La foire du livre jeunesse de Bologne a été la première à migrer sur la toile en 2020. Après avoir fait ses preuves, elle se prépare à une nouvelle édition 100 % numérique, avec de nombreuses innovations. Et ce, dans l’attente de se rencontrer à nouveau à Bologne en 2022, comme nous l’a expliqué la directrice Elena Pasoli.
Le 06/05/2021 à 10:59 par Federica Malinverno
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La foire de Bologne (Bologna Children’s Book Fair) qui a lieu d’habitude au printemps avait déjà été décalée en juin. Elle aurait dû se tenir en partie en présentiel du 14 au 17 et elle sera finalement uniquement en ligne. Le rendez-vous international le plus important de l’édition jeunesse devra donc s’adapter à une édition encore entièrement numérique pour la deuxième fois consécutive. L’année dernière, ils ont été les premiers à expérimenter cette formule, comme le rappelle Elena Pasoli, la directrice et exhibition manager de la Foire de Bologne.
« En 2020, nous avons été les premiers à faire face au problème de l’annulation de la foire à cause de la pandémie de Covid-19. Nous avons donc pensé à créer un programme alternatif en ligne. Aujourd’hui, il semblerait évident d’organiser des événements en ligne, mais auparavant, il y a un an, lorsque la pandémie a éclaté, ce n’était pas le cas. En outre, c’était la première fois que nous structurions un programme d’événements en ligne. » C’est ainsi que Elena Pasoli rappelle la difficulté d’avoir été pionniers dans l’organisation de la première foire internationale numérique du livre.
En 2020 les visiteurs « virtuels » avaient été plus de 60.000 et, parmi les initiatives numériques, la création du Global Rights Exchange (GRE), une plateforme de support aux éditeurs pour la vente de droits étrangers, a été une innovation remarquable. « Nous pensions que le premier élément à couvrir était le marché de l’échange de droits. Nous avons donc créé une plateforme à la vitesse de la lumière », raconte Elena. Cette plateforme a aujourd’hui été grandement améliorée et mise à jour, ainsi qu’enrichie de nouvelles fonctionnalités, « qui la rendent plus souple et réactive ».
L’outil avait suscité une grande adhésion parmi les éditeurs (« plus de 20.000 titres téléchargés », souligne Elena, et plus de 500 éditeurs enregistrés), malgré quelques problèmes. Parmi les nouvelles fonctionnalités qui ont été ajoutées, de « nombreux filtres, tels que le type de livre, l’illustrateur, le sujet, l’auteur, la possibilité de chatter avec d’autres éditeurs, de faire des vidéos et des réunions directement sur la plateforme, ainsi qu’une toute nouvelle section dédiée aux licensings », rappelle encore Elena.
Le programme actuel, qui contient une quarantaine d’événements, se déroule donc entièrement en ligne : en plus du GRE, il y aura une série d’activités telles que des masterclasses, des événements pour le monde des traducteurs et des illustrateurs, des remises de prix et beaucoup d’autres nouveautés. « Par rapport à l’année dernière, nous sommes définitivement moins pris au dépourvu », confirme Elena. « Nous sommes plus prêts. »
La foire 2021 avait en effet été conçue comme un hybride — physique et numérique — dès le début (« Nous imaginions que ce serait complexe de se déplacer pour les visiteurs étrangers », nous précise Elena). Cependant les demandes de participation de la part des éditeurs avaient été nombreuses (« Nous avons reçu quelques centaines de formulaires d’inscription. Il faut tenir en considération aussi que nous comptons 1500 éditeurs adhérents »).
En effet, les relations avec les éditeurs sont primordiales pour une foire du livre. Elena affirme n’avoir jamais été en difficulté de ce point de vue, mais avoir toujours pu compter sur le soutien des éditeurs. « Les éditeurs ont toujours été très intéressés par nos initiatives et nous ont beaucoup soutenus, nous les sentons très proches et avons une très belle relation avec eux. Nous sommes en dialogue constant toute l’année. Ils sont conscients de notre engagement et mettent en ligne leurs documents, leurs critiques, leurs portfolios d’illustrateurs ». Même si l’événement appartient à Bologna Fiere, un organisme d’expositions, et n’est donc pas une émanation directe de l’AIE (Associazione Italiana Editori), cette dernière a toujours été à ses côtés.
Témoin de cette relation de confiance, un choix courageux a été fait : « Avec l’annulation de la foire, nous avons décidé de rendre entièrement ce qui a été payé par les éditeurs, et je ne sais pas si toutes les foires font cela », souligne Elena. « Nous avons une relation de totale transparence ».
Parmi les nouveautés de BCBF 2021, il y a le Crossmedia Award, qui est « une évolution du premier Digital Ragazzi Award, d’abord destiné aux applications et aux produits numériques ». Ce prix, comme le rappelle toujours Elena, était donc destiné surtout aux développeurs, alors qu’aujourd’hui au lieu de cela « l’accent est mis sur le cross média, visant plus au travail éditorial ». Il est en effet conçu pour les éditeurs qui présentent un nouveau projet cross média, déclinant un de leurs titres sur d’autres médias, que ce soit des applications, des films, des séries TV.
« Ce prix renvoie donc aux racines du thème central de notre salon, à savoir les livres jeunesse », confirme encore Elena. Par ailleurs, la création de ce prix témoigne aussi de la capacité de la part de la Bologna Children Book Fair à suivre les évolutions du monde de l’édition : « Pour nous, c’est un prix qui reflète ce qui se passe très souvent dans la réalité du milieu éditorial », nous rappelle Elena.
Une autre nouveauté concerne le BolognaRagazzi Award — BRAW, qui vise à mettre en valeur les livres illustrés les plus beaux et les plus innovants : la catégorie spéciale 2021 est la Poésie, en plus des quatre catégories traditionnelles du prix (Fiction, Non-Fiction, Opera Prima, pour les auteurs et illustrateurs débutants, et Comics, pour les bandes dessinées et les romans graphiques).
À l’occasion des célébrations du 700e anniversaire de la mort de Dante, sera aussi proposée l’exposition Distendere la mano a colorare : Dante nelle figure, organisée par le service culturel de la municipalité de Ravenne — Bibliothèque Classense et BCBF — BolognaFiere avec le support de l’Académie Drosselmeier.
Une autre nouveauté de taille de la BCBF est le Bologna Book Plus, pour laquelle une équipe de travail au Royaume-Uni a été constituée, sous la direction de Jack Thomas, l’ancienne directrice de London Book Fair. Il s’agit d’un « nouveau projet consacré à l’ensemble de l’édition, aux grandes questions de ce secteur », introduit Elena. D’après elle, encore une fois, le soutien des éditeurs a été au rendez-vous pour cette initiative : « Nous avons toujours senti le soutien d’une communauté intéressée et ouverte, nous avons reçu beaucoup d’emails de soutien ».
Comment est donc née cette initiative ? « Le BBplus est le résultat de rencontres heureuses, des mots échangés au fil du temps avec des éditeurs — nous étions déjà en dialogue avec Jack Thomas… Cela est né d’une envie de faire de nouveaux projets : c’est l’enfant de la créativité de la pandémie, je dirais », continue Elena. L’objectif de cette initiative est en effet « d’aborder des thèmes communs à toute l’édition, pas seulement à l’édition jeunesse : approfondir le secteur, les processus, les problèmes de l’éditeur en tant que tel, et ses principales thématiques comme l’innovation, la distribution, la traduction… ».
La première édition de ce projet, fruit d’une collaboration italo-anglaise, sera — hélas — virtuelle. « La première journée de cet événement aurait dû s’ouvrir par une session de formation à la vente de droits pour les jeunes agents. L’atelier aurait dû se tenir le dimanche après-midi, avant le premier jour de la foire pour représenter le passage de témoin », précise Elena. D’autres conférences et masterclasses sont prévues, comme celle consacré à l’autopublication ou aux défis auxquels le secteur a dû faire face suite à la pandémie (cette dernière sera coprésidée par Bodour Al Qasimi, présidente de l’Association internationale des éditeurs [International Publishers Association, IPA], et Richard Charkin, fondateur de Mensch Publishing).
Nous pouvons enfin nous demander quel sera l’avenir de la BCBF. Ce qui est certain, c’est que la foire continuera à mettre en œuvre ses programmes à l’international (par exemple la co-organisation de la China Shanghai International Children’s Book Fair, qui aura lieu en novembre 2021, et la collaboration, qui a lieu depuis deux ans, avec la Moscow International Book Fair). Parmi les nombreuses initiatives, Elena rappelle aussi une exposition itinérante (Pologne, Chine, Brésil, Corée du Sud…) mise en place en 2016 pour célébrer les 50 ans de la traditionnelle exposition des illustrateurs de la BCBF.
Enfin, le numérique restera, bien évidemment, une composante incontournable : « Aujourd’hui, nous planifions d’autres événements en ligne tels que ceux liés aux prix, nous annonçons les gagnants en ligne, nous réalisons des webinaires. Nous nous sommes pleinement engagés dans la voie du numérique », affirme la directrice de la Foire. En effet « le numérique n’est pas seulement un expédient pour faire face à l’impossibilité de se rencontrer physiquement à la foire, mais il permet d’élargir les activités possibles. Des activités en ligne fructueuses et intéressantes que nous considérons aussi pour l’après-pandémie », conclut-elle.
Crédits photo : Anneli Salo, CC BY SA 4.0 ; Elena Pasoli DR ; ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Federica Malinverno
Contact : federicamalinverno01@gmail.com
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