l’objectif d’imiter une écriture manuscrite, elle est largement utilisée dans le contexte publicitaire des années 50. Bien qu’imaginée à Marseille, elle pourrait être associée au quartier sud-ouest de la ville de Grenoble, Mistral-Bachelard — si on tient vraiment à suivre les pas de Murdock, en fusionnant typographie et géographie...
Autre police d’écriture notable : Marianne. Dessinée en 2020, elle est vouée à représenter la France et ses valeurs dans la communication gouvernementale de notre nation. Si vous pensez y être étrangers, détrompez-vous. Nous avons tous été bien familiarisés avec Marianne, puisque l’une de ses premières mises en application aura été la fameuse attestation de déplacement dérogatoire du premier confinement.
Enfin, pourquoi ne pas se sentir un peu révolutionnaire ? La police de caractère Didot, d’après le graphiste Pierre Faucheux, a en effet tout pour symboliser l’esprit de la Révolution française : « Par son dessin, il est le tranchant même de la guillotine. Il est fait avec des lames noires. Les pleins sont les lames et les déliés, les maigres, sont les tranchants des lames. » Une police, autre son graphisme si particulier, qui aura été massivement utilisée en France dès 1810 et qui aura incarné le renouveau et l’industrialisation.
3 Commentaires
Forbane
29/06/2021 à 11:32
Merci de corriger la faute dans votre titre : il faut écrire "tout" est non "toute", puisque "tout" est ici employé comme adverbe (on peut le remplacer par "entièrement").
Berengere
17/09/2021 à 05:31
Bonjour,
J’en apprends des choses grâce à vous. L’article est passionnant. Merci beaucoup pour ces informations partagées ici.
Forbane
17/09/2021 à 10:09
En attendant, l'énorme faute dans le titre n'a toujours pas été corrigée.
Incroyable.