Sans surprise, les premières liseuses voient le jour dans la Silicon Valley, terre des projets technologiques les plus fous, avec les fonds nécessaires pour les développer. Ces liseuses sont le Rocket eBook (de NuvoMedia) et le SoftBook Reader (de SoftBook Press), qui virent le jour en 1998. D'autres modèles suivent, par exemple le Gemstar eBook (de Gemstar) en 2000, le LIBRIe (de Sony) en 2004, le Cybook Gen2 (de Bookeen) à la même date, le Sony Reader (de Sony) en 2006, le Kindle (d'Amazon) en 2007, le Nook (de Barnes & Noble) en 2009 et l'iPad (d'Apple) en 2010.
Alors que les liseuses étaient jusque-là l'apanage des films de science-fiction, les premières liseuses du marché — le Rocket eBook de NuvoMedia et le SoftBook Reader de SoftBook Press — suscitent un grand engouement en 1998, même si peu de gens en achetèrent.
Le problème n'est pas seulement leur prix prohibitif (plusieurs centaines de dollars), qui ne poserait guère de problème à certains dans la Silicon Valley. Le problème est surtout un choix de livres très restreint, le catalogue de livres numériques étant encore ridicule par rapport à la production imprimée. Les éditeurs commencent tout juste à produire des livres numériques et se demandent encore comment les commercialiser, la plupart étant tétanisés par les risques de piratage.
Ces deux liseuses fonctionnent sur batterie et disposent d'un écran à cristaux liquides (écran LCD : Liquid Cristal Display) noir et blanc rétro-éclairé ou non, avec une capacité de stockage d'une dizaine de livres. L'usager se connecte à l'internet soit par le biais d'un ordinateur (pour le Rocket eBook), soit directement grâce à un modem intégré (pour le SoftBook Reader) afin de télécharger des livres à partir des librairies numériques présentes sur les sites des sociétés NuvoMedia et SoftBook Press.
Premier modèle du marché, le Rocket eBook est lancé en 1998 par NuvoMedia, une société californienne financée par la chaîne de librairies Barnes & Noble et le géant des médias Bertelsmann. NuvoMedia souhaite devenir « la solution pour distribuer des livres électroniques en procurant une infrastructure réseau aux éditeurs, distributeurs et usagers afin de publier, distribuer, acheter et lire un contenu électronique de manière sécurisée et efficace sur l'internet ».
Rocket eBook -domaine public
La connexion entre le Rocket eBook et l'ordinateur (PC ou Macintosh) se fait par le biais du Rocket eBook Cradle, un périphérique à deux câbles, les deux câbles étant d'une part un câble pour se connecter à une prise électrique par le biais d'un adaptateur et d'autre part un câble série pour se connecter à l'ordinateur.
Deuxième modèle du marché, le SoftBook Reader est lancé par SoftBook Press, une société californienne financée par les deux grandes maisons d'édition Random House et Simon & Schuster. Le SoftBook Reader utilise le SoftBook Network, « un service de distribution de contenu basé sur l'internet ».
Cette liseuse permet aux lecteurs de « télécharger facilement, rapidement et de manière sécurisée un large choix de livres et de revues grâce à sa connexion internet intégrée. [Contrairement à l'ordinateur,] le SoftBook Reader possède une ergonomie conçue pour la lecture de longs documents et de livres. » D'autres modèles suivent...
D'autres modèles de liseuses sont lancés en 1999, toujours dans la Silicon Valley, dont l'EveryBook Reader de la société EveryBook et le Millennium eBook (le nouveau millénaire approche) de la société Librius.
L'EveryBook Reader est une liseuse à double écran lancée par EveryBook en tant que « bibliothèque vivante dans un simple livre » pouvant stocker 50 livres numériques, avec un modem intégré permettant l'accès à l'EveryBook Store, afin de « consulter, acheter et recevoir le texte intégral de livres, magazines et partitions de musique ».
Le Millennium eBook est une liseuse « petite et bon marché », lancée par Librius, « une société de commerce électronique procurant un service complet ». Sur le site de la société, un World Bookstore propose « des exemplaires numériques de milliers de livres » disponibles via l'internet.
Toutes ces liseuses (Rocket eBook, SoftBook Reader, EveryBook Reader, Millennium eBook et d'autres) pèsent entre 700 grammes et deux kilos mais leur temps de vie est limité. Il faudra attendre le nouveau millénaire pour voir apparaître des modèles ayant une durée de vie légèrement plus longue, par exemple le Gemstar eBook lancé en novembre 2000 aux États-Unis et le Cybook (première génération, celui de Cytale) lancé en janvier 2001 en Europe.
Gemstar est une société américaine spécialisée dans les produits et services numériques pour les médias. Elle souhaite lancer sa propre liseuse. Gemstar lance le Gemstar eBook en novembre 2000 aux États-Unis après avoir racheté les sociétés californiennes Nuvomedia (auteure du Rocket eBook) et SoftBook Press (auteure du SoftBook Reader).
Le Gemstar eBook se décline en deux modèles — le REB 1100 (écran noir et blanc, successeur du Rocket eBook) et le REB 1200 (écran couleur, successeur du SoftBook Reader) — construits et vendus sous le label RCA, un label qui appartient à Thomson Multimedia. La plateforme, le navigateur et le logiciel de lecture sont spécifiques à l'appareil, tout comme le format de lecture, basé sur le format OeB (Open eBook, ancêtre de l'EPUB).
Les deux modèles sont vendus respectivement 300 et 699 $ par la chaîne de magasins SkyMall. Mais les ventes sont très inférieures aux pronostics. En avril 2002, un article du New York Times annonce l'arrêt de la fabrication de ces liseuses par RCA. C'est chose faite peu après.
Lancés à l'automne 2002, les modèles suivants — le GEB 1150 et le GEB 2150 — sont produits cette fois sous le label Gemstar et vendus par SkyMall à un prix beaucoup plus compétitif, avec ou sans abonnement annuel ou bisannuel à la librairie numérique du Gemstar eBook.
Le GEB 1150 coûte 199 $ sans abonnement, et 99 $ avec abonnement annuel (facturé 20 $ par mois). Le GEB 2150 coûte 349 $ sans abonnement, et 199 $ avec abonnement bisannuel (facturé lui aussi 20 $ par mois).
Malgré tous ces efforts, les ventes restent peu concluantes — faute d'un marché mûr pour ce genre d'appareil — et Gemstar décide de mettre fin à ses activités eBook. La société cesse la vente de ses liseuses en juin 2003 et la vente de ses livres numériques le mois suivant.
Première liseuse européenne, le Cybook est lancé en janvier 2001 par la société française Cytale. Sa mémoire — 32 Mo de mémoire SDRAM et 16 Mo de mémoire flash — permet de stocker 15.000 pages de texte, soit 30 livres de 500 pages, dans un appareil de format moyen (21 x 16 cm) pesant un kilo.
Olivier Pujol, PDG de Cytale, explique en décembre 2000 dans un entretien par courriel : « J'ai croisé il y a deux ans le chemin balbutiant d'un projet extraordinaire, le livre électronique. Depuis ce jour, je suis devenu le promoteur impénitent de ce nouveau mode d'accès à l'écrit, à la lecture, et au bonheur de lire. La lecture numérique se développe enfin, grâce à cet objet merveilleux : bibliothèque, librairie nomade, livre "adaptable", et aussi moyen d'accès à tous les sites littéraires (ou non), et à toutes les nouvelles formes de la littérature, car c'est également une fenêtre sur le web. »
Le Cybook - domaine public
Mais les ventes du Cybook sont elles aussi très inférieures aux pronostics et forcent la société à cesser ses activités en juillet 2002. La commercialisation du Cybook est reprise par la société Bookeen, créée en 2003 à l'initiative de Michael Dahan et Laurent Picard, deux ingénieurs de Cytale. Le Cybook Gen2 (2e génération) est lancé en avril 2004 et se décline en plusieurs modèles. Suit le Cybook Gen3 (3e génération) en juillet 2007, avec un écran utilisant pour la première fois la technologie E Ink.
La société Sony lance en avril 2004 sa première liseuse, le LIBRIe 1000-EP, commercialisé au Japon et produit en partenariat avec les sociétés Philips et E Ink. Le LIBRIe est la première liseuse du marché à utiliser la technologie d'affichage développée par la société E Ink.
Cette liseuse pèse 300 grammes avec piles et protection d'écran (loin du poids des premières liseuses, donc) pour une taille de 12,6 x 19 x 1,3 centimètres. Elle fonctionne avec quatre piles alcalines. Sa mémoire est de 10 Mo (avec possibilité d'extension) et sa capacité de stockage de 500 livres. Son écran de 6 pouces a une définition de 170 DPI et une résolution de 800 x 600 pixels. Un port USB permet le téléchargement des livres à partir d'un ordinateur. La liseuse comprend aussi un clavier, une fonction d'enregistrement et une synthèse vocale.
Rama - Sony reader - CC BY-SA 2.0
Suite au LIBRIe lancé en avril 2004 au Japon, Sony lance le Sony Reader en octobre 2006 aux États-Unis. L'écran de cette liseuse utilise une technologie E Ink plus avancée. Selon Michael Cook, auteur du site epubBooks.com, il s'agit d' « un écran qui donne une excellente expérience de lecture, très proche de celle du vrai papier, et qui ne fatigue pas les yeux ».
Un autre avantage de cette liseuse sur ses concurrentes est la durée de vie de la batterie, avec plus de 7.000 pages consultables, ou deux semaines sans nécessité de la recharger (cela reste à voir quand même). Cette liseuse est aussi la première à utiliser Adobe Digital Editions, un logiciel qui adapte le texte du livre à la taille de l'écran. Le Sony Reader est progressivement disponible au Canada, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France.
Sans surprise, la grande librairie en ligne Amazon.com lance en novembre 2007 sa propre liseuse, le Kindle, avec un format livresque (19 x 13 x 1,8 cm), un poids de 290 grammes, un écran noir et blanc de 6 pouces avec une résolution de 800 x 600 pixels, un clavier, une mémoire de 256 Mo (extensible par carte SD), un port USB et la possibilité de se connecter à l'internet via la WiFi. Le Kindle peut contenir jusqu'à 200 livres sur les 80.000 livres numériques que propose le catalogue d'Amazon, ce qui est un bon début.
Amazon lance ensuite en février 2009 le Kindle 2 pour un prix plus modique, qui continue de baisser sensiblement dans les mois qui suivent, puis le Kindle DX en mai 2009 avec un écran de 9,7 pouces permettant la lecture de journaux et magazines.
Le catalogue d'Amazon comptabiliserait 450.000 titres numériques en mars 2010, y compris des livres et revues audionumériques suite au rachat du catalogue d'Audible.com en janvier 2009.
En novembre 2009, la grande chaîne de librairies américaine Barnes & Noble lance sa propre liseuse, le Nook. Le Nook dispose d'une plateforme Android et d'un écran E Ink de 6 pouces, avec une connexion WiFi et une connexion 3G. Un modèle plus économique disposant de la seule connexion WiFi est lancé en juin 2010. Le catalogue de Barnes & Noble propose 2 millions de livres numériques à la fin 2010.
Barnes & Noble nook - CC BY 3.0
Le Nook Color apparaît en octobre 2010 avec un écran LCD de 7 pouces pour la lecture de magazines et de livres d'images. Un nouveau Nook plus léger est lancé en mai 2011 sous plateforme Android, avec un écran de 6 pouces utilisant la technologie E Ink Pearl tactile.
L'iPad est lancé par Apple le 3 avril 2010 aux États-Unis en tant que tablette numérique multifonction, avec un iBookstore de 60.000 livres numériques qui s'étoffe rapidement. Un lancement mondial suit en juin 2010.
Après l'iPod (lancé en octobre 2001) puis l'iPhone (lancé en juin 2007), deux objets cultes auprès de toute une génération, Apple devient lui aussi un acteur de poids dans le marché du livre numérique. Apple lance l'iPad 2 en mars 2011 aux États-Unis, avec un lancement deux semaines plus tard dans d'autres pays.
[Cette courte liste de liseuses est loin d'être exhaustive, bien entendu. Le prochain article de cette série sera consacré à la technologie d'encre électronique E Ink.]
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Crédit photo : ActuaLitte CC BY-SA 2.0
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